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Crédit d’impôt recherche (CIR) : panorama des évolutions intervenues en 2017

Crédit d’impôt recherche (CIR) : panorama des évolutions intervenues en 2017

L’efficacité et l’attractivité du crédit d’impôt recherche (CIR) sont régulièrement soulignées. Le dispositif, qui est le principal soutien aux activités de recherche et développement, a connu plusieurs évolutions en 2017 qu’il paraît utile de synthétiser.

1. Champ d’application du CIR

Deux jurisprudences méritent d’être rappelées :

  1. Par souci de conformité au droit de l’Union européenne, le champ d’application territorial du CIR avait été étendu, en 2004, aux opérations de recherche localisées dans un autre État membre de l’Union européenne. Le Conseil d’État (CE,26 juin 2017, n°410437, Société PalmElit) a cependant refusé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité qui reprochait au régime du CIR d’exclure de son champ d’application les dépenses correspondant à des opérations de recherches localisées dans un Etat tiers à l’Union européenne.
  2. Pour mémoire, le CIR collection est réservé aux entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir (CGI, article 244 quater B,II-h et i), c’est-à-dire aux entreprises qui exercent une activité concourant directement à la fabrication ou à la transformation de biens corporels mobiliers et pour laquelle le rôle des installations techniques, des matériels et outillages mis en oeuvre est prépondérant1. Le Conseil Constitutionnel (décision n°2016-609 QPC du 27 janvier 2017) a jugé que la différence de traitement entre les entreprises industrielles (éligibles) et les entreprises commerciales (non éligibles) est conforme à la Constitution. Dans la continuité, le Conseil d’État a précisé (CE, 26 juin 2017, n°390619, Société Le Tanneur et Cie) que le dispositif du CIR collection s’applique aux dépenses (exposées par une entreprise exerçant une activité industrielle dans le secteur du textile, de l’habillement et du cuir) qui sont liées à l’élaboration de nouvelles collections (en vue d’une production dans le cadre de cette activité). Dès lors, les dépenses engagées par les entreprises industrielles qui sont exclusivement liées à une activité de commercialisation ne sont pas éligibles au crédit d’impôt.

2. Dépenses éligibles

Quatre décisions retiennent selon nous l’attention :

  1. Le tribunal administratif de Montreuil avait jugé en 20162 que les abondements de l’entreprise au plan d’épargne entreprise et au plan d’épargne pour la retraite collectif entrent dans l’assiette du CIR. Par un jugement du 8 juin 2017, n°1604882, Sté Areva NP, le même tribunal précise que les indemnités de départ à la retraite ne peuvent quant à elles pas être considérées comme des dépenses de recherche, alors même qu’elles constituent un complément de salaire et entrent dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale, dès lors qu’elles se rattachent à l’ensemble de la carrière du salarié et non pas aux seules périodes pendant lesquelles il s’est consacré à des projets de recherche éligibles au CIR.
  2. Le Conseil d’Etat a jugé (CE, 25 janvier 2017, n°390652, Société Intuigo) que les rémunérations qu’une société prend en charge au titre du personnel mis à sa disposition par un tiers en vue d’effectuer, dans ses locaux et avec ses moyens, des opérations de recherche constituent des dépenses de personnel éligibles. Le Conseil d’Etat consacre ainsi la solution défendue par le rapporteur public, selon laquelle les dépenses directement liées à l’emploi de chercheurs et de techniciens de recherche affectés à des opérations de recherche matériellement réalisées au sein de l’entreprise constituent des dépenses de personnel éligibles, quel que soit le support juridique de cet emploi.
  3. La cour administrative d’appel de Paris a jugé (CAA Paris, 30 mai 2017, n°16PA00453 et n°16PA00455, Association Races de France) que :
    – la participation financière d’une association à un accord de consortium en vue de réaliser un projet de R&D cofinancé ne constituait pas une dépense de sous-traitance éligible,
    – les dépenses de personnel engagées par l’association qui relèvent du temps de pilotage des projets (domaine de la stratégie, de l’organisation, du suivi et de la coordination, participation à des comités de pilotage) ne sont pas éligibles au CIR.
  4. Enfin, les dotations aux amortissements des brevets acquis en vue de réaliser des opérations de recherche ouvrent droit au CIR en vertu de l’article 244 quater B du CGI. Le Conseil d’Etat, par un arrêt du 28 décembre 2017, n°399516, Société Terranere, juge que le législateur a en outre entendu faire bénéficier du CIR les dotations aux amortissements des droits d’exploitation attachés à une concession de brevets, lorsque ces droits présentent le caractère d’une immobilisation incorporelle.

3. Recevabilité de réclamations ayant trait au CIR

Si le montant du CIR obtenu par l’ensemble des sociétés d’un groupe reste calculé au niveau individuel, le Conseil d’Etat a n revanche jugé (CE, 10 mai 2017, n°395447, Sté Intelligent Electronics Systems) qu’en l’absence de mandat régulièrement confié par la société mère, une filiale intégrée n’est pas recevable à demander le remboursement de la créance de CIR du groupe. L’argument avancé pour permettre à la filiale de demander le remboursement est qu’une société membre d’un groupe intégré est tenue solidairement au paiement de l’IS dont elle serait redevable si elle n’était pas membre du groupe.

Cet argument n’a pas été retenu par le Conseil d’Etat qui juge qu’après le paiement de l’impôt, ou lorsque la demande tend au remboursement d’un crédit d’impôt, la réclamation introduite par la filiale intégrée n’est recevable que lorsqu’un mandat lui a été régulièrement confié par sa société mère.

Relevant que le CIR s’impute sur l’IS, le Conseil d’Etat a précisé dans un arrêt du 28 décembre 2016, Société Tyrol Acquisition 1, n°389954, que le contribuable qui a fait l’objet d’une procédure de reprise en matière d’impôt sur les sociétés au titre d’une année, peut réclamer un accroissement du CIR originellement déclaré au titre de cette même année, jusqu’au 31 décembre de la troisième année suivant celle de la notification de la proposition de rectifiation. En l’espèce, le Conseil d’État a jugé que le droit à réclamation de la société mère intégrante était rouvert par la réception d’une proposition de rectification par l’une de ses filiales ayant engagé les dépenses de recherche.

4. Modalités déclaratives

Par une mise à jour de sa base BOFIP du 4 janvier 20173, l’Administration rappelle certaines précisions relatives à la dématérialisation progressive des déclarations de crédits d’impôt. Les entreprises conservent ainsi un choix entre la procédure papier qui implique de déposer un exemplaire auprès de la DGFIP et du ministère chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et la procédure dématérialisée, qui ne requiert plus d’adresser une copie au ministère précité. Concernant les sociétés soumises à l’IR, le montant calculé du CIR doit être reporté sur la déclaration 2069 RCI-SDet 2042-C-PRO.

5. Saisine du comité consultatif du CIR

Le comité consultatif du CIR, compétent pour émettre un avis en cas de désaccord subsistant entre un contribuable et l’administration sur des rehaussements portant sur la réalité de l’affectation à la recherche des dépenses, avait été instauré (pour les propositions de rectification adressées depuis le 1er juillet 2016) pour tenter de trouver une solution alternative au recours devant le tribunal.

La pratique illustre que le comité fonctionne de façon assez similaire à la Commission des impôts directs. Ainsi, les parties peuvent déposer un mémoire devant le comité, en amont de la séance à intervenir. La séance elle-même est l’occasion d’un échange entre le contribuable et un expert du ministère, l’administration intervenant en second lieu pour donner son avis sur le litige. L’échange est court (rarement plus d’une heure) et par essence technique, ce dont il conviendra de tenir compte dans la préparation, et dans le choix des personnes présentes.

6. Impact du projet de directive ACCIS

Relevons enfin que le projet de directive ACCIS prévoit une super déduction en faveur des activités de recherche et développement.

Le taux de la déduction supplémentaire proposée serait de 50% pour les dépenses jusqu’à 20 millions d’euros et de 25% pour les dépenses au-delà de ce seuil.

Le Conseil des prélèvements obligatoires a alerté dernièrement sur la question de savoir comment le CIR pourrait cohabiter aux côtés de ce mécanisme de super-déduction, prévu pour s’imposer aux Etats membres.

Il conviendra donc d’être attentif aux discussions entre les Etats membres de l’Union européenne, ayant trait au sort des crédits d’impôt dans le contexte de cette nouvelle directive.

Notes

1 CE, 13 juin 2016, Sté Antik Batik, n°380490.
2 TA Montreuil 17-11-2016 n°1509742, Blue Solutions.
3 BOI-BIC-RICI-10-10-60 §5 à 30.

 

Auteurs

Christophe Leclère, avocat, droit fiscal

Adrien Sanvelian, avocat, droit fiscal

 

Crédit d’impôt recherche (CIR) : panorama des évolutions intervenues en 2017 – Article paru dans le magazine Option Finance le 12 mars 2018
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