Exécution du bail : le consentement, condition de validité du contrat, même et surtout pour un professionnel

13 septembre 2018
Le consentement est une condition de validité de tout contrat (article 1128 et article 1108 ancien du Code civil). Ce consentement doit exister et n’être vicié ni par l’erreur, ni par le dol ou la violence. Il est exigé à la conclusion tant du contrat qu’à celle de ses avenants.
La Cour de cassation a déjà jugé qu’un avenant était nul pour absence de consentement d’une des parties au motif qu’« il n’était pas établi qu[‘elle] ait eu connaissance du contenu et de la portée exacts du document au bas duquel [elle] a apposé sa signature » (Cass. 1e civ., 25 septembre 2013, n°12-23.197 à propos d’une personne physique souscripteur d’un contrat d’assurance-vie).
Néanmoins, ces principes ne sauraient avoir pour effet de protéger une partie inattentive, et ce d’autant plus si elle est habituée à la conclusion de baux commerciaux. C’est ce que souligne l’arrêt commenté ici (CA Versailles, 6 février 2018, n°16/05462). En l’espèce, les parties à un bail commercial avaient conclu un avenant qui, notamment, portait la durée du bail à dix années rendant, de ce seul fait, le loyer déplafonnable. Au cours de la huitième année, la société preneuse assigne le bailleur en nullité dudit avenant au motif que son consentement aurait été surpris. Selon elle, l’avenant aurait porté sur le seul choix d’un nouvel indice.
En première instance, le tribunal avait retenu l’absence de consentement du preneur en se fondant sur plusieurs éléments factuels tels que l’intitulé de la lettre envoyée par le bailleur (« lettre avenant passage à l’ILC ») et l’absence de mise en forme du texte de nature à mettre en garde le preneur sur la partie de l’avenant relative à la durée du bail.
La Cour d’appel infirme le jugement. Elle estime que la société, en tant que preneuse habituée des baux commerciaux et normalement attentive, ne pouvait se méprendre sur l’existence et la portée de la convention dès lors que l’avenant présentait un caractère succinct, toutes les stipulations présentaient la même taille et la mention de la modification de la durée du bail y figurait à deux reprises.
En conclusion, il est conseillé aux parties professionnelles d’être particulièrement vigilantes lors de la signature d’un avenant. Il leur sera fort difficile d’invoquer ultérieurement le seul titre d’un document, ou sa mise en forme prétendument trompeuse dès lors qu’il leur incombe de lire attentivement et intégralement le document avant de s’engager.
Auteurs
Jean-Luc Tixier, avocat associé, droit immobilier et droit public
Simon Estival, avocat, droit immobilier
Exécution du bail : le consentement, condition de validité du contrat, même et surtout pour un professionnel – Article paru dans la Lettre des baux commerciaux de juillet 2018
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