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Crédit d’impôt en faveur de la recherche collaborative : l’union fait le crédit !

Crédit d’impôt en faveur de la recherche collaborative : l’union fait le crédit !

La loi de finances pour 2022 a introduit un nouvel instrument fiscal visant à favoriser l’innovation : le crédit d’impôt en faveur de la recherche collaborative (« CICo »). Analogue au crédit d’impôt recherche (« CIR »), il s’en distingue principalement par l’objectif qui lui a été assigné par le législateur : inciter les entreprises à engager des travaux de R&D dans une logique de partenariat avec des organismes de recherche et de diffusion de la connaissance (« ORDC »). Ses modalités pratiques de mise en œuvre ont récemment été précisées par deux décrets du 15 juillet 2022(1).

1. Un levier fiscal favorable aux synergies scientifiques

Les dépenses liées à des opérations de recherche sous-traitées à des organismes publics n’étant plus retenues pour le double de leur montant pour les besoins du CIR depuis le 1er janvier 2022, le gouvernement a mis en place le CICo afin de préserver l’attractivité fiscale du recours aux ORDC. Il s’agit des organismes dont l’objectif premier est d’exercer, en toute indépendance, des activités de recherche fondamentale, de recherche industrielle ou de développement expérimental, ou de diffuser largement les résultats de ces activités (tels que les universités, instituts de recherche, agences de transfert de technologies, intermédiaires en innovation).

Ce dispositif s’adresse prioritairement aux startups et PME au sens communautaire, comme en témoignent le plafonnement des dépenses retenues à 6 millions d’euros (l’effet de seuil du CIR se déclenchant à partir de 100 millions d’euros) et le taux de 50 % qui leur est propre. Les entreprises de taille intermédiaires et les grandes entreprises pourront également bénéficier du CICo mais le taux du crédit d’impôt sera de 40 % des dépenses éligibles.

2. Un champ d’application identifié

Le CICo s’apparente à de nombreux égards au CIR : ainsi, les entreprises industrielles, commerciales ou agricoles peuvent bénéficier de ces deux crédits d’impôt et les opérations de recherche scientifique ou technique sont définies de manière identique dans les deux hypothèses (i.e., recherche fondamentale ou appliquée, développement expérimental). Par ailleurs, ces deux crédits d’impôt sont susceptibles de s’affranchir des frontières nationales : les travaux de recherche en cause doivent simplement être localisés au sein de l’Union européenne, de la Norvège, de l’Islande ou du Liechtenstein.

Hormis l’exigence de facturation par l’ORDC, les dépenses éligibles au CICo sont, par nature, identiques à celles retenues en matière de CIR : il peut s’agir de dépenses de matériel pour la réalisation d’opérations de recherche, de personnel ou de fonctionnement.

Comme le CIR, le CICo est indifférent aux dates de clôture des exercices et à leur durée : il est déterminé par référence au montant des dépenses éligibles facturées au cours de l’année civile. Aussi, il appartiendra aux entreprises ne clôturant pas leur exercice au 31 décembre de s’en tenir à la dernière année civile écoulée.

Cependant, à la différence du CIR, le CICo ne devrait pas a priori constituer un mécanisme pérenne : il ne s’applique qu’aux seules dépenses facturées au titre des contrats de collaboration conclus du 1er janvier 2022 et au 31 décembre 2025. Il appartient donc aux acteurs économiques désireux de mener des projets de recherche conformes à la philosophie du CICo de s’emparer de ce régime dès maintenant pour tirer pleinement parti des possibilités qu’il offre.

3. Une collaboration encadrée

Pour rappel, il appartient aux parties souhaitant s’engager dans une telle démarche de conclure, en amont des opérations de recherche, un contrat de R&D prévoyant un objectif commun, la répartition des travaux de recherche ainsi qu’une facturation des dépenses de recherche de l’ORDC à leur coût de revient.

Les contrats de collaboration reposent en outre sur l’idée d’un partage des risques et des résultats liés au projet et se distinguent de la sous-traitance classique en ce qu’ils établissent un partage des coûts, mais ne donnent pas lieu à la facturation, par les organismes de recherche, d’une marge commerciale, dès lors que les résultats mêmes du projet bénéficient à toutes les parties prenantes.

L’effectivité du caractère collaboratif des opérations de recherche tient principalement à (i) la possibilité pour l’ORDC de publier les résultats de ses propres recherches conduites dans le cadre de la collaboration avec l’entreprise, (ii) l’attribution à celui-ci d’une fraction des éventuels résultats et (iii) l’obligation qui lui incombe de supporter au moins 10 % des coûts totaux engagés.

4. Un agrément nécessaire

Les organismes de recherche susceptibles de facturer des sommes ouvrant droit au CICo doivent, au préalable, s’assurer de leur qualité d’organismes éligibles afin de permettre aux entreprises engagées avec eux dans une collaboration de recherche effective de pouvoir, sous conditions, en bénéficier.

A cet égard, outre la satisfaction de l’exigence préliminaire de titularité d’un agrément CIR en cours de validité, les organismes en cause doivent solliciter auprès de l’Administration la délivrance d’un deuxième agrément, propre au CICo. Plus précisément, il convient d’adresser, par voie dématérialisée, une demande en ce sens aux services centraux de Direction générale de la recherche et de l’innovation du ministère chargé de la recherche. Pour justifier de sa qualité d’ORDC, l’organisme peut alternativement fournir une attestation émanant de l’Agence nationale de la recherche qui reconnaît son statut ou, à défaut, le questionnaire simplifié disponible sur le site du ministère chargé de la recherche, comportant notamment des informations relatives à la nature de ses activités.

Une fois obtenu, l’agrément CICo est valable pour une durée de 3 ans, ou, si elle est inférieure, la durée résiduelle de l’agrément CIR. L’organisme de recherche peut en être déchu s’il ne peut plus être qualifié d’ORDC. L’agrément CICo doit, en principe, être sollicité avant le 31 mars de l’année considérée pour une première demande (le 30 septembre par exception pour 2022) ou avant la fin de la dernière année d’agrément en cas de renouvellement.

5. Des modalités déclaratives connues

Les entreprises souhaitant se prévaloir du CICo devront souscrire une déclaration spéciale conforme à un modèle établi par l’administration, au moment du dépôt du relevé de solde pour les entreprises relevant de l’impôt sur les sociétés, ou de la déclaration de résultat pour les autres. Utilisée pour le CIR, la déclaration n° 2069-A devrait être adaptée au CICo.

Comme le CIR, le CICo est imputé sur l’impôt dû au titre de l’année de facturation des dépenses de recherche prises en compte pour son calcul, après les prélèvements non-libératoires et les autres crédits d’impôt. L’éventuel excédent peut être utilisé pour le paiement de l’impôt dû au titre des trois années suivantes.

6. Un contrôle harmonisé

L’administration fiscale est en droit de vérifier la réalité de l’affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du CICo dans les mêmes conditions qu’en ce qui concerne le CIR. De même, dès lors que cette problématique est en litige, l’expertise technique des agents du ministère chargé de la recherche pourra également être sollicitée par l’administration fiscale dans le cadre d’un contrôle ou d’un contentieux devant le juge de l’impôt.

Autre traduction de la similarité procédurale du CICo et du CIR : le comité consultatif CIR devient le comité consultatif des crédits d’impôt pour dépenses de recherche. Sans trancher de question de droit, le comité sera donc compétent, tant pour le CIR que pour le CICo, pour se prononcer sur les faits concernant la réalité de l’affectation à la recherche ou à l’innovation, dès lors qu’elle a été remise en cause par l’administration fiscale au stade précontentieux.

Néanmoins, l’éligibilité au CICo n’est pas nécessairement qu’une source de litige. En effet, la voie du rescrit CIR pouvant également être empruntée, toute société peut sécuriser son bénéfice du CICo en déposant une demande de confirmation de l’éligibilité de son projet de recherche auprès de l’administration fiscale – liée pour l’avenir par sa réponse éventuellement favorable – au moins six mois avant la date limite de dépôt de la déclaration spéciale. L’absence de réponse dans les trois mois vaut accord.

7. Une mise en œuvre concrète

Des questions techniques demeurent. La définition du prix de revient de la prestation rendue par l’ORDC mériterait par exemple d’être précisée, de même que le sort des partenariats de long terme noués avant le 1er janvier 2022 recevant, après cette date, des applications contractuelles liées à des projets de recherche définis en aval. Gageons que l’administration fiscale apportera prochainement des éléments de réponse dans sa doctrine commentant le CICo.

 

(1)Décret n° 2022-1005 relatif au comité consultatif des crédits d’impôt pour dépenses de recherche et décret n° 2022-1006 pris pour l’application de l’article 244 quater B bis du CGI relatif au crédit d’impôt en faveur de la recherche collaborative.

Par Eva Aubry, avocate counsel, et Carl Le Sager, avocat, CMS Francis Lefebvre.

Article paru dans Option Finance le 10/10/2022

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