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Droit de veto dans les SAS : quand la jurisprudence conforte la pratique

Dans les SAS mises en place lors de LBO, on trouve très fréquemment des droits de veto au profit d’associés, voire de tiers. Ces droits peuvent susciter des difficultés de principe et de mise en oeuvre qu’il convient d’avoir à l’esprit.

Fréquent dans les LBO, notamment à la demande de l’investisseur financier souhaitant contrôler les opérations gui peuvent avoir une incidence sur la rentabilité de son investissement, le droit de veto permet en général à son titulaire (un associé ou un tiers) de s’opposer, si nécessaire, à certaines décisions (opération sur le capital, agrément d’un nouvel associé, etc.) visées communément dans un pacte, pour des raisons qui tiennent notamment à la confidentialité des rapports entre les associés, voire dans les statuts (en tant qu’avantage particulier ou dans le cadre d’une action de préférence, au golden share, prévoyant un droit de veto qui porte sur certaines décisions prédéfinies).

Des précautions à prendre

Dans les SAS, la doctrine majoritaire a admis la licéité du droit de veto. Pour autant, certaines précautions doivent être prises dans la rédaction de ces clauses pour éviter des difficultés de principe. Le droit de veto ne saurait porter atteinte au principe de compétence et de spécialité des organes sociaux (par exemple, un tiers, comme un président non associé, ne saurait pouvoir bloquer des décisions entraînant une modification des statuts, qui relèvent par nature de la compétence des associés). Il conviendra par ailleurs de limiter l’étendue du droit de veto à certaines décisions importantes pour l’investisseur ou stratégiques pour la société, afin que le titulaire du droit de veto ne puisse être considéré comme un dirigeant de fait et, en conséquence, voir sa responsabilité engagée à ce titre, notamment en cas de difficultés financières de la société. Il est à noter que les implications éventuelles en matière de droit de la concurrence devront parfois être envisagées.

Le droit de veto a également été reconnu par les tribunaux dans un arrêt récent de la Cour de cassation, du 19 novembre 2013. En l’espèce, les statuts avaient investi un directeur général de SAS avec les mêmes pouvoirs que le président «sous réserve du droit de veto attribué à ce dernier», sans autre précision. La société ayant été mise en redressement puis en liquidation judiciaire, le directeur général avait fait appel du jugement de conversion en liquidation, contre la volonté du président. Dans cette affaire, malgré la rédaction peu précise des statuts et une manifestation d’opposition du président qui n’avait pas été exprimée sous forme de veto, la cour d’appel a néanmoins reconnu que le droit de veto du président avait été exercé de de manière implicite. Ce litige souligne les difficultés potentielles de mise en oeuvre du droit de veto lorsque les statuts ne sont pas assez précis.

Un minimum de formalisme

Afin d’éviter toute difficulté d’interprétation quant à l’exercice du droit de veto, les statuts (et/ou le pacte) prévoiront utilement un minimum de formalisme pour l’exercice de ce droit (information du titulaire du droit de veto avant que la décision ne soit prise, notification de l’exercice du droit de veto par son titulaire, selon un formalisme et dans des délais à définir, etc.), si un formalisme n’a pas déjà été prévu pour consigner les décisions prises (et le résultat des votes) au sein des organes sociaux concernés, ce qui permettra par ailleurs de résoudre la  problématique de l’opposabilité aux tiers de l’exercice du droit de veto.

Enfin, une dernière précaution concerne l’exercice du droit de veto, qui ne doit pas être abusif ou contraire à l’intérêt social, afin d’éviter une action pour abus de minorité contre son titulaire et la nomination d’un mandataire en justice pour voter à sa place.

 

Auteur

Solveig Le Pichon, avocat en Corporate – Fusions & Acquisitions

 

Article paru dans le magazine Capital Finance le 28 avril 2014
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