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Selon le Conseil d’Etat, les lignes directrices d’une autorité de régulation ne sont pas exhaustives

Selon le Conseil d’Etat, les lignes directrices d’une autorité de régulation ne sont pas exhaustives

Dans un arrêt récent (CE, 20 mars 2017, n°401751), le Conseil d’État a jugé qu’une autorité de régulation doit tenir compte de l’ensemble des circonstances propres à la situation qui est soumise à son appréciation et peut à cet égard se fonder sur tout critère pertinent, quand bien même celui-ci ne serait pas prévu par les lignes directrices qu’elle a elle-même adoptées et publiées.


La société Starshipper avait déposé, sur le fondement de l’article L.3111-18 du Code des transports, auprès de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) une déclaration portant sur un service régulier interurbain de transport par autocar entre Brive-la-Gaillarde et Périgueux. La région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes avait saisi l’ARAFER d’un projet d’interdiction de ce service, au motif qu’il aurait porté une atteinte substantielle à l’équilibre économique de la ligne Brive-la-Gaillarde-Périgueux que la région organisait au titre du service public des transports express régionaux. Par un avis n°2016-070 du 18 mai 2016, l’ARAFER s’était prononcée défavorablement sur cette interdiction, ce qui avait conduit la région à solliciter l’annulation de cet avis par voie de recours pour excès de pouvoir.

A l’appui de cette demande d’annulation, la région soutenait que l’ARAFER avait fait une application inexacte des lignes directrices qu’elle avait adoptées en octobre 2015 concernant l’instruction des demandes d’interdiction ou de limitation des services routiers sur les liaisons régulières interurbaines par autocar inférieures ou égales à 100 kilomètres. Le Conseil d’État a jugé à cet égard que « si l’Autorité était tenue de suivre la méthode d’analyse qu’elle s’était ainsi donnée pour prendre l’avis contesté, il lui incombait, pour porter son appréciation sur le projet d’interdiction du service de la société de prendre en compte l’ensemble des circonstances pertinentes de la situation particulière qui lui était soumise ». En l’espèce donc, « si les lignes directrices applicables prévoyaient que l’analyse de la substituabilité entre le service conventionné et le service librement organisé au regard de certaines caractéristiques de l’offre et de la demande devait porter sur la comparaison des horaires, les fréquences journalières et hebdomadaires proposées et les temps de parcours, il incombait à l’Autorité, eu égard au projet qui lui était soumis, de prendre en compte également, pour apprécier de façon pertinente la substituabilité, la localisation des arrêts du service proposé par la société Starshipper ».

En la matière, le Conseil d’État est beaucoup plus souple que la Cour de justice de l’Union européenne qui considère de manière constante qu’en adoptant des règles de conduite et en annonçant, par leur publication, qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés, la Commission européenne s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime.

La règle ainsi énoncée trouve à s’appliquer aux lignes directrices adoptées par la Commission à la fois en matière d’aides d’État et de pratiques anticoncurrentielles. En effet, il est considéré que, dans le domaine spécifique des aides d’État, la Commission est tenue par les encadrements et les communications qu’elle adopte, dans la mesure où ils ne s’écartent pas des normes du traité (en dernier lieu, TUE, 9 décembre 2015, T-233/11 et T-262/11). La même obligation pèse sur la Commission lorsqu’elle adopte des lignes directrices afin de définir la méthode appliquée pour la détermination du montant des amendes infligées pour violation des règles de concurrence. Selon le juge européen, si ces lignes directrices ne sauraient être qualifiées de règle de droit à l’observation de laquelle la Commission serait, en tout cas, tenue, elles énoncent toutefois une règle de conduite indicative de la pratique à suivre dont la Commission ne peut s’écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec le principe d’égalité de traitement. Elles déterminent, de manière générale et abstraite, la méthodologie que la Commission s’est imposée aux fins de la fixation du montant des amendes et assurent, par conséquent, la sécurité juridique des entreprises (cf. en dernier lieu, TUE, 28 juin 2016, T-208/13).

 

Auteurs

Claire Vannini, avocat associé en droit de la concurrence national et européen

Eleni Moraïtou, avocat en droit de la concurrence national et européen

 

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