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Contrôle URSSAF : la mise en demeure qui ne mentionne pas le délai imparti au cotisant pour régulariser sa situation est nulle

Contrôle URSSAF : la mise en demeure qui ne mentionne pas le délai imparti au cotisant pour régulariser sa situation est nulle

Le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny a jugé, dans une décision du 23 juin 2017, qu’encourt la nullité une mise en demeure de l’URSSAF qui ne mentionne pas le délai imparti au cotisant pour régulariser sa situation, c’est-à-dire pour régler les cotisations réclamées.

Cette décision, qui s’inscrit dans un courant jurisprudentiel protecteur des droits des cotisants, fait une stricte application des textes qui régissent la procédure de contrôle.

Un courant jurisprudentiel favorable à la protection des droits des cotisants

Le Code de la sécurité sociale impose aux URSSAF de réaliser leurs contrôles en respectant une procédure contradictoire.

A cet égard, la Cour de cassation se montre particulièrement vigilante afin de protéger les droits des cotisants.

Ainsi et à titre d’exemple, à défaut d’avis de contrôle adressé par l’URSSAF au cotisant préalablement aux opérations de contrôle (et hors contrôles effectués pour rechercher des infractions de travail dissimulé), les redressements subséquents encourent la nullité (Cass. civ. 2e, 10 juillet 2008).

La même sanction est encourue lorsque l’avis de contrôle indique une date erronée pour la première visite de l’inspecteur (Cass. civ. 2e, 12 juillet 2012), ou s’abstient d’informer le cotisant de la possibilité d’être assisté par un conseil de son choix ainsi que de l’existence de la charte du cotisant contrôlé (Cass. civ. 2e, 18 septembre 2014).

De même, la lettre d’observations qui n’informe pas le cotisant de la faculté de se faire assister par le conseil de son choix est irrégulière, ce qui entraîne la nullité de l’ensemble des opérations de contrôle (Cass. civ. 2e, 10 octobre 2013).

S’inscrivant dans ce même courant, le décret du 8 juillet 2016 relatif au renforcement des droits des cotisants a notamment imposé aux URSSAF de motiver ou de préciser davantage les différents actes de la procédure de contrôle (lettre d’observations, réponse de l’URSSAF aux observations du cotisant, mise en demeure).

La mise en demeure doit, à peine de nullité, mentionner le délai d’un mois imparti au cotisant pour régulariser sa situation

Dans son jugement du 23 juin 2017 (encore susceptible d’appel à l’heure où nous rédigeons ces lignes), le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny a annulé une mise en demeure au motif qu’elle ne mentionnait pas le délai imparti au cotisant pour régulariser sa situation.

Le Tribunal fonde sa décision sur l’article L.244-2 du Code de la sécurité sociale, qui dispose que toute action ou poursuite est obligatoirement précédée d’une mise en demeure adressée par lettre recommandée à l’employeur ou au travailleur indépendant « l’invitant à régulariser sa situation dans le mois ».

Il rappelle également que la validité de la contrainte dépend de celle de la mise en demeure, puisque la contrainte ne peut être décernée au cotisant que si la mise en demeure est demeurée elle-même « sans effet au terme du délai d’un mois » (article R. 133-3 du Code de la sécurité sociale).

Dans le cadre de cette affaire, l’URSSAF faisait valoir le fait que son obligation d’information était satisfaite dès lors que sa mise en demeure mentionnait, dans son objet, l’article L. 244-2 du Code de la sécurité sociale.

Le Tribunal a rejeté cet argument : il a considéré que ce simple renvoi dans l’objet de la mise en demeure à l’article du Code de la sécurité sociale était insuffisant, et que le délai d’un mois imparti au cotisant pour régulariser sa situation devait être expressément mentionné.

Une décision parfaitement justifiée

La décision du Tribunal est parfaitement justifiée à plusieurs égards.

En premier lieu, elle fait une stricte application de l’article L. 244-2 précité du Code de la sécurité sociale.

En deuxième lieu, cette décision est conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation, qui a déjà jugé qu’une mise en demeure ne mentionnant pas le délai imparti pour régulariser sa situation est irrégulière (Cass. civ. 2e, 31 mai 2005).

En troisième lieu, cette décision est parfaitement conforme à l’arrêt de principe Deperne de la Cour de cassation, aux termes duquel « la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d’avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit lui permettre d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation » (Cass. soc. 19 mars 1992).

En effet, la mise en demeure qui ne précise pas de quel délai le cotisant dispose pour régulariser sa situation ne lui permet pas de connaître l’étendue de son obligation.

Enfin et de manière générale, il pèse sur l’URSSAF une obligation de transparence et de bonne information du cotisant.

Or, l’information dont il s’agit au cas particulier est primordiale pour la sauvegarde de ses intérêts puisque faute de réaction de sa part dans le mois suivant la réception de la mise en demeure, le cotisant peut se voir délivrer une contrainte par l’URSSAF, qui doit être contestée dans un délai de 15 jours faute de quoi elle a un effet exécutoire. La contrainte engendre en outre des frais qui sont, sauf exception, à la charge du débiteur.

Pour l’ensemble de ces raisons, il convient donc de saluer la décision du Tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny.

Nous précisons enfin que l’argument tiré de l’absence de mention de ce délai dans la mise en demeure, qui est sanctionnée par la nullité de l’acte, constitue une défense au fond qui peut donc être soulevée en tout état de cause, sans qu’il soit nécessaire au cotisant de prouver l’existence d’un préjudice.

 

Auteurs

Sandra Petit, avocat, spécialisée en matière de conseil et de contentieux pour des entreprises françaises et étrangères

Adélaïde Sayn, avocat, droit social

 

Contrôle URSSAF : la mise en demeure qui ne mentionne pas le délai imparti au cotisant pour régulariser sa situation est nulle – Article paru dans Les Echos Business le 25 juillet 2017
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