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Royaume-Uni : des atouts fiscaux indéniables pour les entreprises

Royaume-Uni : des atouts fiscaux indéniables pour les entreprises

Une conjoncture économique et un contexte fiscal difficiles pourraient inciter les entreprises européennes à faire davantage jouer la concurrence fiscale entre États Membres (liberté d’établissement oblige). Aux rangs des terres d’accueil, le Royaume-Uni dispose d’atouts indéniables. Nous détaillerons les plus marquants, qui peuvent convaincre les entreprises de franchir la Manche.

Des régimes incitatifs en matière d’innovation

Depuis quelques années, le Royaume Uni a montré sa volonté de favoriser la R&D par la mise en place de mesures fiscales de faveur dont le point d’orgue a été l’instauration en 2013 d’une «patent box».

Aux rangs de ces mesures figure tout d’abord la «super-déduction» des charges afférentes aux travaux de R&D. Les PME anglaises (moins de 500 salariés et 100M€ de CA maximum ou un total de bilan n’excédant pas 86M€) et les grandes entreprises peuvent ainsi déduire de leur résultat fiscal leurs dépenses de R&D (critères semblables à ceux retenus pour le CIR avec au surplus la nécessité d’un lien avec les activités actuelles ou futures de l’entreprise) respectivement à hauteur de 230% et 130% (aide plafonnée à 7,5M€ pour les PME). Depuis 2013, les entreprises anglaises peuvent, à titre alternatif, opter pour un crédit d’impôt actuellement égal à 11% des dépenses. La différence majeure entre ces deux mécanismes consiste en ce que le crédit d’impôt a un impact sur le résultat d’exploitation (à l’image du CICE en France). A compter de 2016, seul le crédit d’impôt perdurera.

La second est le régime optionnel qui permet par ailleurs aux entreprises de déduire 100% des montants investis pour acquérir certaines immobilisations en lien avec la R&D. Il s’agit principalement des installations et équipements permettant le développement de la R&D (à l’exception de certains actifs tels que terrains ou encore l’acquisition directe d’un brevet développé sans l’intervention de l’acquéreur).

La «patent box», entrée en vigueur en 2013, a également permis au Royaume Uni de se doter d’un outil propre à davantage inciter les entreprises à développer et exploiter sur le territoire anglais leurs actifs incorporels. Le Royaume Uni suit en cela, tardivement, nombre d’Etats Membres dont la France, pionnière en la matière. Ce mécanisme conduit en substance à imposer au taux de 10% un certain pourcentage des revenus nets (80% en 2015, 90% en 2016 et enfin 100% en 2017) provenant de l’exploitation des brevets. Les revenus éligibles sont constitués par les ventes de biens les éléments brevetés (ce qui est plus avantageux que le système français qui requiert un revenu identifié de redevance) mais également par les redevances perçues dans le cadre des concessions de brevets. Le bénéfice de ce régime est notamment subordonné au fait que l’entreprise soit en mesure de démontrer son implication forte dans le développement de l’invention brevetée. Ne sont cependant éligibles que les seuls brevets délivrés par des organismes visés par le texte, tels que l’«Intellectual property office» au Royaume Uni, par l’Office européen des brevets ou encore par certains pays européens à l’exclusion de la France notamment.

Le profit imposable soumis au taux de 10% est déterminé selon un calcul spécifique souvent complexe et est au surplus réduit de l’ensemble des charges y afférentes. Le dispositif britannique peut à cet égard se révéler moins avantageux que le régime français qui prévoit un taux facial certes plus élevé de 15% mais sur une assiette quasiment brute, la majorité des charges demeurant déductible au taux normal de l’IS. Il conviendra toutefois, de manière générale, d’apprécier la pérennité, a priori d’ores et déjà menacée, de ces régimes IP à l’aune des développements des travaux en cours de l’OCDE et de l’Union européenne.

Des dividendes et des plus-values de cession de titres exonérés

Par principe imposables, la plupart des dividendes versés par des sociétés britanniques et étrangères à leur société mère anglaise bénéficient en pratique d’une exonération totale d’IS, sans aucune quote-part de frais et charges à réintégrer. Aucun pourcentage de détention spécifique et aucune durée de détention minimale n’est prévu, même si, s’agissant plus spécifiquement des grandes entreprises, l’exonération est à tout le moins subordonnée au contrôle de la société distributrice par sa société mère. Ce contrôle s’entend en pratique de la détention de la majorité des titres de la société distributrice ou encore de la détention de titres donnant droit à plus de 50% des revenus de la filiale en cas de vente, liquidation ou distribution. Comme ce serait le cas en France, le bénéfice de l’exonération peut être remis en cause par l’application de mesures anti-abus, et notamment les situations aboutissant à une déduction des dividendes dans le pays de source.

En matière de désinvestissement, l’application du régime «Subtantial Shareholding Exemption» permet, depuis 2002, de bénéficier d’une exonération totale d’imposition de la plus-value de cession de titres de participation. Comme pour les dividendes, aucune quote-part de frais et charges n’est à réintégrer. Le bénéfice de cette exonération est subordonné à la réunion de plusieurs conditions strictes. Aux rangs de ces conditions, la société cédante des titres doit ainsi détenir 10% au moins du capital de la société dont les titres sont cédés et les titres cédés doivent avoir été détenus pendant une durée continue d’au moins douze mois au cours des deux dernières années. Enfin, «last but not least», l’exonération n’a vocation à s’appliquer que dans la mesure où la société cédée a la qualité de «trading company» ou est la société mère de sociétés revêtant cette même qualité (condition requise les douze mois précédant et suivant la cession). La société cédante doit également pouvoir recevoir cette qualification ou être membre d’un «trading group». Le terme «trading» recouvre essentiellement l’exercice d’une activité industrielle ou commerciale effective. Sont en revanche exclus de cette qualification les revenus passifs issus d’investissements immobiliers par exemple.

Utilisation des pertes fiscales et bienfaits du «Group Relief»

L’excédent de déficit qui n’aurait pas pu être imputé par une entreprise britannique sur ses bénéfices est intégralement reportable en avant sans limitation de durée ou de montant (à l’exception des établissements financiers pour lesquels l’utilisation des déficits est limitée depuis avril dernier à 50% du profit annuel imposable). L’utilisation au titre d’un exercice des déficits n’est par ailleurs pas plafonnée, contrairement aux régimes applicables en Allemagne, en France ou encore au Portugal par exemple. Les entreprises britanniques ont également la faculté de reporter leur déficit en arrière. Les déficits perdent en revanche leur caractère reportable si, dans les trois ans suivant leur constatation, un changement majeur de l’actionnariat de l’entreprise et de la nature de son activité (ou si celle-ci devient accessoire) interviennent.

Par ailleurs, s’il ne permet pas de réaliser une véritable consolidation fiscale, le régime fiscal britannique offre cependant la possibilité de transférer, entre membres d’un même groupe de sociétés, les pertes excédentaires constatées au niveau individuel. Ce régime dénommé «Group Relief» est ouvert non seulement aux entreprises résidentes du Royaume-Uni mais aussi aux filiales résidentes de l’espace économique européen. L’une des conditions majeures d’application de ce mécanisme consiste en ce que les sociétés en cause aient un lien de détention capitalistique, direct ou indirect, d’au moins 75%.

S’agissant des pertes des filiales situées dans l’EEE, lesdites pertes ne peuvent être prises en compte (i) que dans la mesure où la société non-résidente a épuisé les possibilités de prise en compte de ses pertes au cours de l’exercice fiscal durant lequel elles sont nées et des exercices fiscaux antérieurs et (ii) qu’il n’existe par ailleurs aucune possibilité de prise en compte de ces pertes au cours d’exercices futurs (situation examinée immédiatement après la fin de l’exercice fiscal au cours duquel les pertes ont été subies).

Un des taux d’IS les plus faibles de l’UE

Enfin, l’une des principales mesures d’attractivité (si ce n’est la plus importante) demeure son faible taux d’imposition. En effet, à leur arrivée au pouvoir en mai 2010, les conservateurs ont initié une réduction progressive du taux de l’impôt sur les sociétés, de 28% initialement à 20% depuis le 1er avril 2015, faisant du régime fiscal britannique l’un des plus compétitifs de l’Union Européenne à cet égard. Ce faible taux constitue indéniablement un atout majeur par rapport aux taux maximum effectifs français ou encore allemand qui s’établissent respectivement à 38% et 30-33%.

Si la récente réélection des conservateurs peut laisser espérer une certaine stabilité du régime fiscal britannique, et plus particulièrement, des mesures favorables mises en place depuis quelques années, il est en revanche possible de s’interroger sur les incidences que pourrait avoir, d’un point de vue fiscal, la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, projet en principe prochainement soumis aux Anglais par voie de référendum.

 

Auteurs

Johann Roc’h, avocat en fiscalité intternationale

Aaron Fairhurst, associé, CMS Cameron McKenna LLP

 

*Royaume-Uni : des atouts fiscaux indéniables pour les entreprises* – Article paru dans le magazine Option Finance le 26 mai 2015
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