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Assurance vie : attention à la rédaction de la clause bénéficiaire

Assurance vie : attention à la rédaction de la clause bénéficiaire

Nombre de souscripteurs prêtent peu d’attention au libellé de la clause du contrat d’assurance vie qu’ils souscrivent. Le libellé type de ces contrats est souvent «mon conjoint, à défaut mes enfants, à défaut mes héritiers». Or, ces désignations successives peuvent se révéler non adaptées au plan civil et/ou au plan fiscal.

La notion de conjoint en elle-même ne pose pas de difficulté majeure au plan civil, même en cas de remariage, puisque le bénéficiaire sera l’époux du souscripteur au moment de son décès. Toutefois, la désignation du conjoint est fiscalement pénalisante. En effet, le conjoint étant exonéré par la loi de toute taxation en matière d’assurance vie et de succession, il ne profite pas du régime fiscal avantageux de l’assurance vie alors que si les enfants du couple avaient reçu les capitaux, ils auraient chacun pu bénéficier de l’abattement spécifique de 152.500 euros et d’une imposition inférieure à celle applicable en matière de succession, sous réserve que les primes aient été versées avant les 70 ans du souscripteur-assuré (cette règle s’applique aux contrats souscrits après novembre 1991).

Prévoir le mécanisme de représentation

Par ailleurs, la désignation «mes enfants» ne permet pas d’anticiper les conséquences du décès de l’un d’eux avant le souscripteur du contrat. En matière successorale, le mécanisme de représentation permet aux héritiers de la personne prédécédée de recevoir les mêmes droits qu’aurait eus le bénéficiaire s’il était vivant. Il est automatiquement effectif dans les successions en ligne directe (parent/descendant) et en ligne collatérale (fratrie/neveux-nièces).

Or, en matière d’assurance vie, ce mécanisme de représentation ne peut être appliqué à défaut d’avoir été prévu expressément. Dès lors, si les bénéficiaires désignés sont «mes deux enfants», en cas de décès de l’un, l’enfant survivant recueillera tous les capitaux même en présence de descendants du prédécédé. Aussi, si le souscripteur souhaite que la part de l’enfant décédé puisse profiter à ses petits-enfants, il faut préciser «mes enfants vivants ou représentés».

Une jurisprudence sans équivoque

C’est ainsi que, par un arrêt du 10 septembre 2015, la Cour de cassation rappelle que le bénéficiaire décédé avant le souscripteur n’a aucun droit à transmettre à ses propres héritiers, sauf si une représentation a été prévue lors de la rédaction de la clause bénéficiaire. En l’espèce, les circonstances étaient particulières car le bénéficiaire avait accepté le bénéfice du contrat du vivant du souscripteur et ce dernier avait modifié la clause bénéficiaire à la suite du décès de la personne désignée. Lorsque le bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie en accepte le bénéfice du vivant du souscripteur-assuré, la clause bénéficiaire ne peut plus être modifiée sans l’accord du bénéficiaire acceptant.

Sur ce fondement, l’héritière du bénéficiaire acceptant et décédé avant le souscripteur, avait cru pouvoir réclamer les capitaux décès pour elle seule. La Cour de cassation refuse de faire droit à sa demande, jugeant en outre que la désignation d’un bénéficiaire est toujours faite sous condition de sa survie au souscripteur-assuré, même en cas d’acceptation.

L’impact fiscal en cas de mécanisme de représentation sera là encore non négligeable puisque l’abattement de 152.500 euros sera multiplié par le nombre de bénéficiaires.

Par ailleurs, en matière successorale, depuis janvier 2007, le mécanisme de représentation est aussi automatiquement effectif lorsque l’héritier de premier rang renonce à la succession. Le bénéficiaire désigné qui s’estime suffisamment loti, peut souhaiter renoncer au bénéfice du contrat afin que ses propres descendants reçoivent les capitaux en ses lieu et place, réalisant ainsi un saut de génération et évitant dans le même temps une double imposition du fait des transmissions successives. Là encore, il sera nécessaire de prévoir spécifiquement cette possibilité lors de la rédaction de la clause bénéficiaire.

Distinguer «héritier» et «héritier légal»

Enfin, en l’absence de conjoint et de descendants, la désignation «mes héritiers» reçoit application. La Cour de cassation a jugé que le terme «héritier» comprenait le légataire universel. Par conséquent, si le souscripteur a pris des dispositions testamentaires en instituant une personne légataire universelle, celle-ci recevra l’intégralité des actifs successoraux et l’intégralité des capitaux décès. Si le souscripteur souhaite que les membres de sa famille vivants au moment de son décès en soient les seuls bénéficiaires, le souscripteur précisera «mes héritiers légaux».

Eu égard à la fiscalité très lourde en matière successorale lorsque la transmission ne s’effectue pas en ligne directe ou au profit du conjoint, il est conseillé de tenir compte de cet impact fiscal dans la répartition des capitaux entre les futurs bénéficiaires. Il résulte de ce qui précède que la réflexion quant à la rédaction appropriée de la clause bénéficiaire des contrats d’assurance-vie doit être intégrée dans le cadre d’une approche patrimoniale globale.

 

Auteur

Isabelle Fleuret, avocat Counsel en droit du patrimoine

 

Assurance vie : attention à la rédaction de la clause bénéficiaire – Article paru dans LeRevenu.Com le 16 février 2016

 

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