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Photographier une œuvre au musée à des fins commerciales : une occupation du domaine public comme une autre

Photographier une œuvre au musée à des fins commerciales : une occupation du domaine public comme une autre

Le Conseil d’Etat est revenu, le 23 décembre 2016 (CE, 23 décembre 2016, n°378879), sur les conditions requises pour photographier à titre professionnel les œuvres de collections publiques.


Soulignons d’emblée que cette décision ne se prononce pas sur le sujet de la copie privée des Å“uvres exposées dans les musées publics. Cette question est pourtant débattue : en effet, en matière de domanialité publique, la copie privée ne devrait pas induire d’utilisation de l’œuvre « dépassant le droit d’usage qui appartient à tous » au sens de l’article L.2122-1 du Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP).

Ici, le Conseil d’Etat se prononce exclusivement sur l’exploitation de prises de vue d’œuvres à des fins commerciales. Il y fait application de la solution adoptée en 2012 dans la même affaire et largement commentée, selon laquelle « la prise de vue d’œuvres appartenant aux collections d’un musée public, à des fins de commercialisation des reproductions photographiques ainsi obtenues, doit être regardée comme une utilisation privative du domaine public mobilier impliquant la nécessité, pour celui qui entend y procéder, d’obtenir une autorisation ainsi que le prévoit l’article L.2122-1 du Code général de la propriété des personnes publiques ».

Comme la rédaction du CGPPP le permet, le principe d’autorisation administrative préalable s’applique donc aussi à l’utilisation à des fins commerciales du domaine public mobilier.

Au-delà du rappel de ce principe, l’arrêt du 23 décembre 2016 illustre les hypothèses dans lesquelles l’autorité domaniale peut refuser la demande d’autorisation. Le Conseil d’Etat y valide le motif reposant sur la volonté de contrôler les conditions d’établissement et de diffusion des reproductions, pour ne pas préjudicier à l’attractivité du musée. Sans surprise, les motifs justifiant un refus de l’autorité domaniale sont donc interprétés largement par le juge administratif.

Les conséquences pratiques de cette jurisprudence ne sont pas anodines. Elles induisent en effet, pour la personne publique, la nécessité de fixer un tarif pour ce type d’occupation et, pour les professionnels, la possibilité de se voir opposer un refus, l’obligation de payer une redevance en cas d’autorisation, la possibilité d’invoquer le principe d’égalité de traitement, etc.

En outre, les autorisations d’occupation à vocation commerciale du domaine public pourraient être demain soumises à une procédure de publicité et de mise en concurrence (article 34 de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 dite « loi Sapin II » autorisant le Gouvernement à prendre cette mesure par voie d’ordonnance). Pour ce qui concerne les occupations du domaine public mobilier, la future ordonnance pourrait exclure la mise en concurrence – effectivement peu appropriée – mais imposer une publicité préalable à la délivrance du titre.

Du point de vue du droit de la propriété intellectuelle, le Conseil d’Etat relève certes que les biens en cause ne faisaient plus l’objet de droits exclusifs d’exploitation en application de l’article L.123-1 du Code de la propriété intellectuelle, mais juge que ces dispositions ne permettent pas de déroger à l’exigence d’une autorisation préalable d’occupation du domaine public. Sans préjudice des droits indemnitaires éventuels du demandeur si le refus qui lui est opposé cause un trouble anormal à son exploitation…

Auteurs

Prudence Cadio, avocat en droit de la Propriété Intellectuelle et des Nouvelles Technologies

Sophie Weill, avocat en droit public des affaires

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