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Exit tax : le régime fait peau neuve en 2014

La loi de finances rectificative pour 2013 a apporté une série de modifications au régime de l’exit tax. Certaines vont dans le sens du durcissement, d’autres dans le sens de l’assouplissement et d’autres encore, dans le sens de la clarification. Revue des modifications.

Rappel du régime de l’exit tax

L’exit tax s’appliquait jusqu’en 2013 aux participations dépassant deux seuils alternatifs : 1% des bénéfices sociaux d’une société ou 1,3 M€. Ces seuils étaient calculés d’après les titres détenus par foyer fiscal. Etaient visés les titres de sociétés (françaises ou étrangères) qui ne sont pas à prépondérance immobilière. L’impôt était calculé sur les seuls titres détenus par la personne partant de France et était placé en sursis de paiement (automatiquement en cas de départ vers un pays membre de l’Union Européenne ou assimilé et sur demande dans les autres cas) et il était dégrevé dans certains cas.

I – Modifications prévues par la loi de finances rectificative pour 2013

Seuils d’application de l’exit tax

Principale mesure d’assouplissement, le seuil d’application en pourcentage de l’exit tax passe de 1% à 50%.

Il convient de ne point se réjouir trop vite : le seuil d’application en valeur de l’exit tax est rabaissé et passe de 1,3 M€ à 800.000 €. Par ailleurs, les titres de SICAV et de FCP, qui étaient placés auparavant hors du champ de l’exit tax, sont à présent visés par la loi.

Le nouveau texte est rédigé de telle manière que les titres détenus par le foyer fiscal sont pris en compte non seulement pour la vérification des seuils de participation, mais également pour le calcul de l’exit tax elle-même. Rédaction maladroite, certes, mais qui pourrait conduire à des effets fâcheux : Monsieur part de France, Madame et les enfants restent fiscalement résidents de France et sont titulaires de portefeuilles titres d’une valeur de 1 M€. Selon le texte de la loi, Monsieur sera assujetti à l’exit tax, sur la base d’un portefeuille qui ne lui appartient pas. Espérons que les commentaires administratifs à venir corrigeront cette maladresse de rédaction.

Durée de conservation

Le délai à l’issue duquel l’impôt sur les plus-values est automatiquement dégrevé passe de 8 à 15 ans. Il revient au contribuable de démontrer qu’il détient toujours les titres frappés d’exit tax à l’issue de ce délai.

L’augmentation du délai est significative. Le changement a cependant un volet positif : dans le cadre du régime antérieur, seul l’impôt sur le revenu était dégrevé. Les contributions sociales restaient potentiellement dues, quel que soit le délai de conservation des titres. La nouvelle rédaction des textes laisse penser que le dégrèvement d’office applicable au bout de 15 ans viserait également les contributions sociales, du fait de la modification de l’article L 136-6 al. 11 du Code de la sécurité sociale.

Elimination de la double imposition

La doctrine administrative antérieure est ici entérinée par le législateur. Lorsqu’une une personne cède les titres frappés d’exit tax après son départ de France et supporte un impôt sur la plus-value réalisée dans son nouvel Etat de résidence, cet impôt étranger est imputable en France dans l’ordre suivant :

  • l’impôt étranger est tout d’abord imputé sur les prélèvements sociaux résultant de l’exit tax
  • le reliquat est imputé sur l’impôt sur le revenu résultant de l’exit tax.

Moins-values

Voici une autre bonne nouvelle : l’article 167 bis du CGI permettait jusqu’à présent d’adapter l’exit tax à la plus-value effectivement réalisée par une personne qui cède les titres soumis à exit tax, après son départ de France.

Dorénavant, le texte permet également d’imputer la moins-value réalisée lors de la cession de titres soumis à exit tax sur la plus-value réalisée lors de la cession d’autres titres soumis à exit tax, lors de la cession de participations de plus de 25% dans une société française ou encore sur les plus-values qui seraient réalisées postérieurement à un retour en France.
Réciproquement, une moins-value réalisée lors de la cession de titres avant un départ de France ou, postérieurement, sur des participations de plus de 25% dans des sociétés françaises est imputable sur l’exit tax afférente à des titres cédés dans un délai de 10 ans.

Prise en compte du droit de l’Union européenne

L’article 167 bis du CGI est révisé sur plusieurs points pour rendre son contenu conforme au principe de respect de la liberté d’établissement, qui impose de ne pas traiter de façon défavorable un contribuable au seul motif qu’il transfère son domicile dans un autre Etat membre de l’Union européenne, en Islande ou en Norvège.

• Apport des titres frappés d’exit tax a une société
Un doute a pu exister quant à la neutralité fiscale d’un apport de titres frappés par l’exit tax, à un moment donc où le contribuable a quitté fiscalement la France. L’administration fiscale avait déjà rassuré en se prononçant par voie de rescrit en faveur de la neutralité fiscale de telles opérations d’apport.

Le législateur confirme cette neutralité en proposant une rédaction plus claire : l’apport de titres grevés d’exit tax postérieurement au départ ne met pas fin au sursis de paiement prévu par l’article 167 bis lorsqu’il ouvre droit au sursis d’imposition prévu par l’article 150-0 B du CGI (apport de titres à une société soumise à l’IS, offre publique, fusion, scission…) ou au report prévu par l’article 150-0 B ter du CGI (apport à une société contrôlée par l’apporteur).

• Donation de titres
Le texte en vigueur jusqu’en 2013 prévoyait qu’une donation des titres frappés d’exit tax entrainait la fin du sursis de paiement, sauf pour le contribuable à démontrer que la libéralité consentie avait un but non-exclusivement fiscal.

Le Conseil d’Etat a considéré que cette obligation probatoire est contraire à la liberté d’établissement au sein de l’Union Européenne (CE, 12 juillet 2013, n° 359995). Le législateur en a tenu compte et a modifié le texte : une personne quittant la France pour s’installer dans un pays membre de l’Union Européenne (ou un pays de l’Espace Economique Européen ayant conclu une convention qualifiante avec la France) n’a plus à démontrer le but non-fiscal de la donation effectuée.

En revanche, l’obligation probatoire est maintenue pour les personnes qui sont parties s’installer dans un autre Etat et elle a même été alourdie : la personne installée hors des pays qualifiants qui souhaite donner les titres frappés d’exit tax doit démontrer que la libéralité envisagée n’a pas «pour motif principal d’éluder l’impôt» correspondant à l’exit tax. Cette rédaction est une survivance de la tentative du législateur de modifier le régime de l‘abus de droit. La réforme de l’abus de droit a été censurée par le Conseil Constitutionnel, mais les modifications «satellites» n’ont pas nécessairement été corrigées. Ainsi, le nouveau texte de l’exit tax se réfère à une idée d’abus de droit censurée comme trop imprécise par le Conseil Constitutionnel. Riche terreau de contentieux à venir.

Obligations déclaratives nouvelles

Le contribuable doit désormais déclarer la nature ainsi que la date de l’événement entraînant le dégrèvement ou la restitution de l’exit tax et, à cette occasion, demander expressément le dégrèvement ou la restitution. Cette formalité doit avoir lieu l’année suivant la survenance de l’événement et dans le délai prévu à l’article 175 du CGI (date limite de déclaration des revenus).

II – Les conséquences de la réforme des plus-values mobilières

L’exit tax est modifiée afin de tirer les conséquences logiques de la réforme des plus-values mobilières par la loi de finances pour 2014.

Premièrement, l’article 167 bis du CGI ne comporte plus de référence au dispositif du report d’imposition des plus-values sous condition de remploi, l’article 150-0 D bis qui le prévoyait ayant été abrogé pour les gains réalisés à compter du 1er janvier 2014. Toutefois, les plus-values placées en report d’imposition au 31 décembre 2013 demeurent dans le champ de l’exit tax ; celle-ci peut donc être due en cas de non-respect des conditions prévues par cet article (art. 17 III in fine, LF 2014).

Deuxièmement, la loi de finances pour 2014 a modifié les taux de l’abattement pour durée de détention applicables aux plus-values de cession de valeurs mobilières en mettant en place un régime de droit commun (avec deux taux de 50 % et 65 %) et un régime incitatif (avec trois taux de 50%, 65% et 85%), les dirigeants d’entreprise partant à la retraite bénéficiant de surcroît d’un abattement forfaitaire de 500 000 €. L’article 167 bis du CGI est donc modifié afin de permettre la prise en compte des abattements applicables à la date du transfert de domicile hors de France. En cas de cession ultérieure des titres, c’est l’abattement sur toute la durée de détention qui sera pris en compte pour le calcul de la plus-value imposable.

Droit transitoire : le nouvel abattement de droit commun sur les plus-values s’applique à compter du 1er janvier 2013. Certes, le III de l’article 42 de la loi de finances rectificative pour 2013 énonce à titre de principe que la modification des règles de l’exit tax s’applique aux transferts de domicile intervenus à compter du 1er janvier 2014. Néanmoins, le nouveau texte ne modifie pas le renvoi fait par l’article 167 bis à l’article 150-0 D du CGI. Or le nouvel abattement prévu par l’article 150-0 D du CGI s’applique expressément aux cessions consenties en 2013. Les contribuables ayant transféré leur domicile à l’étranger en 2013 pourraient donc revendiquer le droit d’être traités de la même façon que ceux qui sont restés en France.

 

A propos de l’auteur

Dimitar Hadjiveltchev, avocat spécialisé en fiscalité internationale.

 

Article paru dans la revue Option Finance le 7 avril 2014