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Les nouveaux ELTIF vont arriver !

Les nouveaux ELTIF vont arriver !

La Commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen a adopté l’accord de trilogue sur la révision (la « Révision ») du règlement (UE) 2015/760 du 29 avril 2015 (le « Règlement ») relatif aux fonds européens d’investissement à long terme (les « ELTIF »). Les modifications introduites dans le Règlement seront applicables en France dans les neuf mois suivants son entrée en vigueur intervenant 20 jours après la publication de la Révision au journal officiel de l’Union Européenne (« UE »).

Comme cela était entendu, la Révision introduit de nombreuses évolutions dans le Règlement renforçant l’attractivité des ELTIF et susceptibles, à terme, de faire de cette norme le pendant des organismes de placement collectifs en valeurs mobilières relevant de la directive 2009/65/CE (« OPCVM ou « UCITS ») pour l’investissement non-coté.

Ces évolutions concernent les ratios auxquels les ELTIF sont tenus, l’éligibilité des actifs des ELTIF, la reconnaissance des schémas maîtres-nourriciers et fonds de fonds et, enfin, les conditions de commercialisation.

1. Les évolutions en termes d’actifs

Tout d’abord, le champ des actifs éligibles est étendu. Sont désormais éligibles à l’actif d’un ELTIF tous les UCITS et fonds d’investissement alternatifs (« FIA ») de l’UE investissant dans des actifs éligibles au sens du Règlement et qui n’investissent pas eux-mêmes dans d’autres FIA [1].

S’agissant des actifs réels (immobiliers), ces derniers doivent être considérés comme éligibles par nature sans qu’il soit requis de démontrer leur contribution positive à l’objectif de l’UE « d’une croissance intelligente, durable et inclusive »

Les ELTIF pourront également être exposés à des produits de titrisation conformes au Règlement Délégué (UE) 2019/1851 correspondant à une exposition des actifs tels que des prêts immobiliers à des particuliers, prêts immobiliers commerciaux, ou encore les facilités de crédit, y compris les prêts et les crédits-bails.

De plus, sont ajoutés à la liste des actifs éligibles les obligations « vertes » et, point également notable, les investissements dans des entreprises financières de moins de 5 ans.

Enfin, ce qui constitue une réelle avancée, la condition portant sur l’existence d’un protocole d’information entre l’Etat du siège d’établissement d’un actif et les Etats dans lesquels l’ELTIF est commercialisé a été remplacée par la seule exigence que l’Etat concerné ne soit pas considéré comme non coopératif.

 

2. Les évolutions en termes de ratio

Outre l’élargissement du champ des actifs éligibles, la Révision introduit de nombreux assouplissements aux ratios auxquels les ELTIF sont tenus, dont on peut énumérer les principaux :

Tout d’abord, la contrainte d’investissement en actifs éligibles passe de 70 % à 55 %. A cet égard, s’agissant de l’investissement par l’ELTIF au travers d’autres fonds d’investissement, la Révision précise que l’appréciation en termes de ratio s’appréciera par transparence, à l’image du mécanisme prévu pour le III de l’article L. 214-28 du Code monétaire et financier s’agissant des FCPR.

En outre, en matière de simplification, la condition portant sur la valeur unitaire minimale de 10 millions d’euros applicable aux actifs réels, en ce compris les actifs immobiliers, est supprimée tout comme le seuil de capitalisation boursière excluant un actif du champ des actifs éligibles qui est porté de 500 millions à 1,5 milliard d’euros.

Enfin et surtout, s’agissant d’un ELTIF commercialisé auprès de clients de détail, le ratio de diversification applicable aux investissement éligibles en titres de capital, de dettes, emprunts, actifs réels ou même parts ou actions de fonds est porté à 20 %, au lieu de 10 %, et à 10 %, au lieu de 5 %, pour les actifs éligibles de diversification.

En revanche, aucun de ces ratios n’est applicable lorsque l’ensemble des investisseurs sont des clients professionnels . Le fait que l’ELTIF soit commercialisé exclusivement auprès de clients professionnels est pris en compte par la Révision puisqu’aucun ratio de concentration dans un autre fonds n’est applicable pour ces ELTIF (ce ratio étant porté autrement de 30 %, au lieu de 25 % actuellement).

 

3. Les évolutions en termes de structuration

La capacité restreinte pour un ELTIF de recourir à l’endettement figurait parmi les principales critiques portées à l’encontre du Règlement s’agissant des limites aux structurations. A nouveau, la Révision y apporte un assouplissement en autorisant les ELTIF à emprunter des liquidités, représentant jusqu’à 50 % de l’actif net du véhicule s’agissant des ELTIFs commercialisés auprès des clients de détail et 100 % pour les autres. A cet égard, la limite de constitution de sûretés à 30 % de l’actif net de l’ELTIF est supprimée.

En outre, il sera désormais possible de constituer des ELTIF déployant des stratégies de fonds de fonds puisque, comme cela a été souligné plus tôt, l’actif d’un ELTIF pourra être constitué exclusivement d’autres fonds. Toutefois, afin d’éviter des situations de « fonds cubes », lesdits fonds cibles ne pourront eux-mêmes n’investir que 10 % de leur actif dans d’autres fonds. Cette limite, si elle est légitime, reste néanmoins une contrainte dans la mesure où les structurations en capital investissement peuvent reposer sur des véhicules d’investissement intermédiaires pouvant être qualifiés eux-mêmes de fonds. Il conviendra par conséquent de suivre cette contrainte avec attention.

Par ailleurs, la Révision reconnaît la possibilité de structuration de type maître-nourricier. A cet égard, la révision s’aligne sur les directives UCITS ou AIFMD puisque :

  • est défini comme un nourricier un véhicule destiné à investir au moins 85 % de son actif en parts ou actions d’un autre ELTIF ;
  • la constitution d’une structure maitre-nourricier est conditionnée à l’existence d’un accord d’échange d’informations entre les dépositaires de ces FIA s’ils sont différents ;
  • sont incluses dans le prospectus du nourricier des informations concernant le maître et des conditions d’échanges d’informations entre les deux, cet accord devant être communiqué aux investisseurs qui en font la demande.

Enfin, si le principe reste que les ELTIF sont destinés à l’investissement de long terme, les facultés de rachat sont étendues. Pour mémoire, le Règlement dans sa version actuelle ne permet pas le rachat avant le terme du fonds ou, par exception, ne l’autorise qu’à l’issue de sa période d’investissement durant laquelle il est tenu de respecter les ratios et quota d’investissement qui lui sont règlementairement applicables.

La Révision introduit la possibilité pour l’ELTIF de réaliser des rachats pendant sa période d’investissement sous condition d’une durée d’investissement minimale devant être fixée par l’ESMA dans des RTS à la Révision – lesquels doivent également préciser les conditions de cette faculté. Mais au-delà, point très important, la Révision ne fixe aucune condition de durée minimale d’investissement pour un nourricier. Sous réserve de clarification par les RTS, cela signifierait donc qu’un nourricier pourrait à tout moment procéder au rachat de ses parts ou actions sous réserve des autres contraintes propres ELTIF.

 

4. Les évolutions en termes de commercialisation

D’abord, la Révision abolit les règles restrictives à l’entrée d’investisseurs de détail qu’étaient (i) l’investissement minimal de 10 000 € et (ii) le seuil d’exposition de 10 % – pour les investisseurs de détail dont les portefeuilles financiers sont inférieurs à 500 000 €. Appliquées conjointement, ces deux conditions constituaient un obstacle important à l’investissement dans les ELTIF par les investisseurs de détail, ce qui était contraire à l’objectif même du Règlement de mettre en place un produit de placement pour les investisseurs de détail sous forme de fonds d’investissement alternatif.

Par ailleurs, dans sa forme initiale, le Règlement imposait la mise en place d’un dispositif spécifique de conseil aux investisseurs de détail, dont l’articulation avec les obligations comparables visées par la directive 2014/65/UE (« MIFID II ») était incertaine. La Révision supprime ce doublon et précise que, lorsqu’ils proposent ou placent directement des ELTIF, les gestionnaires et distributeurs doivent procéder à l’évaluation de l’adéquation conformément aux dispositions de MIFID II.

Enfin, suivant l’évolution du régime des OPCVM, les gestionnaires d’ELTIF ne sont plus contraints de mettre en place dans chaque État membre où l’ELTIF est commercialisé, des « facilités » organisant notamment les modalités de souscription, rachat, et mise à disposition d’informations au bénéfice des investisseurs de détail.

L’information de l’investisseur reste cependant un point essentiel puisque la Révision renforce les obligations de mise à jour du registre centralisé des ELTIF, pour que les investisseurs puissent comparer les produits et prendre des décisions d’investissement en connaissance de cause.
En bref, les apports clefs à retenir de la Révision du Règlement ELTIF :

  • des facultés d’investissement élargies avec des contraintes d’investissement assouplies ;
  • des structures fonds de fonds et maîtres-nourriciers pourront être mises en œuvre offrant des possibilités de commercialisation étendues ;
  • une plus grande faculté de recourir au levier et de procéder au rachat présente un intérêt considérable pour la clientèle de détail ;
  • la suppression de l’exigence d’investissement initial de 10 000 € et du seuil global maximal de 10 % pour les investisseurs de détail dont les portefeuilles financiers sont inférieurs à 500 000 €.
  • la simplification des règles de commercialisation auprès des investisseurs de détail : le Règlement précise que le test d’adéquation à conduire n’est pas spécifique mais renvoie bien à celui issu de MIFID II ;
  • enfin, est supprimée l’obligation de mettre en place des « facilités » locales dans les juridictions où les ELTIF sont commercialisés.

Ainsi, allégés d’une partie des contraintes qui caractérisaient ce label jusqu’alors, les nouveaux ELTIF offrent de nouvelles perspectives aux acteurs de marché qui pourraient en faire le nouveau produit phare en matière de commercialisation transfrontalière dans l’UE, auprès des clients professionnels mais surtout auprès de leur cible première, les clients de détail.

 

Par Jérôme Sutour, Avocat associé, Responsable Services Financiers et Léa Hadjadj, Avocate, CMS Francis Lefebvre

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