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Le régime du rachat des actions de préférence précisé

L’ordonnance du 24 juin 2004, en introduisant les actions de préférence, était porteuse d’une réforme de fond du droit des valeurs mobilières, avec pour objectif de diversifier les sources de financement des entreprises. Les opérateurs pouvaient par exemple trouver dans ce mécanisme un moyen de financer l’activité des entreprises en évitant la dilution du capital ainsi que la perte du contrôle.

Néanmoins, certaines difficultés d’interprétation, et donc de mise en œuvre, ont probablement privé les actions de préférence du succès que le législateur espérait. Plusieurs travaux d’envergure ont ainsi proposé de réformer le régime. En 2008, Paris Europlace avait créé un groupe de travail à cet effet. En 2013, la Chambre de commerce et d’industrie de Paris a mené une réflexion pour rendre plus attractives les actions de préférence. Ces travaux ont été relayés par une doctrine militante qui, au fil des années, a plaidé pour un régime moins incertain et donc plus sécurisé. Attentif à ces différentes sollicitations, le législateur a habilité le Gouvernement, au début de l’année 2014, à «sécuriser le régime du rachat des actions de préférence, s’agissant des conditions de ce rachat et du sort des actions rachetées».

La récente ordonnance du 31 juillet 2014 s’inscrit dans cette démarche avec pour objectif de «lever les interrogations des praticiens» sans «bouleverser l’ordonnancement juridique», si l’on en croit le Rapport au Président de la République. La liberté dans la création des actions de préférence n’est en effet pas affectée. Les actions de préférence peuvent toujours être créées avec ou sans droit de vote, assorties de droits particuliers de toute nature, voire de prérogatives «négatives», à titre temporaire ou permanent. Le rachat des actions de préférence ainsi créées est, en revanche, précisé et les doutes sur ce point semblent levés. L’ordonnance nouvelle invite désormais à distinguer selon que le rachat est ou non prévu par les statuts.

Tout d’abord, à défaut de précision particulière dans les statuts, il est opéré un renvoi au droit commun du rachat d’actions, s’agissant du pouvoir de l’assemblée, des modalités du rachat ainsi que de sa finalité. Ce renvoi impose, s’agissant des sociétés non cotées, de recourir à un expert indépendant. La procédure est donc contraignante et il est probable que la pratique de Place se tourne vers l’hypothèse suivante.

Ensuite, lorsque les statuts ont prévu, préalablement à leur souscription, le principe du rachat et en ont organisé les modalités, les conditions du rachat sont limitativement énumérées par le texte. L’énumération des conditions auxquelles il convient de se conformer conduit inévitablement à sécuriser l’opération. En premier lieu, le rachat ne doit pas conduire la société à détenir plus d’actions que la loi ne l’y autorise. En outre, les obligations déclaratives incombant aux sociétés cotées et l’obligation de tenir des registres des achats et de ventes d’actions sont maintenues. Ensuite, les acquisitions ne peuvent être réalisées qu’au moyen de sommes distribuables au sens de l’article L. 232-11 du Code de commerce ou du produit d’une nouvelle émission de titres. Par ailleurs, la société doit disposer de réserves d’un montant au moins égal à la valeur de l’ensemble des actions qu’elle possède et cette valeur est calculée par référence à la valeur nominale des actions de préférence rachetées. Il est désormais précisé que cette réserve ne peut pas être distribuée aux actionnaires, sauf en cas de réduction du capital et qu’elle ne peut être utilisée que pour augmenter le capital par incorporation. L’ordonnance ajoute que lorsque les statuts ont prévu le versement d’une prime en faveur des actionnaires à la suite de ce rachat, cette prime ne peut être prélevée que sur des sommes distribuables ou sur une réserve prévue à cette fin. Enfin, deux précisions importantes ont été formulées. D’une part, seule la société peut être à l’initiative du rachat, ce qui exclut que les porteurs des actions de préférence puissent le déclencher. Il a en effet été estimé qu’une telle possibilité heurterait en particulier le principe de fixité du capital social. En effet, à supposer que tous les porteurs puissent être à l’initiative du rachat, le capital social de la société émettrice ne refléterait qu’une valeur susceptible d’évoluer à la baisse à tout moment. Ceci n’est pas apparu souhaitable aux rédacteurs de l’ordonnance. D’autre part, la loi nouvelle prévoit désormais qu’en aucun cas, ces opérations ne peuvent porter atteinte à l’égalité d’actionnaires se trouvant dans la même situation. Cette précision est évidemment bienvenue, quoique les praticiens ne s’y trompaient guère, jusqu’à maintenant.

Les textes modifiés du code de commerce prévoient, enfin, que les actions de préférences rachetées peuvent être cédées ou transférées par tout moyen, ou bien encore annulées dans le cadre d’une réduction du capital.

Probablement faut-il saluer ici l’effort de clarification qui est celui du législateur, essentiellement guidé par le droit européen, mais cet effort suffira-t-il à redonner confiance en ce mécanisme dont le déclin est l’œuvre du temps depuis près de dix ans ? Il est permis de l’espérer.

 

Auteur

Christophe Lefaillet, avocat associé spécialisé en droit des sociétés et en droit boursier

 

Article paru dans Option Finance Droit & Affaires le 22 octobre 2014

 

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