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Don alimentaire : donnez, donnez, le fisc vous le rendra (ou pas)

Don alimentaire : donnez, donnez, le fisc vous le rendra (ou pas)

L’Administration vient de mettre à jour ses commentaires au BOFiP sur le régime de mécénat d’entreprise de l’article 238 bis du Code général des impôts («CGI»), qui donne droit à une réduction d’impôt égale à 60% des dons en numéraire ou en nature. Ces modifications censées s’inscrire dans les engagements pris «pour lutter efficacement contre le gaspillage alimentaire et faciliter les dons en nature» ne répondent pas à l’ensemble des attentes.

Les précisions que le BOFiP aurait pu apporter concernant la lutte contre le gaspillage alimentaire

Le projet de loi relative à la transition énergétique pour la croissante verte comportait plusieurs mesures de lutte contre le gaspillage alimentaire qui n’ont pas résisté à la censure du Conseil constitutionnel.

La Gouvernement a néanmoins obtenu des enseignes de la grande distribution leur engagement à reprendre les dispositions censurées dans le cadre d’une convention d’engagement volontaire qui prévoit notamment :

  • l’interdiction de détruire les invendus alimentaires consommables ;
  • l’impossibilité pour les fabricants d’interdire le don de produits de marque distributeur, et
  • la généralisation, pour toutes les enseignes de plus de 400 m², des conventions de don à une association caritative d’aide alimentaire habilitée.

Compte tenu de la mission humanitaire qui incombe aux associations caritatives habilitées et à supposer qu’elles respectent les conditions relatives à l’intérêt général (activité non lucrative, gestion désintéressée et ne pas profiter à un cercle restreint de personnes), les dons qu’elles perçoivent devraient conférer à l’entreprise une réduction d’impôt égale à 60% du don.

C’est du moins ce que Bercy a laissé entendre, par voie de communiqué de presse, non opposable en cas de contrôle fiscal, en ce qui concerne les producteurs de lait et d’œufs qui donneraient leurs invendus à des associations caritatives d’aide alimentaire, sans toutefois se référer expressément à l’article 238 bis du CGI.

Il aurait été souhaitable que ces annonces soient reprises dans le BOFiP commentant le régime du mécénat d’entreprise à l’occasion de sa mise à jour pour assurer une sécurité juridique.

Rappelons enfin que le régime de l’article 238 bis du CGI revêt un large champ d’application et n’a pas vocation à se limiter aux dons entre les enseignes de la grande distribution et les associations d’aide alimentaire.

Des précisions sur la distinction entre mécénat et parrainage

Le bénéfice de la réduction d’impôt de 60 % est réservé aux opérations de mécénat à l’exclusion de celles de parrainage.

Mécénat et parrainage procèdent de desseins différents : le premier relève d’une intention libérale quand le second constitue une prestation publicitaire destinée à promouvoir l’image de marque du parraineur dans un but commercial.

Le BOFiP mis à jour définit le mécénat «comme un soutien matériel ou financier apporté sans contrepartie directe ou indirecte de la part du bénéficiaire à une œuvre ou à une personne morale pour l’exercice d’activités présentant un intérêt général. En d’autres termes, le mécénat consiste à faire un don, en numéraire ou en nature, à un organisme d’intérêt général pour la conduite de ses activités sans attendre en retour de contrepartie équivalente» (BOI-BIC-RICI-20-30-10-20-20150805, n°120).

Le parrainage, en revanche, suppose que le versement de l’entreprise corresponde à la rémunération de la prestation de publicité rendue par l’organisme afin de promouvoir l’image du «parraineur».

L’administration fiscale rappelle que le caractère manifestement disproportionné du versement par rapport aux contreparties qui seraient accordées au mécène demeure le critère de distinction essentiel entre ces deux opérations mais cette notion n’est toutefois pas définie. Elle avait précisé à titre indicatif, dans le cadre de l’ancien régime de mécénat (qui se caractérisait alors par une déduction du résultat imposable), que la condition de disproportion était satisfaite lorsqu’existait un rapport de 1 à 4.

Cette précision louable n’avait pas retiré au critère de disproportion sa complexité dans la mesure où le donateur peut éprouver des difficultés pour apprécier des retombées économiques qui peuvent ne pas être immédiates.

Le BOFiP admet néanmoins que la mention du nom du donateur à l’exception de tout message publicitaire ne fasse pas perdre au versement sa nature de don.

La valorisation du don en nature lorsqu’il porte sur des denrées alimentaires

L’Administration maintient sa position, affirmée pour la première fois dans un rescrit du 3 juillet 2009, selon laquelle la valeur du don de produits alimentaires retenue pour l’assiette de la réduction d’impôt s’entend de la valeur d’inscription en stock c’est-à-dire la valeur nette comptable après prise en compte des provisions pour dépréciation.

En conséquence, un produit alimentaire entièrement provisionné, en raison de la proximité de sa date de péremption par exemple, ne donnerait droit à aucune réduction d’impôt, sa valeur nette comptable étant nulle.

A titre de consolation, le BOFiP maintient la possibilité pour le donateur de tenir compte des prestations en nature effectuées tel que le coût du transport des produits alimentaires restant à sa charge.

Cette position participe de l’idée que la valeur du don «doit correspondre au coût que représente, pour l’entreprise, la perte de ce bien».

Il est néanmoins permis de s’interroger sur la façon dont l’Administration voit les choses : si la société a perdu tout espoir de vendre le produit, ce dernier n’est pas pour autant dépourvu de valeur.

En pratique, lorsqu’une provision est enregistrée pour tenir compte de la faible perspective de vente des denrées alimentaires, la péremption des produits doit en principe s’accompagner de la reprise de cette provision devenue sans objet. Ces denrées doivent alors être retirées du stock de l’entreprise diminuant ainsi son bénéfice imposable.

Si la société privilégie le don des produits alimentaires à des organismes visés à l’article 238 bis du CGI, compte tenu du changement de destination des denrées, la provision devrait également être reprise. Fiscalement le don devrait être réintégré dans les bénéfices de la société mais elle constaterait par la même occasion une réduction d’impôt de 60%.

Il pourrait dès lors s’avérer plus profitable de donner que de jeter les invendus alimentaires. Mais si l’on s’en tient à la position de l’administration fiscale selon laquelle l’assiette du crédit d’impôt doit correspondre à la valeur nette comptable du bien donné après prise en compte des provisions, les entreprises ne trouveraient guère d’incitation à consentir le don de biens entièrement provisionnés, ce qui peut paraître contraire à l’objectif affiché du législateur.

En revanche, s’agissant de biens non intégralement provisionnés, pour un même montant perdu ou donné, la réduction d’impôt en cas de don procure en principe un avantage fiscal supérieur à la déduction du résultat fiscal pour perte.

Enfin, soulignons que pour les marchandises acquises et retirées du stock pour être données au titre d’un même exercice, hypothèse courante dans la distribution des biens alimentaires, aucune provision n’a pu être constatée à la clôture de l’exercice, si bien que leur prix de revient devrait alors servir de base pour la réduction d’impôt de 60%, ce qui pourrait être la règle générale.

Il est par ailleurs à noter que le BOFiP apporte une nouvelle limite lorsque le bénéficiaire n’accepte qu’une partie des dons en nature proposés ; l’assiette de la réduction d’impôt ne saurait dans ce cas excéder la seule valeur des dons acceptés.

Afin de permettre aux entreprises de justifier du versement consenti, le BOFiP prévoit que les organismes bénéficiaires des dons peuvent remettre un reçu suivant le modèle cerfa n°11580 conçu pour les dons des particuliers, étant précisé que la valorisation éventuellement inscrite relève de la seule responsabilité de l’entreprise donatrice.

Aspects pratiques du plafonnement de la réduction d’impôt

Le montant des versements pris en compte pour déterminer la réduction d’impôt est plafonné à 5‰ du chiffre d’affaires. L’excédent de versement, ainsi que la fraction de la réduction d’impôt qui ne pourrait être imputée au titre d’un exercice, sont reportables sur les cinq exercices suivants.

Ce plafonnement peut conduire l’entreprise donatrice à devoir se prêter à un calcul complexe afin de calibrer le montant des dons qu’elle entend effectuer en tenant compte de ses perspectives de chiffre d’affaires et de bénéfice imposable.

En effet, la réintégration extracomptable de la valeur du don s’accompagne d’un supplément d’imposition qui peut dépasser la réduction d’impôt imputable au titre de l’exercice de versement en raison de l’application du plafond.

Si le chiffre d’affaires futur de l’entreprise ne lui permet pas d’imputer l’intégralité du versement dans le délai de cinq exercices, l’opération pourrait s’avérer « perdante » pour elle, hypothèse qui peut notamment se rencontrer pour les PME, raison pour laquelle un récent rapport parlementaire présenté par le député Michel Herbillon suggère le rehaussement du plafond afin de rendre le régime de mécénat plus attractif pour les petites entreprises.

 

Auteurs

Jean-René Bénichou, avocat associé en matière de fiscalité directe

Vincent Forestier, avocat en fiscalité directe

 

Don alimentaire : donnez, donnez, le fisc vous le rendra (ou pas) – Article paru dans le magazine Option Finance le 5 octobre 2015