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Fermeture d’établissement ou cession d’entreprise : que reste-il des lois «Florange» et «Hamon» ?

Fermeture d’établissement ou cession d’entreprise : que reste-il des lois «Florange» et «Hamon» ?

Soucieux d’assurer la continuité des entreprises et d’éviter la désertification de bassins d’emplois, les pouvoirs publics ont mis en place deux dispositifs visant, l’un à favoriser la reprise d’entreprise par les salariés avec l’obligation de procéder à l’information des salariés avant toute cession (loi n°2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, dite « loi Hamon« ), et l’autre à contraindre les entreprises à chercher un repreneur avant toute fermeture d’établissement (loi n°2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l’économie réelle, dite « loi Florange« ).

Souvent modifiés par des textes législatifs et réglementaires qui en ont fait évoluer à plusieurs reprises les champs d’application, les régimes et les sanctions, ces deux dispositifs restent assez méconnus, et sont parfois même confondus. Il faut reconnaitre qu’ils ont pour point commun de faire peser une contrainte non négligeable sur l’employeur qui envisage de restructurer son entreprise. Compte tenu de la diversité des situations visées, ils méritent pourtant d’être, aujourd’hui encore, soigneusement distingués.

Projet de fermeture d’établissement : la loi Florange fait obligation de chercher un repreneur

Cette procédure a été mise en place pour contraindre les entreprises, d’au moins 1 000 salariés ou celles appartenant à un groupe d’au moins 1 000 salariés, à chercher des solutions de reprise -totale ou partielle- avant de procéder à la fermeture d’un établissement, dès lors qu’une telle opération est susceptible d’entrainer la mise en œuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).

Dans ce cas, l’employeur doit suivre une procédure spécifique, déclinée en plusieurs étapes :

  • information du CSE -ou du comité d’entreprise, et éventuellement des CSE ou comités d’établissement- sur le projet de fermeture de site, au plus tard à l’ouverture de la procédure de consultation des représentants du personnel sur un projet de PSE, ce qui suppose que les élus disposent des renseignements utiles notamment sur les raisons économiques, financières ou techniques du projet de fermeture, les actions envisagées pour trouver un repreneur, les possibilités pour les salariés de déposer une offre de reprise, les différents modèles de reprises possibles, et le droit pour le CSE -ou le CE- de recourir à un expert-comptable rémunéré par l’employeur ;
  • recherche d’un repreneur, à laquelle le CSE -ou le comité d’entreprise- peut être associé, ce qui suppose de lui donner accès aux informations communiquées aux entreprises candidates à la reprise de l’établissement (exceptées celles dont la communication serait de nature à porter atteinte aux intérêts de l’entreprise ou mettrait en péril la poursuite de l’ensemble de son activité), ainsi qu’aux éventuelles offres de reprise et aux réponses motivées de l’employeur, au plus tard à chaque fois dans un délai de huit jours, et pendant la procédure de consultation sur le projet de PSE ;
  • information par tout moyen des repreneurs potentiels du projet de cession, en leur communiquant notamment un document de présentation de l’établissement concerné ;
  • information de l’administration, en lui notifiant sans délai le projet de fermeture, avec l’ensemble des informations communiquées aux représentants du personnel, mais également le compte rendu de la première réunion du CSE -ou du comité d’entreprise- la désignation éventuelle d’un expert-comptable et le cas échéant, au terme de la procédure, un exemplaire du rapport final établi par l’employeur en l’absence de reprise ;
  • consultation des représentants du personnel, notamment sur les éventuelles offres de reprise, sur les raisons pour lesquelles l’employeur envisage éventuellement d’en accepter une, et le cas échéant sur le projet de licenciement collectif susceptible d’être mis en œuvre, étant précisé que le recueil d’avis des élus doit intervenir après l’accomplissement de toutes les démarches précitées.

Les conditions de mise en œuvre de ces obligations suscitent encore des interrogations, notamment en ce qui concerne leur champ d’application.

En effet, la procédure doit être engagée lorsque l’entreprise envisage la « fermeture d’un établissement » qui aurait pour conséquence un projet de licenciement collectif.

A cet égard, il a été précisé que l’établissement, au sens susvisé, correspond à toute entité économique assujettie à l’obligation de constituer un CSE d’établissement -ou un comité d’établissement- et que, constitue une « fermeture », la cessation complète d’activité d’un établissement qui a pour conséquence la mise en œuvre d’un PSE emportant un projet de licenciement collectif au niveau de l’établissement ou de l’entreprise.

Ainsi, certaines situations, bien qu’expressément prévues par le Code du travail au titre de la fermeture d’établissement, sont cependant assez délicates à appréhender. Tel est notamment le cas de « la fusion de plusieurs établissements en dehors de la zone d’emploi où ils étaient implantés », et du « transfert d’un établissement en dehors de sa zone d’emploi », ayant pour conséquence la mise en œuvre d’un PSE.

Et pour cause puisque l’employeur est alors contraint, au nom de la revitalisation de l’emploi dans un bassin donné, de chercher un repreneur – et ce, alors même que l’activité est poursuivie par l’entreprise.

Au-delà de la procédure particulièrement dense qui pèse sur l’employeur en cas de fermeture d’établissement, la détermination du champ d’application de ce dispositif de recherche d’un repreneur mérite donc une attention particulière.

Ce d’autant que l’enjeu est de taille puisque les actions engagées par l’employeur à ce titre conditionnent en principe la validation ou l’homologation du PSE soumis à l’administration en cas de réorganisation. Elles seront également prises en compte dans la convention de revitalisation.

Projet de vente d’entreprise : la loi Hamon fait obligation d’informer les salariés

Outre l’obligation qui lui est faite d’informer périodiquement -tous les trois ans- les salariés des possibilités de reprise de la société, toute entreprise de moins de 250 salariés est soumise à une obligation d’information de ses salariés, en cas de projet de vente d’un fonds de commerce ou d’une participation représentant plus de 50% des parts sociales, des actions ou valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital d’une société par action.

S’agissant singulièrement de l’obligation d’information relative à la vente d’une participation, il faut rappeler que celle-ci est réservée aux opérations portant plus de 50% des parts sociales, des actions ou valeurs mobilières. Elle ne s’applique donc pas lorsque la vente d’un bloc minoritaire a pour effet de conférer le contrôle de l’entreprise à l’acquéreur, ni -sauf fraude à la loi- lorsque cette prise de contrôle résulte de plusieurs ventes successives. Il en est de même en cas de vente au profit du conjoint, descendant ou ascendant, ou si l’entreprise est en redressement ou en liquidation judiciaire, ou si l’information périodique a eu lieu dans les 12 mois précédant la vente.

Lorsqu’elle est prévue, la mise en œuvre de l’obligation d’information préalable en cas de cession d’un fonds de commerce ou d’une participation portant sur plus de la moitié des parts ou actions, diffère selon la taille de l’entreprise.

Dans les entreprises de moins de 50 salariés ou dans lesquelles un procès-verbal de carence a été établi, l’employeur informe les salariés du projet de vente du fonds de commerce ou d’une participation majoritaire, au moins deux mois avant celle-ci, afin de leur permettre de présenter une offre d’achat. Lorsque, le propriétaire des titres n’est pas l’employeur, il notifie son intention à ce dernier, qui en informe les salariés.

Dans les entreprises dont l’effectif est compris entre 50 et 249 salariés, qui réalisent un chiffre d’affaires annuel maximum de 50 millions d’euros ou dont le total du bilan n’excède pas 43 millions d’euros, l’employeur, qu’il soit ou non propriétaire des parts sociales ou des actions, informe les salariés de la possibilité de présenter une offre d’achat, par tout moyen de nature à lui conférer date certaine, au plus tard lorsque le CSE -ou le comité d’entreprise- est informé et consulté sur le projet de vente.

Le vendeur est alors libre d’entrer ou non en négociation avec les salariés qui présentent une offre d’achat, et n’est tenu ni d’y répondre, ni de motiver son éventuel refus.

La vente doit, en tout état de cause, être réalisée dans les deux ans de l’expiration du délai de deux mois suivant l’information des salariés pour les entreprises de moins de 50 salariés, et à compter de l’information des salariés dans les autres entreprises.

Les sanctions encourues pour défaut d’information ont été atténuées, puisque la nullité de la vente initialement prévue par la loi de 2014 a été déclarée inconstitutionnelle (Cons. Constit., QPC, n°015-746, 17 juillet 2015). L’employeur encourt néanmoins une amende civile d’un montant maximal égal à 2% de la vente si les salariés intentent à son encontre une action en responsabilité civile. Cette amende s’ajoute aux dommages et intérêts que le vendeur ou le chef d’entreprise pourrait éventuellement être tenu de verser aux salariés en cas de faute de sa part leur causant un préjudice.

En conclusion, si le champ d’application et le régime juridique des dispositifs issus des lois « Hamon » et « Florange » semblent désormais stabilisés, il reste à démontrer qu’ils constituent une réponse pertinente à la préoccupation du législateur d’assurer la pérennité des entreprises.

 

Auteurs

Florence Bonnet-Mantoux, avocat. en droit social

Béatrice Taillardat Pietri, adjoint du Responsable de la doctrine sociale

 

 

Fermeture d’établissement ou cession d’entreprise : que reste-il des lois « Florange » et « Hamon » ? – Article paru dans Les Echos Exécutives le 15 octobre 2018

 

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