Indemnités de rupture du contrat de travail : quel traitement fiscal et social depuis le 1er janvier 2013 ?
23 mai 2013
Alors que le régime fiscal des indemnités de rupture connaît une grande stabilité depuis 2001, les prélèvements sociaux ont connu, entre 2011 et 2013, un alourdissement considérable, pour l’entreprise comme pour le salarié.
Depuis la fin de période transitoire qui s’est achevée le 31 décembre 2012, les indemnités de rupture font ainsi l’objet d’un régime social stabilisé, mais nettement moins avantageux que par le passé.
Nous nous en tiendrons ici aux indemnités versées en cas de licenciement ou de rupture conventionnelle, en excluant de l’analyse les indemnités versées à l’occasion de la mise à la retraite (hypothèse aujourd’hui marginale puisqu’elle n’est possible qu’au-delà de 65 ans et moyennant le versement d’une contribution patronale spécifique de 50 % !) et d’un départ volontaire dans le cadre d’un accord de GPEC (dissuadé depuis 2011 par un assujettissement fiscal et social dès le premier euro).
Stabilité du régime fiscal
Depuis 2001, l’indemnité conventionnelle de licenciement, les indemnités versées dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) et les indemnités accordées par décision de justice sont totalement exonérées d’impôt sur le revenu.
Les autres indemnités de rupture (indemnités supplémentaires et transactionnelles, indemnité de rupture conventionnelle) ne sont en revanche exonérées d’impôt sur le revenu que pour la fraction du total des indemnités (y inclus donc, les indemnités exonérées) inférieure à une limite de :
- deux fois la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l’année civile précédant la rupture du contrat ;
- ou de 50 % de leur montant, si celui-ci est supérieur.
Dans l’un et l’autre de ces cas, le montant exonéré d’impôt sur le revenu ne peut excéder six fois le plafond annuel de la sécurité sociale (PASS), soit 222.192 € en 2013.
Alourdissement des prélèvements sociaux
La part soumise à l’impôt sur le revenu est automatiquement soumise à l’ensemble des cotisations de sécurité sociale et prélèvements sociaux dont l’assiette est alignée sur celle des cotisations de sécurité sociale.
Quant à la CSG et à la CRDS, ces prélèvements continuent de s’appliquer à l’ensemble des indemnités autres que l’indemnité conventionnelle de licenciement, à l’exception des indemnités prononcées par une décision de justice en cas de licenciement irrégulier ou sans cause réelle et sérieuse à concurrence du montant minimal prévu par la loi.
Sur ces deux points, pas de changement.
En revanche, depuis 2011, le plafond d’exonération applicable en matière de cotisations sociales a été progressivement réduit de 6 à 3 fois, puis à 2 fois le plafond annuel de la sécurité sociale depuis le 1er janvier 2013 (soit, si l’on retient le plafond fixé pour 2013, de 222.192 € à 74.064 € seulement).
Et ceci vaut pour toutes les indemnités de rupture, c’est-à-dire aussi bien pour les indemnités de licenciement versées en application de la convention collective, que pour celles versées dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi ou en exécution d’une décision de justice.
Et pour les indemnités de rupture dépassant 10 plafonds annuels (soit 370.320 € en 2013), les cotisations sociales s’appliquent sans aucune exonération dès le premier euro. Mieux vaut donc toucher un peu moins qu’à peine plus !
Enfin, depuis le 1er janvier 2013, si l’employeur et le salarié conviennent d’une rupture conventionnelle, la fraction de l’indemnité de rupture qui est exonérée de cotisations sociales est soumise au forfait social de 20 % à la charge de l’employeur.
Exemple concret
Prenons l’exemple d’un salarié dont la rémunération annuelle est de 50.000 €, licencié avec une indemnité de 100.000 €, dont une indemnité conventionnelle de licenciement de 50.000 € et une indemnité transactionnelle du même montant.
En 2013 comme en 2010, le salarié n’aura pas à payer d’impôt sur le revenu sur cette indemnité.
Mais sur le plan des cotisations sociales, il n’en va pas de même.
En 2010, ni l’employeur, ni le salarié n’avaient à payer de cotisations de sécurité sociale sur ces indemnités. Le salarié devait uniquement supporter un prélèvement de 8 % au titre de la CSG-CRDS sur la fraction excédant l’indemnité conventionnelle de licenciement par la convention collective. Le coût pour l’employeur (100.000 €) était donc proche du montant du chèque que percevait le salarié (96.120 €).
Les mêmes règles s’appliquaient au salarié qui négociait avec son employeur une rupture conventionnelle assortie d’une indemnité spécifique de rupture de 100.000 € (pour autant qu’il ne soit pas en droit de faire valoir ses droits à la retraite).
En 2013, en cas de licenciement : la part des indemnités qui excède 74.064 € (2 fois le PASS) est intégralement soumise à l’ensemble des cotisations sociales et prélèvements alignés ainsi qu’à la CSG et à la CRDS.
Il y a donc un coût supplémentaire pour l’employeur d’environ 12.000 € si l’on retient un taux de charges patronales de 45 %.
Quant au salarié, il ne percevra en net qu’environ 94.000 € (en prenant l’hypothèse d’un taux de charges salariales de 23 %, y inclus la CSG et la CRDS).
Au final, le coût pour l’employeur est donc de 112.000 € et le chèque perçu par le salarié de 94.000 €.
En cas de rupture conventionnelle : au coût ci-dessus, s’ajoute pour l’employeur le forfait social de 20 % sur les 74.064 € exonérés de cotisations sociales, soit un coût supplémentaire de 14.812 €.
Au final, le coût de la rupture conventionnelle pour l’employeur est de l’ordre de 126.000 € alors que le chèque perçu par le salarié n’est que d’environ 94.000 €.
Pour des montants supérieurs, l’écart est encore plus important, en proportion et dans l’absolu.
Des négociations rendues plus complexes
Cet accroissement des prélèvements sociaux a pour résultat de rendre plus difficiles les arrangements entre employeurs et salariés. A montant identique, la rupture conventionnelle revient par ailleurs plus cher que le licenciement.
Il prive aussi d’efficacité certaines pratiques traditionnelles, encore profondément ancrées dans les esprits. Au-delà de deux fois le plafond annuel de la sécurité sociale, il n’y a plus de distinction à opérer entre indemnité conventionnelle de licenciement et indemnité transactionnelle. Il en va de même pour les indemnités fixées par décision de justice ou versées dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi, même si leur régime reste avantageux du point de vue fiscal.
Cela contribue sans doute à expliquer la montée dans le contentieux et les négociations transactionnelles de nouvelles demandes d’indemnisation (perte d’une chance, travail dissimulé, etc.).
A propos de l’auteur
Raphaël Bordier, avocat associé. Il est spécialisé en droit social et soutient des organisations françaises, comme européennes et internationales. Plus spécifiquement, il intervient, en assistance au quotidien de client, au sein du cabinet, dans le domaine des relations collectives et individuelles du travail.
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