Les mesures récentes de simplification du droit des sociétés
16 octobre 2017
Alléger, moderniser, clarifier. Tels sont les maîtres mots des mesures, de portée et d’importance diverses, récemment adoptées en matière de droit des sociétés au travers de plusieurs ordonnances prises sur habilitation de la loi dite « loi Sapin II »1.
Mesures visant à faciliter la prise de décision et la participation des actionnaires au sein des sociétés2
Afin de renforcer l’implication des associés minoritaires dans la vie sociale, un ou plusieurs associés de sociétés à responsabilité limitée (SARL) détenant 5% au moins des parts sociales peuvent désormais, à l’instar des actionnaires de sociétés anonymes (SA), faire inscrire à l’ordre du jour de l’assemblée des points ou des projets de résolution3. Cette faculté, jusqu’alors subordonnée à l’existence d’une stipulation statutaire en ce sens ou à une demande en justice visant à la désignation d’un mandataire chargé de convoquer l’assemblée et d’en fixer l’ordre du jour, est dorénavant prévue par la loi, toute clause contraire étant réputée non écrite.
Dans les SA et les sociétés en commandite par actions (SCA) dont les actions ne sont pas admises aux négociations sur un marché réglementé, les statuts peuvent désormais prévoir que les assemblées générales pourront se tenir exclusivement par visioconférence ou par des moyens de télécommunication permettant l’identification des actionnaires participants4. Le recours à ce dispositif, destiné à faciliter la participation des actionnaires aux assemblées, implique que soit mis en place par la société un site Internet dédié. Toutefois, pour chaque assemblée, un ou plusieurs actionnaires représentant 5% au moins du capital social pourront s’opposer à la tenue d’une réunion entièrement dématérialisée et exiger ainsi le maintien d’une réunion physique. Des mesures réglementaires d’application restent attendues concernant les conditions d’exercice de ce droit d’opposition et les modalités de convocation et de contrôle du déroulement des assemblées dématérialisées.
S’agissant de la procédure de contrôle des conventions réglementées applicable aux sociétés par actions simplifiées (SAS) unipersonnelles (SASU), une clarification attendue est apportée à l’article L. 227-10 du Code de commerce. Levant ainsi l’ambiguïté qui résultait d’une interprétation littérale de cet article, la procédure dérogatoire propre aux SASU -qui ne visait jusqu’ici que les seules conventions conclues entre la société et ses dirigeants- est désormais expressément étendue aux conventions conclues entre la société et son associé unique ou, lorsque ce dernier est une société, avec la société la contrôlant au sens de l’article L. 233-3 du Code de commerce. Aussi, en matière de SASU, le commissaire aux comptes (ou, lorsque la société n’en est pas dotée, le président) n’est-il plus tenu d’établir un rapport spécial sur les conventions réglementées, celles-ci devant seulement faire l’objet d’une mention au registre des décisions de l’associé unique.
La règle de l’unanimité jusqu’alors prescrite par l’article L. 227-19 du Code de commerce pour l’adoption, la modification ou la suppression des clauses d’agrément dans les statuts de SAS est supprimée. Ces clauses, outil de contrôle des cessions de droits sociaux, peuvent dorénavant être adoptées ou modifiées par décision collective des associés prise dans les conditions et formes prévues par les statuts. Libérés d’une unanimité qui leur était imposée par la loi, les associés peuvent cependant user de la liberté statutaire retrouvée pour restaurer -cette fois de leur plein gré- cette exigence.
Toutefois, en venant rebattre les cartes au cours de la vie sociale dans les SAS existantes, cette mesure -qui vise à éviter des situations de blocage et à renforcer la liberté statutaire qui caractérise la SAS- pourrait se révéler source d’insécurité juridique. Des équilibres voulus lors de l’élaboration du pacte social, et reposant précisément sur l’unanimité précédemment exigée dont le corollaire consistait en un droit de veto au profit de chaque associé, pourraient ainsi être remis en cause.
Faute pour l’ordonnance de prévoir un régime distinct en fonction de la date à laquelle a été constituée la société, et sauf à invoquer l’application des principes du droit des contrats pour revendiquer la survie de la règle ancienne pour les SAS existantes à la date d’entrée en vigueur de la mesure nouvelle, un associé minoritaire pourrait ainsi voir disparaître une protection ayant pu être déterminante dans sa décision d’adhérer au pacte social. Seuls deux cas de figure semblent permettre d’affirmer avec certitude le maintien de l’unanimité antérieure :
- lorsque les statuts soumettent expressément l’adoption ou la modification d’une clause d’agrément à la règle de l’unanimité sans relier celle-ci à l’ancienne exigence légale ; ou
- lorsque les statuts requièrent par principe une décision unanime des associés pour toute modification qui leur est apportée. Une incertitude quant aux règles de majorité désormais applicables existe en revanche dans les autres situations, nombreuses en pratique.
Une relecture attentive des statuts des SAS existantes s’impose donc et, lorsqu’elle sera possible, une clarification des statuts sur ce point pourrait s’avérer opportune.
Mesures visant à alléger les obligations d’information des sociétés
Le rapport du président sur le contrôle interne est supprimé et remplacé par un rapport thématique sur le gouvernement d’entreprise, que sont tenues d’établir toutes les SA et SCA, qu’elles soient cotées ou non5. Ce nouveau rapport -qui pourra pour les seules SA à conseil d’administration être intégré au rapport de gestion- relève de la compétence du conseil d’administration ou du conseil de surveillance selon le cas. Une redistribution du contenu respectif du rapport de gestion et du rapport sur le gouvernement d’entreprise est par ailleurs opérée. Le premier portera dorénavant exclusivement sur les informations relatives à la marche des affaires, aux risques de l’entreprise et à la responsabilité sociale de l’entreprise. Le second regroupera pour sa part les informations relatives au fonctionnement des organes d’administration et de direction de la société et, pour les sociétés cotées, à la rémunération des dirigeants, à l’application de codes de gouvernement d’entreprise et aux éléments susceptibles d’avoir une incidence en cas d’offre publique.
A noter enfin que les petites entreprises (à savoir celles ne dépassant pas à la clôture d’un exercice deux des trois seuils suivants : 4 millions d’euros de total du bilan ; 8 millions d’euros de chiffre d’affaires net ; 50 salariés) voient le contenu de leur rapport de gestion significativement allégé.
Ces modifications s’appliquent aux rapports relatifs aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2017.
Dans le cadre du programme « dites-le nous une fois » destiné à simplifier la vie des entreprises, les sociétés cotées pourront, à compter du 1er avril 2018, alléger les formalités de dépôt des rapports et informations afférents à chaque exercice qui leur incombent, en procédant au dépôt du document de référence qu’elles établissent auprès du greffe du Tribunal de commerce6. Ce dépôt vaudra alors dépôt des documents contenus dans le document de référence (comptes annuels, rapport de gestion, rapports des commissaires aux comptes, documents relatifs aux comptes consolidés le cas échéant, etc.), sous réserve que celui-ci contienne une table permettant au greffier de les identifier.
Notes
1 Loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016.
2 Ordonnance n°2017-747 du 4 mai 2017.
3 Article L. 223-27 al. 5 et 6 du Code de commerce.
4 Article L. 225-103-1 du Code de commerce
5 Ordonnance n°2017-1162 du 12 juillet 2017.
6 Ordonnance n°2017-1142 du 7 juillet 2017.
Auteur
David Mantienne, avocat en corporate/fusions & acquisitions
Les mesures récentes de simplification du droit des sociétés – Article paru dans La Lettre des Fusions-Acquisitions et du Private Equity, supplément n°1431 du magazine Option Finance du 2 octobre 2017
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