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Concurrence : réitération de pratiques d’éviction

Concurrence : réitération de pratiques d’éviction

En 2013, l’ADLC avait sanctionné EDF sur le fondement de l’article L.420-2 du Code de commerce pour des pratiques d’éviction mises en Å“uvre entre 2007 et 2009 sur le marché du photovoltaïque.

L’abus de position dominante avait consisté pour EDF à :

  • mettre à la disposition de ses filiales actives dans le secteur photovoltaïque, dans des conditions financières avantageuses, des moyens matériels et immatériels leur permettant de bénéficier de son image de marque et de sa notoriété ;
  • utiliser les données dont elle disposait en sa qualité de fournisseur historique d’électricité pour faciliter la commercialisation des offres de sa filiale, EDF ENR.

Lors de la fixation de l’amende, l’Autorité avait retenu la circonstance aggravante fondée sur la réitération de pratiques anticoncurrentielles, prévue à l’article L.464-2 du Code de commerce. En effet, EDF avait été sanctionnée en 2000 pour avoir, d’une part, proposé dans le cadre de l’obtention de la concession de la distribution d’électricité de la ville de Tourcoing, une offre à un prix particulièrement bas qui avait dissuadé la commune de procéder à un appel d’offres et permis à EDF de remporter le marché et, d’autre part, conclu avec des communes, des conventions d’éclairage public d’une durée excessive par rapport à l’importance des prestations en cause et des investissements réalisés qui comportaient des clauses de dénonciation, rendant le recours à un autre prestataire plus difficile.

La cour d’appel de Paris (arrêt du 21 mai 2015) avait confirmé l’abus de position dominante mais elle avait écarté la circonstance aggravante tirée de la réitération aux motifs que si les nouvelles pratiques, par leur combinaison et leur ampleur, avaient permis à EDF ENR d’acquérir très rapidement une position significative sur le marché grâce à des moyens que ne pouvaient répliquer ses concurrents, faussant ainsi la concurrence par les mérites, elles n’étaient ni identiques ni similaires, par leur objet ou leur effet, à celles pour lesquelles EDF avait été précédemment sanctionnée.

La Cour de cassation valide à son tour l’analyse des pratiques reprochées mais censure la cour d’appel de Paris sur le rejet de la circonstance aggravante tirée de la réitération. Elle énonce, au visa de l’article L.464-2 du Code de commerce, que « la circonstance aggravante fondée sur la réitération de pratiques anticoncurrentielles peut être retenue pour de nouvelles pratiques identiques ou similaires, par leur objet ou leurs effets, à celles ayant donné lieu au précédent constat d’infraction, sans que cette qualification n’exige une identité quant à la pratique mise en Å“uvre ou quant au marché concerné ». Dès lors qu’elle avait constaté qu’EDF avait déjà été sanctionnée sur le terrain de l’abus de position dominante au titre de pratiques ayant également eu pour effet de permettre à un opérateur dominant d’évincer des concurrents d’un marché, la Cour d’appel ne pouvait pas exclure la récidive.

Cette décision s’inscrit dans le fil de la jurisprudence de la Cour de cassation, mais également de la CJUE, excluant l’exigence d’une stricte identité des pratiques pour que la récidive soit caractérisée et retenant une acception particulièrement large de la notion. Un même effet d’éviction des pratiques suffit ainsi à caractériser la réitération de ces pratiques et partant à justifier la majoration du montant de l’amende.

Cass. com, 27 sept. 2017, n°15-20.087 et 15-20.291

 

Auteur

Elisabeth Flaicher-Maneval, avocat counsel au sein du département de doctrine juridique