Image Image Image Image Image Image Image Image Image Image
Scroll to top

Haut

Lutte contre le gaspillage alimentaire : zoom sur un arrêt et une loi récents

Lutte contre le gaspillage alimentaire : zoom sur un arrêt et une loi récents

Le gaspillage alimentaire a été estimé par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) à 1,3 milliard de tonnes chaque année. Pour endiguer ce phénomène, la question de la réutilisation des invendus des magasins de commerce au détail alimentaire est devenue un sujet dont le législateur et la Cour de cassation se sont récemment saisis de manière concomitante.

La loi n°2016-138 du 11 février 2016 a ainsi étoffé le Code de l’environnement en introduisant une nouvelle sous-section intitulée « lutte contre le gaspillage alimentaire« .

Un nouvel article L.541-15-5 impose ainsi aux distributeurs du secteur alimentaire, de manière abstraite, de faire de l’utilisation des invendus propres à la consommation humaine, par le don ou la transformation, l’une de leurs priorités dans le cadre de la commercialisation des denrées alimentaires.

Plus concrètement, le nouveau dispositif prévoit que, sans préjudice des règles relatives à la sécurité sanitaire des aliments, les distributeurs du secteur alimentaire (grande distribution, commerces de proximité) ne peuvent délibérément rendre leurs invendus alimentaires encore consommables impropres à la consommation ou à toute autre forme de valorisation prévue par la loi (valorisation destinée à l’alimentation animale, utilisation à des fins de composts pour l’agriculture ou valorisation énergétique). Le non-respect de cette obligation est puni d’une amende pénale de 3 750 € (18 750 € pour les personnes morales) et, à titre de peine complémentaire, par la publication de la décision prononcée.

Le nouvel article L.541-15-6 du Code de l’environnement instaure par ailleurs l’obligation pour les grandes surfaces de proposer à une ou plusieurs associations caritatives habilitées de conclure une convention précisant les modalités selon lesquelles les denrées alimentaires leur sont cédées à titre gratuit.

Le don des denrées alimentaires impropres à la commercialisation mais encore consommables sera donc encadré pour les grandes surfaces par des contrats. Un décret doit encore venir préciser les modalités d’application de ce nouveau dispositif pour le rendre effectif.

De son côté, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a également contribué, par un arrêt du 15 décembre 2015 (n°14-84.906), à la réutilisation des invendus alimentaires.

La directrice salariée d’un magasin de vente au détail avait été condamnée pour vol par la cour d’appel de Dijon pour avoir soustrait des denrées alimentaires retirées de la vente et jetées à la poubelle.

La Cour de cassation casse cet arrêt considérant que le vol n’était pas constitué en l’espèce dès lors que, d’une part, les marchandises soustraites étaient devenues impropres à la commercialisation et qu’elles avaient été retirées de la vente et mises à la poubelle dans l’attente de leur destruction. Pour la Cour de cassation, ces éléments démontraient que l’entreprise propriétaire des biens avait clairement manifesté son intention de les abandonner.

D’autre part, le règlement intérieur qui interdisait aux salariés d’appréhender les biens litigieux « répondait à un autre objectif que la préservation des droits du propriétaire légitime » et était sans incidence sur la nature réelle de ces biens.

La Cour considère donc que les produits périmés ou invendables ainsi jetés à la poubelle sont devenus de ce fait des « res derelictae« , c’est-à-dire des biens abandonnés pouvant faire l’objet d’une appropriation.

En pratique, cette clarification du droit des biens a pour conséquence de faciliter la réutilisation des invendus alimentaires des magasins mettant ainsi fin à des situations parfois absurdes. Reste que des risques sanitaires pourraient survenir à défaut d’encadrement. L’adoption des nouvelles règles mises en place par la loi du 11 février 2016 (qui seront complétées par décret) prévoyant notamment l’obligation de définir contractuellement les modalités de cession à titre gratuit des denrées alimentaires semble à cet égard opportune.

 

Auteur

Amaury Le Bourdon, avocat en droit de la concurrence et droit de la distribution

Print Friendly, PDF & Email