Actualité sociale de l’été et de la rentrée 2025

8 septembre 2025
Malgré un contexte politique tendu depuis le 15 juillet 2025, marqué par l’annonce du Premier ministre concernant son plan de retour à l’équilibre de la dette sur quatre ans – un plan dont certaines mesures ont suscité la colère des syndicats et de plusieurs formations politiques – un certain nombre de textes réglementaires intéressant les entreprises ont néanmoins été adoptés et publiés au cours de l’été.
Dans cette dynamique de redressement des finances publiques, le gouvernement a sollicité les partenaires sociaux afin qu’ils engagent plusieurs négociations interprofessionnelles sur certaines des mesures envisagées dans le champ social.
Toutefois, cette volonté de concertation pourrait être compromise par l’évolution incertaine de la situation politique : en effet, la chute prévisible du gouvernement à l’issue du vote de confiance prévu ce jour, le 8 septembre risque de remettre en cause l’engagement ou la poursuite de certaines de ces négociations.
Par ailleurs, au-delà des initiatives gouvernementales, d’autres événements majeurs sont attendus qui pourraient modifier l’ordre juridique.
Deux décisions importantes, l’une du Conseil constitutionnel et l’autre de la chambre sociale de la Cour de cassation, sont en effet attendues le 10 septembre prochain. Leur contenu et leur portée pourraient avoir un impact significatif pour les entreprises.
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Les textes réglementaires publiés cet été
Parmi les textes réglementaires publiés cet été, doivent notamment retenir l’attention les textes qui prévoient :
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♦ L’accès à la retraite progressive. Le décret n°2025-681 du 15 juillet 2025 transpose l’une des mesures de l’ANI du 14 novembre 2024 sur l’emploi des salariés expérimentés qui prévoyait de rétablir l’accès à la retraite progressive à partir de l’âge de 60 ans. L’âge d’accès à la retraite progressive avait en effet été décalé avec l’entrée en vigueur de la loi portant réforme des retraites fixant l’âge de la retraite à 64 ans au terme de la période de montée en charge de la réforme. Cette mesure s’applique aux retraites progressives prenant effet à compter du 1er septembre 2025.
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♦ La dématérialisation des arrêts de travail. Afin de lutter contre la fraude et conformément aux dispositions du décret n°2025-587 du 28 juin 2025, les professionnels de santé doivent utiliser le nouveau formulaire d’avis d’arrêt de travail sécurisé pour tout arrêt de travail prescrit ou renouvelé depuis le 1er juillet 2025. Si l’avis n’est pas établi par voie dématérialisée, l’assuré doit faire parvenir à la caisse primaire d’assurance maladie l’original du formulaire sécurisé remis par le professionnel de santé. Par tolérance, les prescriptions d’arrêt de travail sur des formulaires non sécurisés ont toutefois été admises jusqu’au 31 août 2025. Depuis le 1er septembre, tout formulaire d’arrêt de travail non sécurisé est rejeté par l’assurance maladie et retourné au prescripteur.
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♦ Le report de l’entrée en vigueur du nouveau modèle de bulletin de paie. Pour mémoire, l’arrêté du 31 janvier 2023, pris en application de l’article R. 3243-2 du Code du travail, a instauré de nouvelles obligations en matière de présentation du bulletin de paie. Il a notamment rendu obligatoire la mention du montant net social sur tous les bulletins depuis le 1er juillet 2023, et défini un nouveau modèle réorganisant certaines rubriques, en particulier celles relatives à la protection sociale complémentaire, tout en introduisant une rubrique dédiée aux remboursements et déductions diverses.
Initialement, ce nouveau modèle devait entrer en vigueur au 1er janvier 2026. Toutefois, un arrêté du 11 août 2025 est venu reporter cette échéance d’un an. Ainsi, sauf nouveau report, l’adoption obligatoire du nouveau bulletin de paie est désormais fixée au 1er janvier 2027.
♦ Le passeport de prévention : Le décret n° 2025-748 du 1er août 2025 fixe les modalités de déclaration des formations en santé et sécurité au travail devant être inscrites au sein du passeport de prévention. Ce texte précise les conditions d’éligibilité des formations à la déclaration, les délais impartis aux organismes de formation et aux employeurs pour procéder à cette intégration ainsi que les règles de vérification et de correction des données transmises par les organismes de formation, lorsque ces formations ont été dispensées pour le compte de l’employeur. Ces dispositions sont entrées en vigueur le 3 août 2025, à l’exception de certaines mesures dont l’application est alignée sur le déploiement progressif du dispositif.
♦ La parité dans les conseils d’administration. Le décret n° 2025-744 du 30 juillet 2025 visant à un meilleur équilibre entre les femmes et les hommes au sein du conseil d’administration et du conseil de surveillance de certaines sociétés, précise les modalités d’application du principe d’équilibre entre les femmes et les hommes dans la désignation des administrateurs salariés. En cas de candidatures présentant des qualifications équivalentes, la préférence doit être accordée au candidat appartenant au sexe sous-représenté au sein de l’organe de gouvernance. Cette règle s’applique aux élections et aux désignations opérées par les organisations syndicales.
♦ Le bonus- malus sur les cotisations chômage : Pour les entreprises d’au moins 11 salariés soumises au dispositif de bonus-malus sur la contribution d’assurance chômage, la quatrième période de modulation a débuté le 1 septembre 2025. La circulaire UNEDIC n° 2025-09 du 28 août 2025 présente les taux de séparation médians par secteur pris en compte pour la période d’emploi courant du 1er septembre 2025 au 28 février 2026.
♦ La refonte des allègements de cotisations patronales. Le décret n°2025-887 du 4 septembre 2025 relatif aux modalités d’application de différents dispositifs de réduction et d’exonération de cotisations patronales de sécurité sociale fixe, dans la lignée des dispositions du PLFSS pour 2025, les conditions de mise en œuvre de la nouvelle réduction dégressive unique qui sera mise en place à compter du 1er janvier 2026 avec un point de sortie fixé à trois Smic. Le décret prévoit une nouvelle formule de calcul des allègements généraux de cotisations patronales. L’exonération sera maximale au niveau du Smic, avant de descendre progressivement jusqu’au point de sortie.
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Les décisions du Conseil d’Etat et du Conseil constitutionnel publiées cet été
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♦ Conditions d’accès au congé de paternité. Le 8 août 2025 le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions des articles L. 1225-35 du Code du travail et L. 623-1 du Code de la sécurité sociale relatives au congé de paternité et d’accueil de l’enfant qui réservent le bénéfice dudit congé au père de l’enfant ainsi qu’à la personne vivant maritalement avec la mère, à l’exclusion du second père dans le cadre d’un couple d’hommes ayant eu recours à une gestation pour autrui (GPA). En revanche, dans l’hypothèse d’un couple de femmes ayant eu recours à une procréation médicalement assistée (PMA), le congé peut être ouvert à la femme à l’égard de laquelle la filiation de l’enfant a été établie par reconnaissance conjointe (Cons. Const., 8 août 2025, n° 2025-1155 QPC).
♦ Refus de CDI après un CDD : le Conseil d’État valide définitivement le dispositif issu de la loi Marché du travail limitant l’ouverture des droits à chômage du salarié en fin de CDD ou de mission d’intérim qui refuse deux propositions de CDI (CE, 18 juillet 2025, N° 492244).
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Des négociations interprofessionnelles à venir
Le gouvernement a invité les partenaires sociaux à ouvrir des négociations nationales interprofessionnelles sur certaines des mesures envisagées dans le cadre du projet de redressement budgétaire de la France.
A cette fin, deux documents d’orientation visant à préciser le cadre de la négociation ont été transmis aux partenaires sociaux le 8 août 2025.
Le premier concerne la réforme de l’assurance chômage afin de résorber l’écart constaté entre le solde de l’assurance chômage prévu dans la loi de programmation des finances publiques pour la période 2023-2027 et les soldes constatés en 2023et 2024 et les projections pour les années 2025 et 2026 ;
Selon le document d’orientation, la négociation doit conserver les grands principes issus de la convention du 15 novembre 2024 (contracyclicité du régime, calcul du salaire journalier de référence, dégressivité et la mensualisation du versement de l’allocation, condition d’affiliation spécifique pour les primo-entrants et les saisonniers, décalage des bornes d’âges pour la filière seniors, permettant le bénéfice d’une durée d’indemnisation).
La négociation doit permettre de favoriser le retour rapide à l’emploi des demandeurs d’emploi, notamment en durcissant les conditions d’indemnisation après une rupture conventionnelle homologuée et en modifiant la durée minimale d’emploi et la période de référence nécessaires à l’ouverture d’un droit au chômage.
Le gouvernement a fixé la date limite de la négociation au 15 novembre 2025 en vue d’agréer l’éventuel accord avant le 31 décembre 2025 pour permettre sa mise en œuvre au 1er janvier 2026.
Le deuxième concerne le projet de suppression de deux jours fériés, le lundi de Pâques et le 8 mai, pour les salariés du secteur privé et les agents publics, sans que l’augmentation du temps de travail résultant de cette mesure donne lieu au versement d’une rémunération supplémentaire ni au décompte d’heures supplémentaires.
Le rendement de cette mesure devrait être pour le secteur privé de 4,2 milliards d’euros dès 2026 pour le budget de l’Etat.
Selon le document de cadrage, l’objet de la négociation porte uniquement sur la détermination des modalités de mise en œuvre de la mesure et non sur son principe. Même si le Premier ministre s’est montré, lors de son allocution du 31 août dernier, ouvert à la discussion sur le nombre de jours fériés susceptible d’être supprimés, la négociation semble très largement compromise dès lors que la totalité des organisations syndicales et une partie des organisations patronales ont d’ores et déjà fait connaitre leur intention de ne pas participer aux discussions.
Il appartiendra au gouvernement, s’il le souhaite, de reprendre cette mesure et d’en fixer les modalités de mise en œuvre dans le futur projet de loi de finances pour 2026.
Enfin, une troisième négociation interprofessionnelle portant sur la modernisation du marché du travail et la qualité de vie au travail a également été envisagée en juillet par le gouvernement qui a décidé de reporter en septembre l’envoi du document d’orientation.
Cette négociation aurait notamment pour objet la possible monétisation de la cinquième semaine de congés payés, les moyens d’augmenter le temps de travail, l’assouplissement du recours aux CDD et à l’intérim, la réduction du délai de contestation judiciaire de la rupture du contrat de travail, la réduction de l’indemnisation des arrêts de travail et l’allongement du délai de carence. Ces négociations pourraient se poursuivre au cours de l’année 2026.
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D’importantes décisions en attente
Le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation doivent se prononcer le 10 septembre prochain sur deux questions intéressant la gestion quotidienne du personnel :
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♦ Le droit de garder le silence lors de l’entretien préalable. Le Conseil d’État a transmis au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (CE, 18 juin 2025, n° 502832 (2025-1160 QPC)) concernant la conformité des dispositions du Code du travail relatives à l’entretien préalable au licenciement et à l’entretien préalable à une sanction disciplinaire moindre. Celles-ci ne prévoient pas que le salarié soit informé de son droit de garder le silence, ce qui pourrait méconnaître l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 consacrant la présomption d’innocence.
♦ Le sort des congés payés du salarié qui tombe malade pendant ses congés. Si la loi ne prévoit rien sur cette question, la Cour de cassation décide que le salarié qui tombe malade pendant ses congés ne peut exiger de prendre ultérieurement le congé dont il n’a pu bénéficier du fait de son arrêt maladie (Cass. soc., 4 décembre 1996 n°93-44.907). Le 18 juin 2025, la Commission européenne a mis la France en demeure de mettre son droit national en conformité avec le droit de l’Union, tel qu’interprété par la CJUE, qui retient que, dans un tel cas, le salarié doit avoir la possibilité de prendre ultérieurement ce congé. Saisie d’un pourvoi portant sur cette question, la Cour de cassation pourrait modifier sa jurisprudence.
Une analyse de ces décisions et de leur portée sera effectuée dès leur publication.
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