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Imputation des frais de siège des entreprises françaises à leurs établissements stables en Algérie

Imputation des frais de siège des entreprises françaises à leurs établissements stables en Algérie

Une problématique à anticiper
La question de l’imputation des frais de siège demeure, sans aucun doute, un sujet majeur de l’actualité fiscale algérienne. En effet, le risque de rejet de la déductibilité de tout ou partie des frais de siège portés dans les charges des établissements stables sis en Algérie paraît assez important.

Pour preuve, les différents contrôles fiscaux laissent transparaître une assez forte propension de l’administration à contester la déductibilité fiscale de ces frais.

Nous aborderons successivement le traitement fiscal des frais de siège et les précautions à prendre pour tenter de «sécuriser» leur déductibilité fiscale.

Traitement fiscal

La problématique des frais de siège sera analysée tant sur le plan des règles de droit fiscal interne que des règles de droit conventionnel.

Dans l’ordre fiscal interne

Une notion mal appréhendée La notion de frais de siège demeure mal appréhendée en droit interne et pose des problématiques en matière de déductibilité de l’assiette de l’impôt sur les bénéfices des sociétés (IBS).

Absence de définition légale

Les frais de siège sont abordés par l’article 141 du Code des Impôts Directs et Taxes Assimilées (CDTCA) dans la section consacrée à la détermination du bénéfice net. Cependant, le législateur fiscal n’a pas jugé utile de définir les contours de la notion de frais de siège. Nous verrons plus loin que l’absence de définition légale a entraîné des confusions de concepts et partant, une pratique administrative qui s’est progressivement éloignée des textes.

Imprécision de la définition doctrinale

Selon la doctrine administrative1, les frais de siège «s’entendent» des frais généraux d’administration et de direction générale, telles que «les dépenses de direction, (jetons de présence, charges sociales des services administratifs et de la direction générale,les dépenses ou frais de tenue et contrôle de comptabilité».

Cette définition («frais généraux d’administration et de direction générale») conduit à notre sens à bien distinguer frais de siège et frais directs engagés par le siège de la société au profit direct et exclusif de son établissement stable sis en Algérie. Mais cette distinction n’est pas toujours bien appréhendée par l’administration, qui rattache parfois les frais directs aux frais de siège.

De même, elle ne permet pas de lever totalement la fréquente confusion entre frais de siège et «management fees».

En réalité, la notion de frais de siège suppose que l’on soit en présence d’une même société, c’est-à-dire d’une même entité juridique, dont le siège est en dehors d’Algérie et qui a ouvert un établissement imposable à l’impôt sur les bénéfices des sociétés (IBS) en Algérie.

Par ailleurs, les frais de siège constituent des frais engagés par le siège de l’entité au profit de l’ensemble des établissements de cette entité et se distinguent donc des frais directs que le siège (ou l’un des établissements de l’entité) engage au profit exclusif d’un établissement.

Il s’ensuit que les frais de siège doivent être distingués des «management fees» et rémunérations d’assistance technique et/ou administrative, qui peuvent être facturés par une société mère sise en dehors d’Algérie à une filiale sise en Algérie. De telles rémunérations doivent correspondre à des services précis rendus par la société mère à sa filiale et leur montant doit être calculé de la même manière que le ferait un tiers n’ayant aucune relation autre que celle de prestataire à client avec la filiale en cause.

Problématiques de déductibilité

Agrément de transfert : L’article 141-1 du code des impôts directs, dans sa rédaction antérieure à la loi de finances pour 2008, conditionnait la déductibilité des frais de siège à la présentation de l’agrément de transfert délivré par les autorités financières. Comme, en règle générale, le montant payable en devises des contrats conclus par les sociétés en cause couvre les frais de siège et que ceux-ci, ne faisant l’objet, en tant que tels, d’aucun transfert de fonds vers l’étranger, il était impossible de satisfaire à cette condition qui ne tenait pas compte de l’évolution de la réglementation des changes.

La nouvelle rédaction, issue de la loi de finances pour 2008, a supprimé la condition de l’agrément de transfert. Néanmoins, il n’est pas rare de voir les services de vérification prononcer le rejet de la déductibilité des frais de siège au motif de l’absence d’agrément de transfert.

Conditions de déductibilité

Trois conditions semblent se dégager de la doctrine pour la déductibilité des frais de siège : leur justification, le caractère indispensable de ces frais à la gestion de l’établissement en Algérie et la limitation à 1% du chiffre d’affaires hors taxes au cours de l’exercice de leur engagement.

Dans l’ordre conventionnel 

Principe général de déductibilité 

Les dispositions de l’article 7, paragraphe 3, de la convention fiscale algéro-française2 prévoient de manière expresse l’absence de toute limitation dans la déductibilité des frais de siège, sous réserve de leur justification. Ce principe est clairement explicité dans les commentaires de l’administration fiscale française3 qui précise que «c’est bien désormais le principe de l’imputation du montant réel des dépenses engagées aux fins de l’établissement stable qui doit entrer en ligne de compte pour la détermination de son bénéfice».

Absence de limitation du montant déductible

Les conventions fiscales signées par l’Algérie ne prévoient généralement aucune limitation à la déductibilité du montant des frais de siège imputables à un établissement stable. Elles ne font pas non plus référence à la législation interne de chaque Etat signataire, ce qui permettrait à l’Algérie d’appliquer la limitation de droit interne.

Précautions à prendre

En vue de l’application des dispositions conventionnelles, il est important que les entreprises françaises fournissent à l’administration fiscale algérienne leurs certificats de résidence fiscale en France.

Renforcement du support justificatif

La circulaire administrative 05/MF/DGI/DLRF/LF08 précise que les frais de siège doivent être dûment justifiés et être en rapport avec l’activité de l’établissement stable. Pour justifier les modalités de calcul de la quote-part des charges imputées à l’établissement stable sis en Algérie, une attestation délivrée par le commissaire aux comptes de la société, voire pour les plus importantes sociétés par un cabinet d’audit de réputation internationale, devrait rassurer l’administration fiscale algérienne sur le montant des frais de siège déclaré.

En guise de conclusion, il semble important que les entreprises françaises anticipent la problématique de la déductibilité des frais de siège en s’assurant en amont que les dispositions conventionnelles leur sont applicables. Une confirmation écrite émanant de la Direction de la Législation et de la Réglementation Fiscales en Algérie, serait un moyen de sécurisation, notamment pour les contribuables relevant des services fiscaux de Wilaya.

Notes

1 Circulaire administrative05/MF/DGI/DLRF/LF08
2 Convention fiscale signée le 17 octobre 1999 entre l’Algérie et la France
3 BOI 14B-3-03 du 22 mai 2003. Il est à noter que l’administration fiscale algérienne n’a pas commenté les dispositions de la convention fiscale algéro-française

 

Auteur

Mourad Nabil Abdessemed, avocat, spécialisé en conseil et contentieux en matière de fiscalité internationale et fiscalité algérienne.

 

Imputation des frais de siège des entreprises françaises à leurs établissements stables en Algérie – Article paru dans le magazine Partenaires n°23 / Octobre-Décembre 2015
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