La réforme du stockage de gaz naturel

22 mars 2018
La réforme du stockage de gaz, rendue nécessaire par les risques de pénurie constatés au cours des derniers hivers et retardée avec le rejet par le Conseil d’État d’un précédent projet de loi en 2016, devrait être prochainement achevée.
Le Gouvernement avait fait le choix d’une loi d’habilitation, afin qu’il lui soit permis d’établir par ordonnance le nouveau cadre juridique avant le mois de mars 2018, de façon à ce que les fournisseurs de gaz connaissent leurs nouvelles obligations avant l’ »été gazier » et remplissent les stockages en prévision de l’hiver 2018-2019. Le Parlement a préféré adopter lui-même la réforme, à l’initiative du Sénat, dans le cadre de la loi n°2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement. Deux projets de décrets ont été soumis fin janvier 2018 au Conseil supérieur de l’énergie. Ils pourraient être publiés en avril, si l’on se fie à l’échéancier de mise en application de la loi.
La réforme a pour objet de rénover le cadre régulatoire du stockage du gaz naturel, notamment avec l’objectif de le rendre plus incitatif et ainsi de remédier aux difficultés rencontrées ces dernières années pour le remplissage des stockages de gaz naturel.
L’article L.421-5-1 nouveau du Code de l’énergie organise un système d’enchères publiques pour l’accès aux capacités de stockage, à l’image de ce qui existe en Italie depuis l’hiver 2013-2014. Le pilotage passe dans une large mesure du ministère de la Transition écologique et solidaire à la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Celle-ci élabore désormais la méthodologie des enchères et, notamment, « le calendrier de commercialisation des capacités, les prix de réserve des enchères, les produits commercialisés et le type d’enchères mises en œuvre ». Elle a également pour mission, en application de l’article L.421-16 du même Code, de surveiller les conditions d’accès aux installations de stockage souterrain et aux services auxiliaires.
En outre, l’article L.421-10 de ce Code, qui impose une séparation comptable entre les activités de transport et de stockage de gaz naturel, prévoit désormais une comptabilité séparée entre les infrastructures de stockage souterrain de gaz naturel qui garantissent la sécurité d’approvisionnement du territoire à moyen et long termes ainsi que le respect des accords bilatéraux, et les autres infrastructures. Surtout, ces comptabilités distinctes sont désormais soumises à des règles qui doivent être élaborées par la CRE.
La contribution du stockage de gaz naturel à la sécurité d’approvisionnement n’est donc plus assurée au premier chef par des obligations imposées aux fournisseurs sous le contrôle des autorités administratives, mais par l’entremise d’un mécanisme de marché fonctionnant dans un cadre régulé. Deux compléments aux enchères sont toutefois prévus, en amont et en aval.
Préalablement aux enchères, les gestionnaires de réseaux de transport -GRTgaz et TIGF- réserveront des capacités de stockage afin d’assurer l’exécution de leurs missions. Les capacités de stockage prévues par des accords bilatéraux conclus entre la France et des Etats membres de l’Union européenne ou de l’Association européenne de libre-échange (notamment la Suisse, un accord ayant été conclu en 2009) bénéficient également de réservations préalables à la mise au enchères des capacités. Dans ces deux hypothèses, la CRE fixe les modalités de commercialisation des capacités réservées.
Par ailleurs, si le volume minimal de capacités réservées, établi dans des conditions fixées par un décret pris en application de l’article L.421-6 du Code de l’énergie, n’est pas atteint, les opérateurs de stockage ou les fournisseurs se verront imposer la constitution de stocks complémentaires. Le mécanisme antérieur sera alors de nouveau appliqué : les opérateurs et fournisseurs ne satisfaisant pas à ces obligations seront passibles des sanctions prévues à l’article L.142-13 du Code de l’énergie, ainsi que d’une sanction pécuniaire qui ne saurait excéder le double de la valeur des stocks de gaz manquant, selon une méthodologie à déterminer par arrêté.
Auteurs
Christophe Barthélemy, avocat associé, droit de l’énergie et droit public
Marc Devedeix, avocat, droit de l’énergie
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