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La Commission européenne demande à la France de mettre fin à l’exemption fiscale en faveur de ses ports

La Commission européenne demande à la France de mettre fin à l’exemption fiscale en faveur de ses ports

Par décision en date du 27 juillet 2017, la Commission européenne a demandé à la France de supprimer le régime d’exonération de l’impôt sur les sociétés (IS) instauré depuis 1942 au profit des ports, qu’elle estime contraire aux règles de l’Union européenne (UE) en matière d’aides d’Etat.

La Commission a estimé que cette mesure était incompatible avec le marché intérieur et a demandé à la France de soumettre les ports, à partir du 1er janvier 2018, aux mêmes règles d’IS que toutes les autres sociétés.

Ce régime remonte à la seconde guerre mondiale lorsque, en vue de faciliter la reconstitution des installations portuaires détruites par la guerre, des décisions ministérielles des 11 août 1942 et 27 avril 1943 ont exonéré d’impôts directs les ports autonomes (auxquels se sont substitués en 2008 les grands ports maritimes), les chambres de commerce maritimes, les chambres de commerce de l’intérieur gérant les installations portuaires, les municipalités concessionnaires de l’outillage public propriété de l’Etat ainsi que les entreprises que celles-ci ont pu se substituer pour l’exploitation de cet outillage.

Il s’agit donc d’une aide dite « existante », type d’aides à l’égard desquelles la Commission ne peut exiger que la suppression pour l’avenir sans pouvoir imposer leur récupération.

La Commission considère que l’exemption fiscale en cause procure aux ports français un avantage concurrentiel en violation des règles sur les aides d’Etat et ne poursuit pas un objectif clair d’intérêt public, tel que la promotion de la mobilité ou le transport multimodal. D’après la Commission, les économies ainsi générées pourraient être utilisées par les opérateurs portuaires pour financer tout type d’activité ou pour subventionner les prix facturés par les ports à leurs clients, au détriment des concurrents.

Cette décision s’inscrit dans un cadre plus général, la Commission ayant entamé depuis 2013 l’examen du fonctionnement et de la fiscalité des ports européens.

C’est ainsi qu’en janvier 2016, la Commission a considéré que l’exemption du droit des sociétés accordée aux ports néerlandais était une aide d’Etat incompatible avec le Traité et a ainsi demandé aux Pays-Bas de soumettre leurs ports à l’impôt sur les sociétés à partir du 1er janvier 2017 (communiqué du 21 janvier 2016).

Par ailleurs, par une autre décision rendue également le 27 juillet 2017, la Commission a demandé à la Belgique de supprimer l’exemption de l’impôt sur les sociétés dont bénéficient ses ports (procédure SA.38393). En effet, en Belgique, plusieurs ports maritimes et fluviaux ne sont pas assujettis au régime général d’imposition des sociétés mais à un régime spécifique, fondé sur une assiette différente et sur des taux d’imposition inférieurs à ceux qui s’appliquent aux autres entreprises exerçant leur activité en Belgique.

Les décisions belge et néerlandaise font actuellement l’objet de recours déposés devant le Tribunal de l’Union européenne. Dans ces conditions, il ne saurait être exclu que des opérateurs français du secteur portuaire décident, à l’instar de leurs homologues européens, de contester la légalité de la décision visant les ports français.

Enfin, et cela mérite d’être souligné, dans le communiqué de presse du 27 juillet 2017, publié à l’occasion de l’adoption de la décision française, la Commission a déclaré qu’elle continuerait d’évaluer le fonctionnement et la taxation des ports dans d’autres Etats membres « pour assurer des conditions de concurrence loyales dans le secteur portuaire de l’UE ».

Précisons qu’à l’heure même où elle exige la suppression des exemptions fiscales dont bénéficient les ports français, belges et néerlandais, la Commission européenne a été interrogée par le Parlement européen sur l’existence d’autres dispositifs d’aide d’Etat toujours en vigueur dans d’autres Etats membres, ce qui semble laisser entendre qu’en ne visant que certains Etats membres, les décisions récentes de la Commission conduiraient à créer des distorsions de concurrence.

 

Auteurs

Claire Vannini, avocat associé en droit de la concurrence national et européen

Eleni Moraïtou, avocat en droit de la concurrence national et européen

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