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Des désordres futurs peuvent être garantis au titre de la responsabilité décennale des constructeurs

Des désordres futurs peuvent être garantis au titre de la responsabilité décennale des constructeurs

L’article 1792 du Code civil édicte, envers tout constructeur d’ouvrage, une garantie « des dommages même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination […] ».

Pour qu’un maître d’ouvrage puisse utilement invoquer la garantie décennale des constructeurs, le désordre doit être né, actuel et certain. Il doit remplir les conditions de gravité fixées par l’article 1792 du Code civil et apparaître dans le délai de dix ans à compter de la réception des travaux. En effet, l’article 1792-4-1 du Code civil dispose que « toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du présent code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux ou, en application de l’article 1792-3, à l’expiration du délai visé à cet article ». Il en résulte que le maître d’ouvrage doit assigner les constructeurs dans le délai de dix ans à compter de la réception des travaux pour pouvoir se prévaloir de la garantie décennale.

Aucun texte n’envisage le sort des désordres qui ne revêtent pas le caractère de gravité au jour de leur apparition mais qui risquent de rendre l’immeuble impropre à sa destination dans le futur.

L’arrêt commenté vient rappeler les conditions dans lesquelles des désordres dits futurs peuvent être garantis au titre de la responsabilité décennale des constructeurs.

En l’espèce, deux époux avaient confié en janvier 2008 à une entreprise la réalisation de divers travaux de ravalement, menuiserie et zinguerie portant sur une maison. La réception tacite des travaux avait été fixée au 17 juillet 2008. Ayant constaté des désordres dans la réalisation des travaux, ils ont sollicité en référé une expertise judiciaire. L’expert judiciaire a déposé son rapport en février 2010.

Il résulte de ce rapport que les désordres consistent en d’importantes fissurations laissant apparaître l’enduit de ragréage resté sous forme pâteuse et sont généralisés sur l’ensemble des façades de la maison.

Toutefois, il conclut qu’« actuellement la solidité de l’immeuble n’est pas compromise, aucun des désordres décrits […] n’altère la stabilité et la pérennité de l’ouvrage, les fissures ne présentent pas de caractère infiltrant, néanmoins ce type de désordre et principalement les fissures horizontales vont s’aggraver et évoluer d’une manière certaine à l’intérieur du délai d’épreuve décennal, de simples fissures à caractère inesthétique à des désordres plus importants avec infiltrations qui limiteront la notion de propriété à destination de l’ouvrage ».

Malgré les termes de ce rapport, la cour d’appel de Rennes avait rejeté les demandes des époux fondées sur la garantie décennale, considérant que les désordres ne rendaient pas l’ouvrage impropre à sa destination et ne compromettaient pas la solidité de l’immeuble.

La Cour de cassation a cassé l’arrêt en rappelant que les juges doivent prendre en compte les conclusions de l’expert judiciaire selon lesquelles les désordres atteindront, de manière certaine et avant l’expiration du délai décennal, la gravité de nature à justifier l’application de la garantie décennale au sens de l’article 1792 du Code civil.

Cet arrêt s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle les dommages qui apparaîtront avec certitude dans le délai de dix ans à compter de la réception des travaux et qui remplissent les conditions de gravité fixées par l’article 1792 du Code civil sont couverts par la responsabilité décennale des constructeurs (Cass. 3e civ., 3 décembre 2002, n°01-13.855 ; Cass. 3e civ., 29 janvier 2003, n°00-21.091 ; Cass. 3e civ., 31 mars 2005, n°03-15.766 ; Cass. 3e civ., 21 octobre 2009, n°08-15.136). Ces désordres qualifiés de futurs doivent être distingués des désordres dits évolutifs.

 

Cass. 3e civ., 18 mai 2017, n°16-16.006

 

Auteur

Arnaud Valverde, avocat en droit immobilier