Le recours à l’usufruit locatif dans le secteur du logement social et intermédiaire
30 septembre 2015
Comme pour le financement de l’effort de construction que favorisent les pouvoirs publics, le recours à l’usufruit locatif permet de diversifier les sources du financement de la construction de logements intermédiaires en zones tendues.
Le régime fiscal accompagnant la promotion de l’offre locative de logements intermédiaires en zones tendues et de logements sociaux mériterait quelques précisions de la part de l’Administration.
Application du taux de 10 % de la TVA
Lors du débat parlementaire pour l’examen du projet de loi de finances pour 2014, le ministre du Budget a confirmé que le démembrement de propriété ne constitue pas un obstacle à l’application du taux réduit de 10% prévu par les dispositions de l’article 279 0 bis A du Code général des impôts, sous réserve du respect de l’ensemble des conditions qui sont prévues pour que l’immeuble lui-même bénéficie de ce taux intermédiaire. Pour l’application de la TVA, la loi fixe en effet depuis 2010 le principe suivant lequel les droits réels immobiliers suivent le régime de l’immeuble auquel ils se rapportent.
En pratique, les modalités d’application des conditions attachées à l’application du taux intermédiaire mériteraient toutefois d’être précisées sur plusieurs points comme l’identification du destinataire de l’agrément préalable du préfet, qui nous paraît devoir être l’usufruitier, les modalités d’appréciation du respect des exigences relatives à la durée de location (CGI, art. 284 II bis) qui ne devraient selon nous peser que sur le seul usufruitier et, enfin, la confirmation que le bénéfice du taux de 10% de TVA n’est pas remis en cause du seul fait de la revente par le nu-propriétaire de ses droits, à la condition bien entendu que son acquéreur soit également l’une des personnes énumérées à l’article 279 0 bis A. Ces précisions conforteraient la sécurité juridique que peuvent légitimement escompter les opérateurs pour le lancement des programmes de construction.
La prorogation de l’usufruit doit être distinguée de la cession d’usufruit
En matière de logements sociaux, alors que les premières opérations de démembrement réalisées avec les bailleurs sociaux arrivent à échéance de sorte que leur usufruit sur les logements concernés devrait s’éteindre, des particuliers (nus-propriétaires) et des bailleurs sociaux (usufruitiers) souhaiteraient proroger le démembrement pour plusieurs années avant qu’il n’expire.
Afin de sécuriser le régime fiscal de ces opérations de prorogation, il serait opportun que l’administration fiscale confirme que, comme nous le pensons, la prorogation d’usufruit se trouve hors du champ de l’article 13.5 du Code général des impôts qui taxe à l’impôt sur le revenu les produits de cession d’usufruit temporaire. En effet, la prorogation d’usufruit a seulement pour objet de déplacer le terme extinctif initialement convenu et n’entraîne pas le transfert de l’usufruit d’un patrimoine à un autre. Elle ne constitue donc pas une «cession» d’usufruit. Le dispositif antiabus de l’article 13.5 constitue un régime d’exception dont le champ d’application doit être limité aux seules hypothèses définies par la loi.
En outre, s’agissant plus particulièrement de logements sociaux, on relèvera que le dispositif d’exonération des plus-values de cessions de ces logements (article 150 U, II-7° et 8°) témoigne de la volonté du législateur d’encourager et non de pénaliser fiscalement l’accroissement de l’offre de logements par les bailleurs sociaux.
On regrettera que le BOFIP publié le 5 août 2015 au sujet de ce dispositif soit resté silencieux sur ce point et l’on formera le souhait qu’il soit prochainement complété en ce sens.
Lire également : TVA et logement social : principales règles régissant les taux réduits
Auteurs
Elisabeth Ashworth, avocat associé, responsable des questions de TVA et de taxe sur les salaires au sein de l’équipe de doctrine fiscale.
Charles de Crevoisier, avocat counsel, spécialisé en fiscalité directe
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