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Le réseau wi-fi fourni dans les espaces publics de la Ville de Paris n’est pas un réseau ouvert au public

Le réseau wi-fi fourni dans les espaces publics de la Ville de Paris n’est pas un réseau ouvert au public

Dans un arrêt du 16 mai 2017, la cour administrative d’appel (CAA) de Paris a précisé la réglementation applicable aux personnes publiques proposant des services de wi-fi dans des lieux publics (CAA Paris, 16 mai 2017, n°16PA02012).


En l’espèce, la Ville de Paris avait lancé un appel d’offres, en 2014, afin d’attribuer un marché de fourniture de services wi-fi permettant aux personnes fréquentant des établissements municipaux d’accéder gratuitement à Internet. A l’issue de la mise en concurrence, un acte d’engagement avait été conclu entre la Ville de Paris et la société Nomosphere, attributaire du marché.

Une société non retenue dans le cadre de l’appel d’offre avait alors décidé de saisir le tribunal administratif de Paris aux fins d’annulation dudit marché.

Elle soutenait notamment que l’objet du marché était illicite, reprochant à la Ville de Paris d’exercer une activité économique en méconnaissance du principe de la liberté du commerce et de l’industrie et du droit de la concurrence. La Ville aurait par ailleurs omis de procéder à la déclaration préalable auprès de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) prévue à l’article L.33-1 du Code des postes et des communications électroniques (CPCE). Or, cette obligation de déclaration ne s’applique que dans le cas où la personne fournissant l’accès wi-fi est considérée comme un opérateur de communications électroniques au sens de l’article L.32 du CPCE, c’est-à-dire lorsqu’elle exploite un « réseau de communications électroniques ouvert au public ».

Selon l’ARCEP, l’obligation de déclaration ne s’applique pas aux acteurs n’intervenant pas dans l’émission, la réception ou la transmission des signaux constitutifs de la communication électronique et n’assurant pas la responsabilité contractuelle de leur fourniture vis-à-vis de leurs clients.

L’autorité de régulation considère notamment que sont exclus de la qualification d’opérateur de communications électroniques :

  • les exploitants de réseaux internes, ceux entièrement établis sur une même propriété, sans emprunter ni le domaine public – y compris hertzien – ni une propriété tierce. Les réseaux établis par exemple dans les hôtels et les centres commerciaux privés sont ainsi exempts de déclaration ;
  • les acteurs ayant un rôle purement commercial, tels les réseaux de distribution qui mettent leur force de vente à la disposition des opérateurs ;
  • les hébergeurs de sites, gestionnaires de portails, attributaires de noms de domaine, créateurs de sites web et éditeurs de contenus sur Internet.

En l’espèce, la cour administrative d’appel de Paris va confirmer le jugement rendu en première instance par le tribunal administratif de Paris et rejeter la demande de la requérante.

Elle écarte l’application du régime des opérateurs de communications électroniques de l’article L.32 du CPCE en considérant que « le réseau wi-fi ne peut, dès lors qu’il n’est utilisable que depuis des bâtiments ou espaces communaux et pour une durée limitée, être regardé comme un réseau ouvert au public ». Elle confirme ainsi la légalité de l’initiative de la Ville de Paris en estimant que cette dernière ne peut être regardée « comme un opérateur de communications électroniques ou comme fournissant des services de communications électroniques au public ».

Selon elle, la notion de « réseau ouvert au public » ne s’applique pas au vaste réseau wi-fi fourni par la Ville de Paris via les bornes (hot spots) implantées dans près de 315 sites municipaux, dans les parcs de la Ville ainsi que dans les bibliothèques et musées. La solution est intéressante en ce qu’elle précise que la fourniture de wi-fi sur de tels espaces relevant du domaine public ne constitue pas un « réseau ouvert au public » alors que la solution contraire est retenue par l’ARCEP pour un acteur privé empiétant sur le domaine public.

La Cour relève notamment que le fait que l’accès au réseau ne puisse s’effectuer que depuis des bâtiments ou espaces municipaux, pour une durée limitée et pendant l’ouverture de ceux-ci est de nature à écarter la qualification de réseau ouvert au public. Par ailleurs, la circonstance que le service soit, dans des cas exceptionnels, utilisable par des personnes situées à proximité immédiate des sites couverts par le réseau wi-fi de la Ville et que celui-ci reste dans certains cas accessible en dehors des heures d’ouvertures du site municipal est sans incidence sur cette qualification.

La solution retenue par la Cour semble suivre la logique des critères développés par l’ARCEP. En effet, c’est avant tout la notion d’accès et d’ouverture au public du réseau qui est ici essentielle. A l’instar des clients d’un hôtel, les usagers d’un service public – bibliothèque, musée ou parc- ne constituent pas un « public ».

La Cour d’appel en conclut donc que « la Ville de Paris ne peut […] être regardée comme exerçant une activité économique et comme intervenant sur le marché de la fourniture d’accès à internet au public ; qu’au demeurant et en tout état de cause, l’exécution du marché litigieux n’est pas de nature à affecter la concurrence dans ce secteur ».

Dès lors, une collectivité territoriale qui propose à ses usagers des points d’accès gratuits à Internet au sein de ses bâtiments et espaces publics dans des conditions semblables ne sera pas assujettie au statut d’opérateur de communications électroniques et notamment à l’obligation de déclaration préalable de l’article L.33-1 du CPCE.

 

Auteurs

Anne-Laure Villedieu, avocat associée en droit de la propriété industrielle, droit de l’informatique, des communications électroniques et protection des données personnelles.

Maxime Hanriot, avocat, droit de la Propriété Intellectuelle et des Nouvelles Technologies.

 

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