Exonération d’ISF sur l’immobilier d’entreprise : attention aux pièges
Parmi les différents régimes d’exonération d’ISF, celui qui concerne le plus les entrepreneurs est celui des biens professionnels. Il permet d’exclure de l’assiette de cet impôt les biens nécessaires à une activité professionnelle et les parts ou actions de la société dans laquelle le redevable exerce une fonction de direction.
Que l’activité soit exercée directement ou au travers d’une société, elle doit avoir une nature industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, ce qui exclut les activités civiles de gestion d’un patrimoine mobilier ou immobilier.
Il n’est pas rare que le chef d’entreprise détienne, directement ou au travers d’une SCI, les murs abritant l’activité de son entreprise. Ces derniers sont donnés en location à la société dont les titres constituent un bien professionnel exclu de l’assiette de l’ISF.
Or les immeubles donnés en location ne peuvent pas, en principe, être regardés comme des biens professionnels, sauf dans l’hypothèse où la location du bien, consentie directement par son propriétaire ou par une société dont il détient des droits sociaux, ne le prive pas de la possibilité d’utiliser les biens pour les besoins exclusifs de son activité professionnelle et sous réserve de certaines conditions.
L’exonération n’est possible que dans certaines limites et conditions
Première limite, évidente : l’immeuble ou les parts de SCI ne sont exonérés qu’à hauteur de la fraction de l’immeuble exclusivement utilisée pour les besoins de l’activité constituant le bien professionnel du propriétaire de l’immeuble ou des parts.
Seconde limite, plus subtile : selon l’Administration, l’immeuble ou les parts de SCI ne sont considérés comme un bien professionnel qu’en proportion des droits détenus par le redevable, son conjoint, son concubin notoire et leurs enfants mineurs dans la société opérationnelle qui prend l’immeuble en location.
Le redevable doit donc réintégrer dans l’assiette de son ISF la fraction de la valeur de l’immeuble (ou des parts de SCI) supérieure à son pourcentage de détention (à titre personnel et avec les membres de son foyer fiscal) dans la société opérationnelle constituant son bien professionnel.
Exemple : un contribuable détient avec les membres de son foyer 40% de la société A dont les titres constituent son bien professionnel. Il détient par ailleurs 50% des parts d’une SCI B dont l’unique actif est un immeuble d’une valeur de 1 M€ donné à bail à la société A. La SCI n’ayant pas de passif, sa valeur correspond à la valeur de l’immeuble.
La participation dans la SCI B, d’une valeur de 500 K€, ne peut constituer un bien professionnel qu’à hauteur de : 1M€ x 40 % = 400 K€.
Autre condition : l’Administration considère que l’exonération n’est possible que si les biens sont donnés en location à une société dont les titres constituent le bien professionnel. Cette condition, dont on comprend difficilement la raison, empêche ainsi l’exonération de la valeur de l’immeuble ou des parts de SCI lorsque celui-ci est donné en location à une filiale de ladite société. Pour les mêmes raisons, l’immeuble ne peut pas être exonéré s’il est donné en location à une holding passive au travers de laquelle le bien professionnel est détenu ou à une filiale d’une holding animatrice au niveau de laquelle les conditions de l’exonération au titre des biens professionnels ne sont pas remplies.
Détention de l’immeuble par la société qui constitue le bien professionnel ou une de ses filiales
Lorsque l’immeuble est inscrit au bilan de l’une quelconque des sociétés du groupe détenu par le redevable et est donné en location à une autre société du groupe, le caractère d’actif professionnel de l’immeuble ne sera démontré, selon l’Administration, que si la société preneuse est une filiale directe de la société bailleresse (ou inversement). Si tel n’est pas le cas, lorsque par exemple la location est consentie à une société sÅ“ur ou à une sous-filiale, la fraction de la valeur des titres, détenus par le redevable et constituant son bien professionnel, qui correspond à la valeur de l’immeuble ne peut pas bénéficier de l’exonération des biens professionnels.
Cette solution est toutefois à relativiser au regard de la récente jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. com. 20 octobre 2015) selon laquelle le principe d’exclusion des actifs sociaux non professionnels ne s’applique pas aux filiales et sous-filiales de la société dont les titres sont détenus par le redevable et constituent son bien professionnel. Les immeubles détenus par une filiale de la société bien professionnel ne seraient donc plus susceptibles d’être soumis à l’ISF, même si les conditions rappelées ci-dessus n’étaient pas satisfaites.
Il convient dès lors d’être prudent et de maîtriser ces restrictions lorsqu’il est envisagé d’acquérir, directement ou par une société, l’immeuble utilisé pour l’exploitation de l’entreprise qui constitue le bien professionnel.
Auteurs
Hubert Bresson, avocat associé en droit fiscal
Matthieu Lafont, avocat en matière de fiscalité directe