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Dès lors qu’elle est originale, l’architecture d’un point de vente peut bénéficier de la protection du droit d’auteur

Dès lors qu’elle est originale, l’architecture d’un point de vente peut bénéficier de la protection du droit d’auteur

De façon générale, la vitrine d’un magasin et l’agencement intérieur dont il est la continuité sont les premiers outils de communication visuelle de la boutique car ils doivent donner envie aux passants de pousser la porte d’entrée. C’est encore plus vrai dans le domaine de la franchise pour autant que ces éléments constituent aussi les premiers indices visibles de l’appartenance au réseau. C’est aussi pourquoi les franchiseurs sont si attentifs à la suppression de ces éléments lorsque l’ancien partenaire décide de quitter la « famille ».

L’arrêt commenté constitue une nouvelle illustration de ce phénomène. En l’espèce, le litige opposait l’ancien franchisé d’un réseau de salons de coiffure SHAMPOO à son ancien franchiseur, qui lui reprochait d’avoir conservé, en dépit de leur séparation, certains éléments d’agencement et de décoration de son concept en violation de ses droits d’auteur sur l’organisation de l’espace de vente.

Pour trancher ce contentieux, la Cour d’appel, au terme d’un examen très détaillé de l’ensemble des données factuelles, a recherché si l’aménagement présente un caractère d’originalité et partant s’il peut être considéré comme une œuvre de l’esprit au sens de l’article L.112-2 du Code de la propriété intellectuelle.

Dans son analyse, la Cour relève que l’espace constituant le concept de la franchise est « conçu comme une scène de théâtre, se dessinant en courbe, avec une segmentation en plusieurs espaces distincts dont les caractéristiques essentielles sont les suivantes :

  • une entrée la plus vaste et la plus ouverte possible,
  • un espace caisse avec une caisse proche du vestiaire et du mail, de forme courbe, avec à proximité un téléviseur diffusant des clips de collection et des shows relatifs aux évènements du groupe,
  • un espace vente sous forme de linéaire de distribution des produits à la vente,
  • un corps de salon également conçu avec une courbe généreuse par juxtaposition des espaces de coiffage et des miroirs,
  • un espace labo soit fermé conçu comme une tour, soit ouvert tel un bar à colorations, donnant à voir aux clients le travail de préparation,
  • un espace shampoing en rayonnement autour du laboratoire, permettant une circulation totale et maintenant le client en spectateur de la coiffure,
  • un espace coiffure aménagé en fonction du bâti, avec des postes de coiffage, placés selon une courbe ».

Ces éléments pris dans leur ensemble « révèlent un travail de création, un parti pris esthétique, empreint de la personnalité de l’auteur, qui n’est pas dicté par des contraintes fonctionnelles et donne au salon de coiffure, de type SHAMPOO, une physionomie propre, différente de celle des salons d’enseignes concurrentes, et donc protégeable comme œuvre de l’esprit » (CA Douai, 5 avril 2018, n°17/03809).

Il en résulte que l’aménagement particulier de l’espace, combiné aux « formes douces » du logo et à la couleur rouge qui constitue la « couleur caractéristique de la marque », présente un caractère original protégeable par un droit d’auteur.

Le droit d’auteur constitue sans doute un outil intéressant permettant d’assurer la protection de l’architecture intérieure d’un point de vente, dès lors que cette architecture remplit la condition d’originalité.

Toutefois il n’est pas le seul.

Le droit des marques est également un élément à considérer. En effet ainsi que la Cour de Justice l’a jugé à propos de l’espace de vente des Apple stores :

« la représentation, par un simple dessin sans indication de taille ni de proportions, de l’aménagement d’un espace de vente de produits, peut être enregistrée comme marque pour des services consistant en des prestations relatives à ces produit […], à condition qu’elle soit propre à distinguer les services de l’auteur de la demande d’enregistrement de ceux d’autres entreprises » (CJUE, 10 juillet 2014, C-421/13 ; v. aussi à ce sujet notre article « Protection de la forme du bâtiment par le droit des marques »).

Cette appréciation très souple de la Cour de Justice, et le fait que la directive 2015/2436 du 16 décembre 2015 sur les marques a considérablement élargi les possibilités de représentation du signe constituant la marque, rendent encore plus attractif le dépôt de marque comme moyen de protection de l’espace de la prestation commerciale. Ainsi, la représentation du signe, c’est-à-dire de l’aménagement intérieur, pourra être décrite par tout moyen, et non plus seulement par un moyen graphique, du moment que la représentation choisie permet aux autorités compétentes et au public de déterminer précisément et clairement l’objet bénéficiant de la protection conférée au titulaire de la marque.

 

Auteur

José Monteiro, of Counsel, droit de la propriété intellectuelle

 

Dès lors qu’elle est originale, l’architecture d’un point de vente peut bénéficier de la protection du droit d’auteur –  Article paru dans la Lettre des réseaux de distribution de juin 2018
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