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Compétence territoriale des juridictions françaises en matière de vente sur Internet

Compétence territoriale des juridictions françaises en matière de vente sur Internet

La jurisprudence sur la compétence territoriale des juridictions françaises en matière de vente sur Internet a sensiblement évolué : après avoir largement admis cette compétence dès lors que le site était accessible sur le territoire français, la Cour de cassation semblait avoir plus récemment restreint la compétence des tribunaux français aux seules offres de vente destinées au public français.

Dans un arrêt récent, elle paraît revenir sur cette approche et écarter le critère restrictif de la destination : elle retient la compétence du juge français pour connaître de la violation d’une interdiction de vente en ligne réalisée via des sites marchands opérant dans d’autres Etats membres (Cass. com., 5 juillet 2017, n°14-16.737).

En l’espèce était alléguée la violation d’un contrat de distribution sélective de produits haut de gamme assorti d’une interdiction de revente sur Internet en dehors du réseau, le fournisseur reprochant à son distributeur d’avoir commercialisé lesdits produits via une place de marché. De son côté, le distributeur arguait d’une application discriminatoire de la clause litigieuse, les mêmes produits étant par ailleurs distribués sur plusieurs sites européens d’Amazon. Il avait donc assigné le fournisseur et Amazon devant les juridictions françaises pour obtenir le retrait de toute offre de ces produits sur les différents sites européens.

De manière classique, la cour d’appel de Paris avait décliné sa compétence pour connaître des demandes relatives aux sites d’Amazon opérant en dehors de la France, au motif que ces derniers ne visaient pas le public en France. Pour autant, la Cour de cassation avait décidé de saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) d’une question préjudicielle portant sur l’interprétation de l’article 5 point 3 du règlement 44/2001 du 22 décembre 2000 sur la compétence judiciaire, dit « Bruxelles I » (devenu l’article 7.2° du règlement « Bruxelles I bis » 1215/2012 du 12 décembre 2012), qui pose le principe de compétence du tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire : cet article doit-il être interprété en ce sens que, en cas de violation alléguée d’interdictions de revente hors d’un réseau de distribution sélective et via une place de marché, le distributeur agréé s’estimant lésé a la faculté d’introduire une action devant la juridiction sur le territoire duquel les contenus mis en ligne sont accessibles ou l’ont été ou faut-il qu’un autre lien de rattachement soit caractérisé ?

Pour la CJUE « le lieu où le dommage s’est produit doit être considéré comme étant le territoire de l’Etat membre qui protège ladite interdiction de vente au moyen de l’action concernée, territoire sur lequel le demandeur prétend avoir subi une réduction de ses ventes » (CJUE, 21 décembre 2016, C-618/15).

La Cour de cassation s’en remet à cette position, et censure la décision des juges d’appel. Ainsi, il suffit que le demandeur allègue un préjudice (réduction des ventes) subi sur le territoire français pour que le juge français soit compétent pour connaître d’une action en responsabilité pour violation d’une interdiction de revente hors réseau dirigée contre un site Internet situé dans un autre Etat membre (réparation du préjudice subi et cessation des offres litigieuses), peu important que ce site ne vise pas le public en France.

Cette solution, qui évince le critère de la destination, ne semble toutefois pas devoir être généralisée au-delà du contexte précis envisagé par la CJUE. En effet le lieu de matérialisation du dommage peut être apprécié différemment selon la nature du droit protégé (droits de la personnalité, droits de propriété intellectuelle, etc.).

 

Auteur

Elisabeth Flaicher-Maneval, avocat Counsel au sein du département de doctrine juridique

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