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Aides d’Etat : extension du champ d’application du règlement général d’exemption par catégorie aux aéroports régionaux et aux ports

Aides d’Etat : extension du champ d’application du règlement général d’exemption par catégorie aux aéroports régionaux et aux ports

Le 14 juin 2017, la Commission européenne a adopté le règlement n°2017/1084 qui modifie substantiellement le règlement n°651/2014 du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur, dit règlement général d’exemption par catégories (RGEC).


Rappelons que le RGEC exempte de l’obligation de notification préalable à la Commission européenne un certain nombre d’aides ou de régimes d’aides qui remplissent certaines conditions. L’objectif de l’élargissement du spectre du RGEC est de limiter le nombre de notifications et de permettre à la Commission européenne de se concentrer sur l’examen individuel des aides d’État ayant le plus d’incidence sur la concurrence au sein du marché intérieur.

Le règlement n°2017/1084 assouplit le RGEC sur plusieurs points :

  • les seuils de notification des aides en faveur de la culture et de la conservation du patrimoine et des aides en faveur des infrastructures sportives, récréatives ou multifonctionnelles sont relevés pour tenir compte des effets négatifs limités qu’ont ces aides sur la concurrence (par exemple, s’agissant des aides en faveur de la culture et de la conservation du patrimoine, le seuil pour les aides à l’investissement est porté de 100 à 150 millions d’euros par projet et celui des aides au fonctionnement de 50 à 75 millions d’euros par entreprise et par an) ;
  • les conditions d’octroi des aides au fonctionnement dans les régions ultrapériphériques de l’Union européenne (UE), incluant notamment les départements et territoires d’outre-mer français, sont assouplies.

Outre ces modifications, l’apport majeur du nouveau texte est l’extension du champ d’application du RGEC aux infrastructures aéroportuaires et portuaires qui en étaient jusqu’alors exclues.

Consciente de la nécessité de prévoir des règles d’exemption pour ces secteurs économiques, la Commission européenne avait précisé, dans le RGEC adopté en 2014, son intention de prévoir des règles d’exemption pour certaines aides d’État aux infrastructures portuaires et aéroportuaires lorsqu’elle disposerait d’une expérience décisionnelle suffisante en la matière. C’est chose faite à la suite de deux consultations publiques menées en 2016 qui ont permis à la Commission européenne de recueillir un nombre significatif d’observations de la part des États membres et des entreprises.

Le RGEC modifié vient ainsi compléter les documents publiés en 2016 par la Commission européenne présentant sa grille d’analyse des aides d’État accordées aux infrastructures et notamment aux infrastructures portuaires (cf. « infrastructure analytical grid for port infrastructure »). Dans ces documents, la Commission européenne précisait quels types d’interventions publiques en faveur des infrastructures pouvaient échapper à la qualification d’aide d’État, notamment dans les cas où l’infrastructure concernée n’est pas destinée à être exploitée commercialement et se trouve donc hors champ des activités économiques ou dans les hypothèses où l’État investit dans des conditions normales de marché. Le règlement adopté par la Commission européenne définit les aides d’État soumises à son contrôle tout en fixant des règles claires d’exemption pour certaines.

  • Les aides aux aéroports régionaux

Afin d’améliorer l’accessibilité de certaines régions et le développement local, le RGEC exempte tout d’abord de notification certaines aides à l’investissement en faveur des aéroports régionaux accueillant jusqu’à 3 millions de passagers par an (ce qui concerne plus de 420 aéroports européens et représente 13% du trafic aérien) ou enregistrant un trafic de fret annuel moyen jusqu’à 200 000 tonnes.

L’aide doit financer l’investissement dans les infrastructures aéroportuaires, ce qui inclut les pistes, les terminaux, les aires de trafic, les voies de circulation, les infrastructures centralisées d’assistance en escale et tout autre aménagement utilisé directement pour les services aéroportuaires.

Le RGEC subordonne le bénéfice de cette exemption à la satisfaction de plusieurs conditions :

  • l’aéroport doit être ouvert à tous les usagers potentiels et, en cas de limitation physique de la capacité, l’aide doit être allouée sur la base de critères pertinents, objectifs, transparents et non discriminatoires ;
  • l’aide ne doit pas être accordée pour la délocalisation d’aéroports existants ni pour la création d’un nouvel aéroport assurant le transport de passagers ;
  • l’investissement concerné ne doit pas excéder ce qui est nécessaire pour accueillir le trafic attendu à moyen terme sur la base de prévisions de trafic raisonnables ;
  • l’aide ne doit pas être octroyée à un aéroport situé dans un rayon de 100 kilomètres ou à 60 minutes en voiture, bus, train ou train à grande vitesse d’un aéroport existant (sauf si la liaison entre l’aéroport existant et l’aéroport bénéficiaire de l’aide implique un temps de trajet par voie maritime ou aérien d’au moins 90 minutes) ;
  • l’aide ne doit pas être susceptible de permettre à l’aéroport d’accroître son trafic de passager annuel moyen pour le porter à plus de 3 millions de passagers ou son trafic de fret annuel moyen pour le porter à plus de 200 000 tonnes au cours des deux années suivant l’octroi de l’aide.

Contrairement à sa pratique habituelle, la Commission européenne ne fixe pas un seuil absolu en dessous duquel une notification n’est pas requise. Elle a en effet estimé que la fixation d’un tel seuil ne serait pas opportune car, dans le secteur aéroportuaire, l’incidence de la mesure d’aide dépend de la taille de l’aéroport et non du montant de l’aide.

Le règlement précise donc uniquement que l’aide à l’investissement à destination des aéroports régionaux ne doit pas excéder :

  • d’une part, la différence entre les coûts afférents aux investissements dans des infrastructures aéroportuaires (qui constituent les « coûts admissibles ») et la marge d’exploitation de l’investissement (le « funding gap ») ;
  • d’autre part, une intensité maximale d’aide variant en fonction de la taille de l’aéroport (50% des coûts admissibles pour les aéroports dont le trafic est compris entre 1 et 3 millions de passagers ; 75% des coûts admissibles pour les aéroports dont le trafic est inférieur à 1 million de passagers).

Enfin, le règlement pose des conditions plus souples pour l’octroi d’aides à l’investissement aux aéroports accueillant un maximum de 200 000 passagers par an, qui aujourd’hui ne représentent que 0,75% du trafic aérien, dans le but de favoriser leur développement. Le règlement exempte également de notification, pour ces aéroports, certaines aides au fonctionnement visant à couvrir les pertes d’exploitation et un bénéfice raisonnable.

  • Les aides aux ports maritimes et aux ports intérieurs

Le champ d’application du RGEC est en outre étendu aux ports maritimes et intérieurs, dont le développement est un des objectifs majeurs de la politique de transport de l’UE. La Commission européenne note en effet que des investissements sont nécessaires pour adapter les infrastructures d’accès aux ports et les infrastructures portuaires à la taille et à la complexité accrues de la flotte, à l’utilisation d’infrastructures pour carburants alternatifs et aux exigences plus strictes en matière de performance environnementale.

Rappelons d’ailleurs que, afin de favoriser l’investissement dans les ports de l’UE et les rendre plus compétitifs, le législateur européen a adopté le 15 février 2017 le règlement n°2017/352 établissant un cadre pour la fourniture de services portuaires et des règles communes relatives à la transparence financière des ports.

Dans le même but, les aides à l’investissement en faveur des ports sont dorénavant exemptées de notification sous réserve de respecter certaines conditions.

Tout d’abord, l’aide doit financer les investissements dans la construction, le remplacement ou la modernisation d’infrastructures d’accès et d’infrastructures portuaires (par exemple les quais d’amarrage des bateaux, les murs de quai, les jetées, les rampes et pontons flottants dans les zones de marée, les bassins intérieurs, les remblais et assèchements de terres, etc.) et les coûts de dragage.

Ensuite, le montant de l’investissement ne doit pas être supérieur à 150 millions d’euros par projet pour les ports maritimes et 50 millions d’euros par projet pour les ports intérieurs. L’exemption est néanmoins limitée à une intensité d’aide maximale, variant, pour les ports maritimes, en fonction de la taille du projet d’investissement (de 60% à 100%). Par ailleurs, le montant de l’aide ne devra pas excéder la différence entre les coûts admissibles et la marge d’exploitation de l’investissement ou du dragage, excepté dans le cas des montants d’aide très faibles.

Enfin, le règlement prévoit que ces aides ne seront exemptées de notification que si la concession ou autre forme de mandat confiant à un tiers la construction, la modernisation, l’exploitation ou la location d’une infrastructure portuaire est attribuée sur une base concurrentielle, transparente, non discriminatoire et inconditionnelle et si l’accès aux infrastructures est équitable et non discriminatoire.

  • Entrée en vigueur du règlement

Les modifications apportées au RGEC entreront en vigueur le 10 juillet 2017. Toutefois, le nouveau dispositif s’applique aux aides individuelles octroyées avant cette date, pour autant qu’elles remplissent les conditions qu’il fixe pour bénéficier de l’exemption. Les aides aux ports et aux aéroports régionaux qui respectent ces conditions sont ainsi réputées compatibles pour le passé.

Les modifications apportées par le RGEC faciliteront sans aucun doute l’investissement dans les secteurs économiques aéroportuaires et portuaires et renforceront la sécurité juridique des bénéficiaires d’aides.

Il sera en outre toujours possible pour les États membres d’accorder des aides d’État ne respectant pas les conditions posées par le RGEC, sous réserve d’obtenir alors l’autorisation préalable de la Commission européenne. Dans ce cadre, si la Commission européenne peut autoriser sans difficulté particulière les aides d’État en faveur des ports et des aéroports respectant la philosophie générale du RGEC mais non ses conditions d’application et notamment le plafond de 150 millions d’euros par projet, il pourrait en être autrement s’agissant des aides qui ne respecteraient pas les grandes conditions de fond posées par le RGEC.

 

Auteurs

Claire Vannini, avocat associé, droit de la concurrence national et européen

Sabrina Ledda-Noël, avocat, droit européen et droit des produits de santé