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La révélation d’une faute grave de l’agent commercial postérieurement à la résiliation est privative d’indemnité : la Cour de cassation persiste et signe

La révélation d’une faute grave de l’agent commercial postérieurement à la résiliation est privative d’indemnité : la Cour de cassation persiste et signe

Par un arrêt en date du 24 novembre 2015, la Chambre commerciale de la Cour de cassation confirme que la faute grave de l’agent, même si elle n’a été révélée au mandant qu’après la résiliation du contrat, peut le priver d’indemnité dès lors qu’elle a été commise avant la rupture du contrat (Cass. com., 24 novembre 2015, n°14-17.747).

En l’espèce, un agent commercial s’était vu notifier la résiliation de son contrat d’agence pour plusieurs motifs (faiblesse des résultats par rapport aux objectifs, baisse du nombre de clients, défaut de signature de bons de commande entraînant des refus de règlement de clients) qui constituaient autant de manquements à ses obligations contractuelles. Assigné en paiement de l’indemnité de cessation du contrat par l’agent qui contestait l’existence de toute faute grave, le mandant avait alors invoqué qu’à la date de la rupture, le 8 mai 2009, l’agent ne l’avait pas averti de la procédure de redressement dont il était l’objet depuis le 3 avril 2009, et ce en violation grave des clauses du contrat qui l’obligeaient à l’informer des événements susceptibles d’affecter sa situation financière. La Cour d’appel ayant rejeté la demande indemnitaire de l’agent, celui-ci avait invoqué à l’appui de son pourvoi que cette obligation d’information était accessoire ; il ne s’agissait donc pas d’une obligation essentielle, dont la violation pouvait s’analyser en un manquement grave à l’obligation de loyauté dont est tenu l’agent. Le demandeur au pourvoi invoquait aussi adroitement que le manquement ayant été découvert après la rupture du contrat, il ne pouvait avoir motivé celle-ci et donc le priver de l’indemnité de fin de contrat.

La Cour de cassation a néanmoins rejeté le pourvoi. Elle juge que l’agent « avait sciemment dissimulé [au mandant] sa situation financière, qui était déjà très dégradée lors de la conclusion du contrat, puis sa mise en redressement judiciaire, en violation de l’obligation d’information essentielle dont [il] était tenue à l’égard de son mandant et de l’obligation de loyauté requise des parties à un contrat d’agence commerciale« . Ce faisant, l’agent « avait commis une faute grave privative de l’indemnité de cessation de contrat, peu important que [le mandant], qui n’avait découvert ces manquements que postérieurement à la rupture des relations contractuelles, n’en ait pas fait état dans sa lettre de résiliation, dès lors que cette faute avait été commise antérieurement à la rupture« .

Ainsi, la Cour de cassation confirme qu’il importe peu que la faute grave ne soit découverte qu’après la rupture du contrat dès lors qu’elle est antérieure à celle-ci (Cass. com., 1er juin 2010, n°09-14.115).

Cette solution peut sembler surprenante car a priori contraire à celle retenue par la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt Volvo (CJUE, 28 octobre 2010, C-203/09). Cette dernière était pourtant fondée sur une interprétation littérale et restrictive des textes qui établissent un lien de causalité entre la faute grave et la résiliation. En effet, la découverte après la rupture du contrat d’une faute commise pendant son exécution ne saurait justifier pour certains auteurs une résiliation pour faute grave puisque la faute en question n’est alors pas la cause de la rupture. Le seul tempérament à ce principe tient en ce que la Cour de justice admet néanmoins que le comportement de l’agent soit pris en considération pour déterminer le caractère équitable de son indemnité (arrêt précité, point 44). A défaut de pouvoir totalement priver l’agent commercial de son indemnité, il serait ainsi envisageable d’en réduire le montant.

En réalité, cette divergence semble s’expliquer par la disparité des faits soumis à la Cour de justice et à la Cour de cassation : dans l’arrêt Volvo, le manquement lui-même était postérieur à la notification de la résiliation, alors qu’en l’espèce, le manquement était antérieur à la résiliation, autrement dit la faute était déjà commise, seule sa révélation était postérieure.

Toutefois, la solution apportée à ce type de difficultés reste à suivre.

 

Auteur

Francine Van Doorne, Avocat-counsel, spécialisée en droit commercial et droit de la distribution