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Le contrôle étendu du Conseil d’Etat sur les sentences arbitrales internationales

Le contrôle étendu du Conseil d’Etat sur les sentences arbitrales internationales

C’est une décision importante en matière d’arbitrage et de procédure administrative qu’a rendue le Conseil d’Etat à la fin de l’année 2016, dans le cadre de la construction du terminal méthanier de la presqu’île de Fos Cavaou. Estimant que le terminal méthanier avait été livré avec de nombreuses malfaçons et un retard important, la société Fosmax LNG avait mis en œuvre la clause compromissoire figurant au contrat. Mécontente de la sentence arbitrale, elle a ensuite saisi le Conseil d’Etat d’un recours tendant à son annulation. Ce dernier a alors saisi le Tribunal des conflits de la question de la compétence juridictionnelle.


Les cours d’appel de l’ordre judiciaire sont en principe compétentes en matière d’arbitrage international (article 1519 du Code de procédure civile). Dans cette affaire, le Tribunal des conflits a cependant rappelé la compétence du Conseil d’Etat lorsqu’un litige « implique le contrôle de la conformité de la sentence aux règles impératives du droit public français relatives à l’occupation du domaine public ou à celles qui régissent la commande publique » (TC, 11 avril 2016, n°4043, Fosmax LNG).

Il s’agit du contrôle que le Conseil d’Etat a eu l’occasion de préciser dans la décision commentée, particulièrement didactique (CE, 9 novembre 2016, n°388806, Société Fosmax LNG), en confirmant que son contrôle ne porte que sur trois grandes catégories d’éléments :

  • l’arbitrabilité du litige, laquelle fait l’objet d’un contrôle plus étendu que celui opéré par le juge judiciaire. Cela s’explique par la nécessité de vérifier le respect du droit d’interdiction de l’arbitrage par les personnes publiques, auquel des exceptions sont prévues par le législateur. Alors que le juge judiciaire se refuse à contrôler l’arbitrabilité d’un litige soumis par les parties à une loi étrangère, le juge administratif s’assure en tout état de cause du respect de ce principe général du droit par les personnes publiques ;
  • la vérification, au titre de la légalité externe, de la compétence de l’arbitre telle que définie dans la convention d’arbitrage, dans le cadre d’un contrôle similaire à celui opéré par l’ordre judiciaire : composition de la formation, respect du principe de la contradiction et conformité de la sentence à la mission définie par les parties sont concernés par cette étape ;
  • un contrôle de fond opéré sur la sentence, limité à « l’ordre public » mais néanmoins plus étendu que celui de « l’ordre public international » auquel sont limitées les juridictions judiciaires (article 1520 du Code de procédure civile). Le Conseil d’Etat y inclut ce qui s’apparente à un ordre public contractuel (principes essentiels de la commande publique et de la domanialité publique), mais également l’ordre public de l’Union européenne et les « règles auxquelles les personnes publiques ne peuvent déroger », comme l’interdiction des libéralités ou l’interdiction de renoncer à certaines prérogatives publiques, reprenant sur ces points une décision antérieure du Tribunal des conflits (TC, 17 mai 2010, n°3754, Inserm c/ Fondation Letten F. Saugstad).

Par ailleurs, la décision Fosmax LNG permet d’extrapoler, d’une part, sur l’exequatur d’une sentence arbitrale internationale par le juge administratif, dont le contrôle devrait être analogue à celui qui vient d’être développé et, d’autre part, sur les sentences rendues en arbitrage interne, dont l’examen devrait être au moins équivalent. Au cas présent, le Conseil d’Etat juge licite le recours à l’arbitrage, mais annule partiellement la sentence au motif que la règle selon laquelle une personne publique peut reprendre en régie les travaux aux frais de son cocontractant sans procéder à la résiliation préalable du contrat est d’ordre public. En revanche, la circonstance que les arbitres aient qualifié le contrat de droit privé alors qu’il était administratif n’est pas en soi un motif d’annulation, l’ordre public n’étant pas nécessairement affecté.

 

Auteurs

Aurore-Emmanuelle Rubio, avocat en droit de l’énergie et droit public

Marc Devedeix, juriste en droit de l’énergie

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