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Négociation collective dans les entreprises dépourvues de délégué syndical : des modalités « à la carte » dans les entreprises comptant entre 11 et 49 salariés

Négociation collective dans les entreprises dépourvues de délégué syndical : des modalités « à la carte » dans les entreprises comptant entre 11 et 49 salariés

Depuis la suppression de la disposition réservant la négociation avec les élus du personnel aux entreprises de moins de 200 salariés par la loi relative au dialogue social du 17 août 2015, toutes les entreprises dépourvues de délégué syndical, avaient accès à la négociation collective selon des modalités identiques.
L’ordonnance n°2017-1385 du 22 septembre 2017 réintroduit une distinction selon l’effectif de l’entreprise pour la détermination des modalités de la négociation conditionnant la validité des accords collectifs conclus.

Ainsi, si toutes les entreprises dépourvues de délégué syndical ont désormais accès à la négociation collective, les modalités diffèrent selon que leur effectif est inférieur à 11 salariés, compris entre 11 et 49 salariés, ou supérieur à 50 salariés. Cette distinction n’a pas pour objet de rendre plus contraignantes les règles de négociation dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, mais bien au contraire de les adapter à la taille de ces entreprises pour favoriser la négociation.

Le présent article propose un focus sur les règles de négociation dans les entreprises dont l’effectif est compris entre 11 salariés et 49 salariés, non dotées de délégués syndicaux.

Les nouvelles dispositions légales ouvrent aux entreprises de moins de 50 salariés un large panel d’outils leur permettant de négocier, qu’elles disposent ou non d’élus du personnel et leur donnant, dans certains cas, la possibilité de choisir librement les modalités de négociation les plus appropriées.

Négociation dans les entreprises comptant au moins 11 salariés et pourvues d’élus ainsi que dans les entreprises comptant au moins 21 salariés

En l’absence de délégué syndical dans l’entreprise ou l’établissement, l’article L.2232-23-1 du Code du travail reconnait aux entreprises, dont l’effectif est compris entre onze et moins de cinquante salariés, la possibilité de conclure des accords collectifs, mais aussi de les réviser et de les dénoncer.

Lorsque l’entreprise est pourvue d’élus du personnel, cette négociation peut avoir lieu, au choix de l’entreprise :

  • soit avec un ou plusieurs salariés, membre(s) ou non du comité social et économique (lorsque l’entreprise est dotée d’une telle institution), expressément mandaté par une organisation syndicale représentative dans la branche ou, à défaut, au niveau national interprofessionnel ;
  • soit par un ou des membres de la délégation du personnel au comité social et économique (ou du comité d’entreprise, délégués du personnel, ou délégation unique du personnel, selon le cas).
    En effet – contrairement à ce qui est prévu pour les entreprises d’au moins 50 salariés – l’ordonnance ne définit pas d’ordre de priorité s’agissant du recours à chacun de ces modes de négociation.

De la même manière, l’employeur n’a pas l’obligation d’informer les organisations syndicales représentatives dans la branche dont il relève ou, à défaut, les organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel, de sa décision d’engager des négociations.

Dans les entreprises comptant au moins 21 salariés et qui sont dépourvues d’élus du personnel, la négociation ne sera possible qu’avec un salarié mandaté par une organisation syndicale dans les conditions précitées.
La validité des accords collectifs est alors subordonnée :

  • pour les accords collectifs conclus avec le comité social et économique, à leur signature par des membres de la délégation du personnel, mandatés ou non, représentant la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles en faveur des membres du comité.

Lorsque la négociation s’est tenue avec le comité social économique central, la condition de majorité est appréciée en tenant compte du poids de chaque membre titulaire signataire lequel est égal au rapport entre le nombre de suffrages exprimés en sa faveur dans l’établissement et le nombre total des suffrages exprimés dans chaque établissement en faveur des membres de ce comité.

Notons que si le texte ne précise pas, s’agissant de la négociation avec le comité social et économique, que celle-ci se tient avec les membres titulaires contrairement à ce qui est prévu pour la négociation avec le comité central, il n’existe aucune raison pour que la qualité des négociateurs soit différente selon le niveau de négociation. Il y a donc lieu de considérer, quel que soit le niveau de négociation, que celle-ci doit se tenir avec des membres titulaires.

  • pour les accords conclus avec un salarié non élu, mandaté par une organisation syndicale, à leur approbation par les salariés à la majorité des suffrages exprimés.

Les modalités de cette consultation, qui doit avoir lieu dans un délai de deux mois à compter de la conclusion de l’accord, sont fixées par le décret n°2017-1551, du 10 novembre 2017( JO du 11) : organisation matérielle à la charge de l’employeur ; consultation pendant le temps de travail à bulletin secret ; détermination de la liste des salariés couverts par l’accord et devant être consultés). Un procès-verbal est établi à l’issue de la consultation, annexé à l’accord lors de son dépôt, et adressé à l’organisation syndicale qui a mandaté le salarié.

Ces dispositions sont applicables aux accords conclus après la publication du décret pris pour leur application.

Négociation dans les entreprises de moins de 21 salariés dépourvues d’élus du personnel

Par exception aux règles exposées ci-dessus, les dispositions du nouvel article L.2232-23 du Code du travail étendent aux entreprises, dont l’effectif est compris entre 11 et 20 salariés, la possibilité de conclure des accords collectifs selon les mêmes modalités que celles prévues pour les entreprises de moins de 11 salariés, lorsqu’elles sont dépourvues d’élus du personnel.

Ainsi, ces entreprises pourront proposer un accord à leurs salariés dont la validité sera subordonnée à son approbation par le personnel à la majorité des deux tiers.

Ces entreprises étant légalement soumises à l’obligation d’organiser des élections pour la mise en place d’un comité social et économique et cette modalité de négociation étant subordonnée à l’absence d’élus du personnel, il parait indispensable, bien que le texte ne le prévoit pas expressément (contrairement à ce qui est prévu pour les entreprises de plus de 50 salariés), qu’un procès-verbal de carence aux élections ait été établi.

En effet, en l’absence d’un tel procès-verbal, l’employeur s’exposerait non seulement à d’éventuelles sanctions pénales pour délit d’entrave (emprisonnement d’un an au plus et amende de 7 500 euros au plus), mais la validité de l’accord collectif lui-même pourrait être contestée, au motif qu’il a été conclu dans des conditions irrégulières.

Ces dispositions s’appliquent, comme pour les entreprises de moins de 11 salariés, aux accords conclus après la publication du décret pris pour leur application (décret n°2017-1767, 26 décembre 2017, JO du 28).

Par ailleurs, une nouvelle disposition, issue du projet de loi de ratification, prévoit que les accords collectifs, quelles qu’aient été leurs conditions de conclusion, y compris semble-t-il, lorsqu’ils ont été signés avec des délégués syndicaux, pourront être révisés ces modalités lorsque l’entreprise, postérieurement à leur conclusion, passe en dessous du seuil de 21 salariés et sont dépourvues d’élus du personnel.

En revanche, dès que l’entreprise atteint le seuil de 21 salariés, il ne lui est plus possible de recourir à cette modalité de négociation directe avec les salariés.

Si elle souhaite négocier, l’entreprise comptant au moins 21 salariés et dépourvue d’élus du personnel n’aura d’autre choix que d’engager la négociation avec un salarié expressément mandaté par une organisation syndicale représentative dans la branche ou, à défaut, au niveau national interprofessionnel, dans les conditions définies par l’article L.2232-23-1 du Code du travail.

Etendue du champ de la négociation collective

Le nouveau texte ouvre l’ensemble du champ de la négociation collective aux différents acteurs de la négociation sans délégué syndical à la différence de ce qui est prévu dans les entreprises d’au moins 50 salariés où la négociation, lorsqu’elle est menée avec un élu du personnel non mandaté, ne permet de négocier que sur les mesures dont la mise en œuvre nécessite un accord collectif.

Ainsi, quelle que soit la qualité des négociateurs – salarié mandaté par une organisation syndicale ou membre de la délégation du personnel au comité social et économique, mandaté ou non (ou à défaut du comité d’entreprise, des délégués du personnel ou de la délégation unique que personnel) – ils pourront négocier sur tous les thèmes.

Cette reconnaissance d’un droit à la négociation dans tous les domaines est d’autant plus importante que la loi reconnait aujourd’hui la primauté des accords d’entreprise sur les accords de branche ou interprofessionnels et permet aux entreprises de s’affranchir des contraintes résultant de ces accords, en concluant à leur niveau un accord collectif, sauf dans les domaines et dans les conditions limitativement énumérés par les articles L.2253-1 et L.2253-2 du Code du travail.

Depuis la loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail autorisant la négociation d’accord de réduction du temps de travail avec un salarié mandaté par une organisation syndicale et la loi du 4 mai 2004 sur le dialogue social qui, la première, a reconnu une possibilité de négociation d’accord collectif avec les élus du personnel, les textes successifs n’ont eu de cesse d’étendre et d’élargir le champ de la négociation dans les entreprises sans délégué syndical.

Pourtant, le développement de cette négociation est malgré tout resté timide.

Les ordonnances et la loi de ratification poursuivent cette construction en facilitant encore la conclusion de tels accords et en complétant ce dispositif pour y intégrer des dispositions concernant les modalités de leur révision et de leur dénonciation.

L’avenir nous dira si ces nouveaux aménagements de la négociation sans délégué syndical ont été suffisants pour favoriser l’essor de ces accords collectifs.

 

Auteurs

Béatrice Taillardat Pietri, adjoint du responsable de la doctrine sociale

Rodolphe Olivier, avocat associé, droit social

 

Négociation collective dans les entreprises dépourvues de délégué syndical : des modalités «à la carte» dans les entreprises comptant entre 11 et 49 salariés – Article paru dans Les Echos Exécutives le 19 mars 2018
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