Ordonnances Macron : le prêt de main d’œuvre facilité pour les jeunes entreprises et les PME

28 décembre 2017
Les ordonnances Macron adaptent le prêt de main d’œuvre à destination des jeunes entreprises et des petites et moyennes entreprises. Cette mesure, moins commentée que les mesures phares des ordonnances, mérite que l’on s’y arrête.
Constat à l’origine de la mesure
Le prêt de main d’œuvre est une opération consistant pour une entreprise à « prêter » un salarié pour une durée déterminée à une autre entreprise confrontée à un besoin ponctuel de main-d’œuvre.
La loi interdit par principe « toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’Å“uvre ».
Afin d’échapper à la qualification de prêt de main-d’œuvre illicite et donc au risque de condamnation à de lourdes sanctions, notamment pénales, l’opération doit donc nécessairement être sans but lucratif.
La définition du caractère lucratif de l’opération ayant donné lieu à une abondante jurisprudence, la loi Cherpion de 2011 a entendu « sécuriser » le prêt de main d’œuvre en précisant qu’une opération de prêt de main-d’Å“uvre ne poursuit pas de but lucratif lorsque l’entreprise prêteuse ne facture à l’entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de la mise à disposition.
Cette disposition interdit bien entendu à l’entreprise prêteuse de facturer à l’entreprise utilisatrice une somme supérieure aux éléments qu’elle liste.
Mais elle peut également signifier que l’entreprise prêteuse doit facturer une somme strictement équivalente aux salaires versés au salarié, aux charges sociales afférentes et aux frais professionnels remboursés à l’intéressé, sans possibilité de sous-évaluer ces éléments.
Lorsque le prêt de main d’œuvre envisagé consiste à mettre à la disposition d’une start-up un cadre supérieur expérimenté d’un grand groupe, l’obligation de refacturation de l’intégralité de sa rémunération à l’entreprise utilisatrice peut constituer un frein à l’opération.
Partant de ce constat, les ordonnances Macron ont adapté la règle pour les jeunes entreprises et les PME.
L’adaptation du prêt de main d’œuvre pour les jeunes entreprises et le PME
La mesure créée par les ordonnances Macron s’applique :
- pour ce qui concerne les entreprises prêteuses : aux groupes ou entreprises d’au moins 5 000 salariés ;
- pour ce qui concerne les entreprises utilisatrices : aux jeunes entreprises ayant moins de huit ans d’existence au moment de la mise à disposition, et aux PME d’au maximum 250 salariés.
La mise à disposition de salariés doit être d’une durée limitée à deux ans, et doit avoir pour objectif d’améliorer la qualification de la main d’œuvre de l’entreprise utilisatrice, de favoriser les transitions professionnelles ou de constituer un partenariat d’affaires ou d’intérêt commun.
Comme tout prêt de main d’œuvre, l’opération doit donner lieu à la conclusion d’une convention de mise à disposition entre l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice, qui doit notamment préciser la finalité du prêt au regard des critères précités.
Lorsque toutes ces conditions sont remplies, le prêt de main d’œuvre est réputé ne pas avoir de but lucratif même si le montant facturé par l’entreprise prêteuse à l’entreprise utilisatrice est inférieur aux salaires versés au salarié, aux charges sociales afférentes et aux frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de sa mise à disposition.
Le texte précise également que cette mesure ne bénéficie pas aux mises à disposition effectuées au sein d’un même groupe.
Ces règles vont prochainement être complétées par un décret d’application.
Un projet de décret a été diffusé, qui apporte des précisions telles, par exemple, que la date à retenir pour apprécier les huit ans d’existence de la jeune entreprise (il s’agirait de la date d’immatriculation à un registre professionnel), ou le contenu de la mise à disposition.
Sur ce dernier point, la convention devrait non seulement préciser la finalité du prêt de main d’œuvre, mais aussi les objectifs permettant d’en évaluer la réalisation.
L’ensemble de ces dispositions devrait entrer en vigueur au 1er janvier 2018.
Ce régime apporte donc sécurité et souplesse aux jeunes entreprises et aux PME, qui vont désormais pouvoir bénéficier des compétences de cadres expérimentés sans avoir à supporter le coût total de sa rémunération.
Les entreprises prêteuses pour leur part pourront trouver un intérêt dans ce dispositif pour accélérer leur mutation, améliorer leurs compétences, leurs méthodes de travail, ou développer leur « culture start-up ».
Auteur
Sandra Petit, avocat, droit social
Ordonnances Macron : le prêt de main d’œuvre facilité pour les jeunes entreprises et les PME – Article paru dans Les Echos Exécutives le 15 décembre 2017
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