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Mécénat d’entreprise : l’heure du bilan et des premiers ajustements

Mécénat d’entreprise : l’heure du bilan et des premiers ajustements

La France possède l’un des régimes de mécénat d’entreprise parmi les plus généreux au monde qui, quinze ans après son adoption par la loi « Aillagon » de 2003, a fait l’objet d’aménagements lors de l’adoption de la loi de finances de l’an dernier et va encore être modifié dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2020.

Ces nouveautés, largement inspirées du rapport de la Cour de comptes de novembre 2018 intitulé « Le soutien public au mécénat des entreprises, un dispositif à mieux encadrer » visent, d’une part, à limiter la réduction d’impôt dont peuvent bénéficier les grands groupes et, d’autre part, à rendre le dispositif plus incitatif lorsqu’il s’agit des PME-TPE qui apparaissent plus en retrait dans leurs actions d’intérêt général.

Panorama du mécénat d’entreprise

Prévu à l’article 238 bis du code général des impôts, le dispositif du mécénat permet aux entreprises d’imputer sur leur impôt sur les bénéfices une réduction d’impôt égale à 60 % du montant des versements effectués au titre du mécénat, ces versements étant retenus dans la limite de 5 pour mille du chiffre d’affaires de l’entreprise mais n’étant pas déductibles pour la détermination de leur bénéfice imposable. Ainsi, une entreprise dont le chiffre d’affaires est de 2 millions d’euros peut déduire de son impôt sur les bénéfices les dons consentis dans la limite d’un plafond de 10.000 euros, ce qui lui ouvre droit à une réduction d’impôt de 6.000 euros. Les versements en excédent par rapport à ce plafond sont reportables sur les cinq exercices suivants.

La réduction d’impôt non imputée (faute d’impôt sur les sociétés dû au titre de l’exercice considéré) est reportable sur 5 ans et, à la différence d’un mécanisme de « crédit » d’impôt, la réduction n’ayant pas pu être utilisée par l’entreprise ne lui est pas restituée par l’Etat. Dans le cadre du régime d’intégration fiscale, le Conseil d’Etat a jugé en outre qu’une réduction d’impôt mécénat d’une filiale née avant l’entrée de cette filiale dans le périmètre du groupe n’est pas imputable sur l’impôt sur les sociétés dû par la société mère, ce qui peut constituer un critère de choix quant à la décision d’intégrer ou non une société qui disposerait de réductions d’impôt mécénat non imputées.

Les organismes bénéficiaires des dons sont définis de manière très large, le législateur ayant renoncé à établir une définition précise de la notion d’intérêt général en optant pour une formule qui couvre les organismes d’intérêt général « à caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social ou familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l’environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises ».

Autre élément favorable, les organismes bénéficiaires n’ont pas à justifier d’un agrément préalable de l’administration pour recevoir des dons ouvrant droit à la réduction d’impôt. Une procédure de rescrit administratif leur permet néanmoins de sécuriser leur situation fiscale et de délivrer sans risque de contestation ultérieure des reçus fiscaux à leurs donateurs.

Traditionnellement, le mécénat se distingue du parrainage qui procède d’une philosophie mercantile du parraineur, ce dernier souhaitant sponsoriser une cause ou un événement pour valoriser sa marque et son image. Le mécène, dont les versements s’analysent en droit civil comme des libéralités, est quant à lui guidé par une intention a priori désintéressée de sorte que les dons doivent être dépourvus de contrepartie directe ou indirecte, sous réserve toutefois :

  • de la possibilité d’obtenir une contrepartie modique, par exemple sous forme d’une mise à disposition gratuite d’espaces de réception, dont la valeur ne peut excéder un quart du montant du don1  ;
  • de la possibilité d’associer, depuis la loi de finances pour l’année 2000, le nom de l’entreprise mécène aux opérations de mécénat réalisées par l’organisme.

Si le Conseil d’Etat a tenté d’éclairer par la décision Sarl Les Sources (CE, 9è et 10è ss-sect., 15 février 2012, n° 340855) la ligne de partage entre le mécénat et les opérations de sponsoring dans une situation où l’entreprise versante avait fait du montant des dons un argument commercial explicite, la frontière peut parfois être difficile à tracer2.

La frontière se brouille encore avec l’apparition dans la loi PACTE de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) qui fait entrer les enjeux sociétaux et environnementaux dans l’objet social même des entreprises conférant ainsi au mécénat un caractère encore un peu plus « intéressé ».

Quoi qu’il en soit, le législateur prend (ou a pris) certaines dispositions pour faire évoluer le dispositif, dont le coût pour les finances publiques s’élève en 2016 et 2017 à un peu plus de 900 millions d’euros par an concentrés sur les très grandes entreprises dont 24 représentaient à elles seules 44 % du montant de la créance fiscale en 2016.

Mesures visant à favoriser le mécénat des PME-PME

La loi de finances pour 2019 a aménagé le dispositif pour les PME-TPE en instaurant, pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2019, un plafond de versements éligibles à la réduction d’impôt fixé en valeur absolue à 10.000 euros, alternatif au plafond de 5 pour mille du chiffre d’affaires. Il s’agit en pratique, tel que l’illustre l’administration fiscale dans ses commentaires publiés le 7 août dernier3, de favoriser les dépenses de mécénat par les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 2 millions d’euros, puisqu’une entreprise réalisant un chiffre d’affaires de 100.000 euros ne pouvait jusqu’à présent réduire de son impôt sur les bénéfices qu’une somme de 500 euros par an.

Mesures visant à limiter l’avantage accordé aux grandes entreprises

Le projet de loi de finances pour 20204 prévoit de baisser de 60 % à 40 % le taux de la réduction d’impôt pour les versements excédant 2 millions d’euros effectués au cours des exercices clos à compter du 31 décembre 2020.

Contrairement à ce qui avait été identifié par la Cour des comptes dans son rapport s’agissant du cas où le mécénat provient de plusieurs entreprises d’un même groupe d’intégration fiscale, le législateur n’a pas souhaité appliquer le plafond de deux millions au groupe dans son ensemble.

Une dérogation au double plafonnement est prévue en ce qui concerne les versements effectués au profit d’organismes sans but lucratif qui procèdent à la fourniture gratuite de repas à des personnes en difficulté, qui contribuent à favoriser leur logement ou qui procèdent, à titre principal, à la fourniture gratuite des soins, qui continuent d’ouvrir droit à une réduction d’impôt au taux de 60 % quel que soit leur montant.

En outre, répondant à la demande de précisions de la Cour des comptes s’agissant des dispositions relatives au mécénat de compétence qui consiste pour une entreprise à mettre à disposition un salarié sur son temps de travail, le projet de loi de finances pour 2020 propose de limiter la prise en compte dans l’assiette de la réduction d’impôt, pour chaque salarié concerné, de la somme des rémunérations versées et charges sociales y afférentes à trois fois le montant du plafond annuel de calcul des cotisations de sécurité sociale (soit pour 2019, 121.572 €).

Mesures visant à mieux contrôler le dispositif

Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019, des obligations déclaratives nouvelles à la charge des entreprises qui effectuent au cours d’un exercice plus de 10.000 € de dons (montant et date de ces dons, identité des bénéficiaires et valeur des biens ou services reçus, directement ou indirectement, en contrepartie) sont mises à la charge des entreprises5, avec pour objectif de permettre une meilleure efficacité des contrôles de l’administration fiscale en ce domaine lesquels, regrette la Cour des comptes, restent trop limités en pratique.


1 Tolérance résultant de lettres ministérielles, non reprise au Bofip, mais qui reste toutefois admise en pratique.
2 Voir aussi en matière de taxe professionnelle, et aujourd’hui de CVAE, CE plén. 9-5-2018 n° 388209 : les dépenses de mécénat, lorsqu’elles sont habituelles pour l’entreprise, n’ont plus le caractère de libéralité, mais revêtent la qualification comptable de charges d’exploitation déductibles de la valeur ajoutée, laquelle sert de base à la fois au plafonnement de la CET et au calcul de la CVAE.
3 BOI-BIC-RICI-20-30-20, mise à jour du 7 août 2019.
Article 50 du projet de loi de finances pour 2020 n° 2272 déposé le 27 septembre 2019, étant observé que les discussions en cours devant le Parlement sont susceptibles de faire évoluer la version initiale du texte.
5 Ces obligations déclaratives, dont la teneur a été commentée par l’administration fiscale dans le Bofip précité d’août 2019, feront l’objet d’une déclaration n° 2069-RCI-SD à télétransmettre par l’entreprise dans les mêmes délais que la déclaration de résultat de l’exercice 2019.

Article paru dans le magazine Option Finance le 18 novembre 2019

Auteur

Eva Aubry, avocat, droit fiscal

Floriane Dienger, avocat, droit fiscal

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