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La société de libre partenariat : une alternative pour les investissements immobiliers ?

La société de libre partenariat : une alternative pour les investissements immobiliers ?

La loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (dite loi Macron) a créé une nouvelle forme de fonds professionnel spécialisé dénommée la société de libre partenariat (SLP), se rajoutant à la SICAV et au fonds commun de placement. Pour tenir compte des spécificités liées à cette nouvelle structure juridique, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a déjà modifié son règlement général et son instruction DOC-2012-06 sur les modalités de déclaration, de modification, d’établissement d’un prospectus et des informations périodiques des fonds professionnels spécialisés et de capital investissement.

Les SLP sont régies au plan juridique par les articles L. 214-162-1 et suivants du Code monétaire et financier. Il s’agit en fait de sociétés en commandite simple (SCS) qui dérogent sur un certain nombre de points limitativement énumérés aux dispositions du Code de commerce régissant les SCS.

A titre d’exemple, compte tenu des modalités spécifiques dont elles bénéficient, les SLP peuvent compartimenter leurs actifs, en ce que les actifs d’un compartiment déterminé peuvent ne répondre alors que des dettes, engagements et obligations et ne bénéficier de la même façon que des créances qui concernent ce compartiment.

De plus, les parts des commanditaires sont réservées aux investisseurs éligibles mentionnés à l’article 423-27-1 du règlement général de l’AMF. Au regard de ces différents éléments, la question se pose de savoir si la SLP est une nouvelle structure juridique susceptible d’offrir fiscalement une alternative pour des investissements immobiliers.

Rappelons tout d’abord que la politique d’investissement d’une SLP est relativement souple puisque l’article L. 214-162-7 du Code monétaire et financier prévoit que par dérogation aux articles L. 214-24-55 et L. 214-24-56, les statuts déterminent les règles d’investissement et d’engagement de la SLP et celle-ci peut investir dans des biens s’ils satisfont à un certain nombre de règles qui ne font en rien obstacle aux investissements immobiliers directs ou indirects.

Par ailleurs, l’actif de la SLP peut également comprendre des droits représentatifs d’un placement financier émis sur le fondement du droit français ou d’un droit étranger, ainsi que des avances en compte courant consenties, pour la durée de l’investissement réalisé, à des sociétés dans lesquelles la SLP détient une participation.

Comme pour un fonds d’investissement professionnel spécialisé ou une société l’investissement professionnelle spécialisée, la SLP ne fait pas l’objet d’un agrément, mais elle doit être déclarée auprès de l’AMF au plus tard un mois après sa constitution.

Elle ne peut donc sur ce point être assimilée à un OPCI au sens des articles 208 C III bis et 208 3°nonies du Code général des impôts (CGI).

Au demeurant, de par une disposition expresse de la loi (article 1655 sexies A du CGI), le régime fiscal des SLP n’est pas celui de la commandite simple mais celui des fonds professionnels de capital investissement (FPCI), constitués sous la forme de fonds communs de placement, qu’il s’agisse de l’imposition de leurs bénéfices, de celui de leurs associés ou bien encore de leurs obligations déclaratives.

Le régime d’imposition des résultats de la SLP diffère selon que celle-ci répond ou non aux conditions notamment de quota figurant à l’article 163 quinquies B II.

A cet égard, comme on le sait, les FPCI peuvent faire bénéficier leurs associés, personnes morales ou personnes physiques, d’un régime fiscal favorable lorsqu’ils respectent les conditions de l’article 163 quinquies B II du CGI, lesquelles renvoient principalement à des quotas d’investissement en matière de sociétés non cotées.

En ce qui concerne les associés personnes morales résidentes

Sous le bénéfice de ce régime, pour les associés personnes morales, les répartitions d’actifs sont affectées prioritairement au remboursement des apports ou du prix d’acquisition des parts et ne donnent lieu à aucune imposition tant qu’elles n’excèdent pas le montant des apports effectivement libérés et non encore amortis ou le prix d’acquisition des parts. Les répartitions qui n’ont pas été imposées minorent le prix de revient des parts et l’excédent des sommes réparties est soumis au régime des plus-values à long terme (à l’exception à notre sens des participations détenues dans des sociétés à prépondérance immobilière) dans la proportion existant entre le montant des apports effectués depuis au moins deux ans à la date de la répartition et le montant total des apports effectués à cette date. Dans le cas contraire, elles sont comprises dans le résultat imposable au taux de droit commun.

En revanche, les distributions des revenus des actifs détenus par la SLP tels que les dividendes ou les intérêts qu’elle a perçus demeurent soumis à l’impôt au taux de droit commun au titre de l’exercice au cours duquel ils sont répartis entre les porteurs.

En ce qui concerne les associés personnes physiques résidentes

Pour les personnes physiques, l’exonération des produits et plus-values réalisés par la SLP est subordonnée à différentes conditions, telles que notamment l’engagement par les associés de conserver les parts pendant cinq ans à compter de leur souscription, le réinvestissement des sommes réparties pendant cette période.

Rappelons que dans les deux cas (associés personnes physiques ou morales), lorsque ces conditions posées par l’article 163 quinquies B II précité ne sont pas remplies, les produits et plusvalues sont imposés dans des conditions proches des fonds communs de placement ordinaires.

En ce qui concerne les associés non-résidents 

S’agissant des non-résidents, l’application aux SLP du régime des FPCI devrait conduire à les imposer selon le régime spécifique applicable aux produits répartis. Il en découle que la quote-part de ces produits correspondant à des dividendes de sociétés françaises serait ainsi soumise à retenue à la source de droit interne de 30% (sauf application de règles conventionnelles plus favorables) tandis que la quote-part correspondant à des produits de placement à revenu fixe échapperait à l’impôt (sauf s’ils étaient payés dans un Etat ou territoire non coopératif).

Les distributions de la SLP correspondant à des revenus de source étrangère devraient échapper à toute imposition en France.

Dans l’hypothèse d’une SLP qui serait à prépondérance immobilière en France, les distributions d’actifs ou de plus-values de cession d’actifs seraient soumises à l’impôt dans les conditions prévues à l’article 244 bis A du CGI (imposition au taux de 19% essentiellement pour les personnes physiques non-résidentes et prélèvement du tiers pour les sociétés de capitaux étrangères).

Les conventions fiscales conclues par la France qui reprennent la rédaction de l’article 13 du modèle de convention de l’OCDE relatif aux gains en capital ne devraient pas faire obstacle à cette imposition en France.

Au plan fiscal, la SLP ne bénéficie donc que d’une simple transposition d’avantages déjà accordés aux FPCI. Gageons toutefois que son régime juridique extrêmement souple en fera pour l’avenir un outil utile aux investissements en France, y compris dans l’immobilier.

 

Auteurs

Richard Foissac, avocat associé spécialisé en fiscalité directe.

Julien Saïac, avocat associé, spécialisé en fiscalité internationale