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Brexit, secteurs régulés, transport : point d’étape

Brexit, secteurs régulés, transport : point d’étape

Les négociations relatives à la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE) ont démarré depuis maintenant quelques mois avec la double exigence d’aboutir à un accord réglant de manière exhaustive l’ensemble des questions liées à la sortie de cet Etat de l’UE mais également à ce que cet accord puisse entrer en vigueur au plus tard le 29 mars 2019, date d’expiration de la période de deux ans laissée par l’article 50 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

En effet, l’article 50 du TFUE prévoit de manière drastique qu’à défaut d’accord à l’expiration d’un délai de deux ans suivant la date de notification, par l’Etat membre, de sa sortie, les traités européens cesseront d’être applicables.

Compte tenu des conséquences totalement inédites et des lourdes incertitudes, notamment pour les opérateurs économiques, qu’engendrerait une cessation brutale de l’application du droit européen au Royaume-Uni, il est bien évidemment indispensable que l’accord qui viendra sera entériné soit le plus complet possible.

A ce jour, des principes communs ont été discutés s’agissant des droits des citoyens, du règlement financier des conséquences de la sortie, des relations entre l’Irlande et l’Irlande du nord ainsi que du sort des agences de l’Union implantées au Royaume-Uni. Sur ce dernier point les avancées ont été rapides puisqu’il est maintenant acquis que l’Agence européenne du médicament sera localisée aux Pays-Bas et l’Autorité bancaire européenne à Paris.

Si la Commission européenne a fait part de ses positions concernant un certain nombre de sujets intéressant directement les entreprises comme la propriété intellectuelle, les marchés publics ou le sort des produits mis sur le marché avant la sortie du Royaume-Uni de l’UE, force est de constater qu’aucune position officielle n’a encore été rendue publique pour toutes les questions relatives à la liberté d’établissement et de prestation de services des entreprises britanniques au sein de l’UE ou des entreprises de l’UE en Grande-Bretagne. Cet aspect fait pourtant partie des axes prioritaires retenus par le Conseil européen dans les orientations définissant le cadre des négociations adoptées le 19 avril 2017.

La question se pose avec une acuité particulière s’agissant des activités réglementées des secteurs dans lesquels il existe des textes d’harmonisation organisant le marché intérieur et où la délivrance d’une « licence » ou de toute forme d’autorisation administrative par un Etat membre permet de s’établir ou d’offrir des services librement dans un autre Etat membre. Cette problématique existe bien évidemment dans le secteur des services financiers pour lequel les directives et règlements ont mis en place un « passeport européen » permettant aux opérateurs établis dans l’UE de pouvoir librement offrir des services dans tout le marché intérieur. Mais il existe également d’autres secteurs régulés comme le secteur des transports pour lequel cette problématique va également se poser. En effet, quel sera le sort des licences accordées par le Royaume-Uni aux entreprises établies sur son territoire ?

En matière ferroviaire, la directive 2012/34 du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen soumet les entreprises ferroviaires à la délivrance d’une licence par l’Etat membre dans lequel est établie l’entreprise, laquelle donne accès à l’ensemble du territoire de l’Union. En pratique, cela signifie que, dans le périmètre des activités ferroviaires libéralisées, toute entreprise qui s’est vu accorder une licence par un Etat membre bénéficie d’un droit d’accès au réseau ferré national des autres Etats membres. En France, ce principe figure à l’article L.2122-10 du Code des transports qui dispose que « pour exercer une activité de transport sur le réseau ferroviaire, les entreprises doivent être titulaires d’une licence d’entreprise ferroviaire délivrée dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat ».

Compte tenu de l’état actuel de la libéralisation du transport ferroviaire, la question concerne tous les services de fret et, s’agissant du transport de voyageurs, les seuls transports internationaux. Cela étant, le quatrième paquet ferroviaire ayant prévu une ouverture à la concurrence des services de transport de voyageurs nationaux au 1er janvier 2021, la question va également se poser puisque les opérateurs devront déclarer leur intention 18 mois à l’avance, soit mi-2019 c’est-à-dire de façon quasi concomitante à la sortie du Royaume-Uni de l’UE (directive 2016/2370 du 14 décembre 2016).

Sur cette question trois options paraissent envisageables :

  • l’accord de sortie prévoit un maintien des effets des licences accordées aux entreprises ferroviaires avant la date du 29 mars 2017 ou du 29 mars 2019 et le bénéfice du droit d’accès à l’espace ferroviaire européen ;
  • la conclusion d’accords transfrontaliers entre le ou les Etats membres concernés par l’exploitation d’un service ferroviaire entre le Royaume-Uni et leur territoire, cette possibilité étant expressément prévue par l’article 14 de la directive et subordonnée à sa notification à la Commission européenne ;
  • la perte d’effet des licences et la nécessité, pour les entreprises ferroviaires établies au Royaume-Uni, de solliciter la délivrance d’une licence dans un autre Etat membre.

S’agissant de la dernière option, qui correspondrait à une forme de hard Brexit, elle pourrait engendrer des conséquences importantes en termes de réorganisation pour les entreprises ferroviaires puisque les conditions de fond de délivrance des licences subordonnent celle-ci à l’existence d’un « établissement » dans l’Etat membre d’accueil ainsi que l’adoption d’une structure organisationnelle et de moyens humains permettant de satisfaire aux exigences de la directive. Si cette dernière option était privilégiée elle impliquerait certainement la nécessité, pour les entreprises ferroviaires britanniques, de délocaliser un certain nombre d’actifs et de personnel dans un Etat membre de l’UE.

 

Auteur

Claire Vannini, avocat associé en droit de la concurrence national et européen