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Le démarchage à l’heure de la digitalisation et des fintechs

Le démarchage à l’heure de la digitalisation et des fintechs

La réglementation sur le démarchage reste une contrainte pour les fintechs en ce qu’elle fixe des règles strictes lors de l’entrée en relation. Au-delà, les récentes positions de l’ESMA sur MIF 2 et l’ordonnance du 4 octobre 2017 vont également affecter la dynamique d’entrée en relation de ces acteurs.

A l’heure où les utilisateurs de services financiers recourent de plus en plus aux nouvelles  technologies, où les fintechs amènent à un repositionnement des acteurs et où de nouveaux modes de distribution à base de blockchains conduisent à revisiter certains principes jusqu’à présent jugés indépassables -tels que celui d’intermédiation par un tiers de confiance-, la réglementation sur le démarchage bancaire et financier, dont les fondements remontent à la loi du 28 mars 1885 sur les marchés à terme, peut apparaître comme une relique du droit bancaire et financier.

Associée à l’image caricaturale du démarcheur glissant son pied par l’entrebâillement d’une porte, elle reste pourtant un élément clé de l’architecture réglementaire de la commercialisation de produits financiers, qu’il s’agisse e services d’investissements, de services bancaires ou d’instruments financiers, auxquels les acteurs de la nouvelle économie, comme les établissements classiques, sont tenus de se conformer. En effet, la réglementation sur le démarchage dans le secteur financier fixe un cadre juridique non pas à un statut mais à l’acte même d’entrée en relation au sein d’un processus de vente réservé à des opérateurs autorisés. Elle n’opère pas de distinction entre les acteurs mais, au contraire, s’articule avec les autres champs réglementaires associés à la vente de produits financiers dont elle est le premier jalon. Le recours à l’automatisation et à la digitalisation par les fintechs n’exonère en rien de l’application de ce corps de règles mais, au contraire, oblige à articuler les process mis en oeuvre par les fintechs avec les autres dispositions légales qui leur sont applicables, notamment celles devant être introduites à l’occasion de l’entrée en application de la directive 2014/65/UE (la « directive MIF 2 ») le 3 janvier 2018.

Pourquoi la réglementation sur le démarchage reste-t-elle importante pour les fintechs ?

La première raison justifiant la prééminence de corps de règles peut être trouvée dans les lourdes sanctions attachées à sa violation : la nullité de l’opération et, dans certains cas, des sanctions pénales. La seconde est sans doute la relative simplicité de ses conditions d’application : sauf exception, la prise de contact en personne avec un prospect ou, lorsque réalisée à distance, la prise de contact à l’initiative d’un prestataire financier, entraîne l’application du régime. Enfin, ce texte fait régulièrement l’objet d’adaptations aux évolutions technologiques ; sa dernière modification par l’ordonnance n°2017-1433 du 4 octobre 2017 relative à la dématérialisation des relations contractuelles dans le secteur financier (l’’Ordonnance’) devant entrer en vigueur en même temps que la directive MIF2.

Le dispositif réglementaire est ainsi applicable dès lors que l’opération proposée correspond, à raison de ses caractéristiques, des risques ou des montants en cause, à des opérations que le prospect n’a pas pour habitude de réaliser, qu’il soit ou non client du prestataire. Cette applicabilité est indifférente au mode de communication utilisée ou à sa forme. En conséquence, les démarches effectuées par des automates d’appel ou autres (courriels,SMS, autres) sont susceptibles de relever du régime égal selon l’objet de la communication.

Pareillement, la préexistence d’une relation contractuelle n’a pas pour effet de libérer le prestataire de ses obligations d’information, de mise en garde ou d’accorder des délais de réflexion ou de rétractation à bénéfice de la personne démarchée.

Y a-t-il une particularité du démarchage pour ou par les fintechs ?

Ainsi, si les nouveaux modes de communications permettent une offre de services plus rapide, les professionnels les initiant n’en restent pas moins tenus desdites obligations dès lors que le client n’en a pas fait la demande. En conséquence, le fait de proposer l’accès à de nouveaux types de produits ou de services au travers d’une nouvelle application sur téléphone, ordinateur ou tablette, ou simplement à l’occasion de la mise à jour d’une application existante, est susceptible de caractériser une offre relevant de la réglementation sur le démarchage.

Enfin, il faut noter que le régulateur français a très tôt pris en compte les évolutions induites par Internet et met régulièrement à jour sa doctrine sur le recours à ces nouveaux modes de communications, parfois en étendant la notion de démarchage à des activités ou modes de promotion à distance que l’on aurait pu imaginer comme non affectés (notamment à l’occasion de ses travaux sur l’interdiction de la publicité pour les produits de type contract for differences dans le texte de la loi Sapin 2 promulguée le 9 décembre 2016).

En particulier, compte tenu du durcissement es règles en matière d’évaluation du  caractère adéquat ou approprié d’un produit ou service d’investissement, l’acte de démarchage électronique s’il se double d’une recommandation personnalisée sur un tel service ou produit doit nécessairement impliquer la mise en oeuvre de l’ensemble des processus habituels prévus par la directive MIF2 mais d’une manière adaptée à ces nouveaux modes de fourniture de services, comme l’a souligné la European Securities and Markets Authority (l’ »ESMA ») dans ses Guidelines on certain aspects of the MiFID II  suitability requirements du 13 juillet 2017(les « Guidelines« ).

Si les nouveaux modes de communication permettent une offre de services plus rapide, les professionnels les initiant n’en restent pas moins tenus à des obligations strictes dès lors que le client n’en a pas fait la demande.

L’ESMA note ainsi dans ses Guidelines que l’absence d’interactions humaines et son impact, au prisme de l’analyse comportementale, imposent pour les acteurs concernés un travail particulier de rédaction afin d’éviter de susciter des biais dans les réponses des prospects ou clients. En d’autres termes, si la digitalisation et les processus associés rendent l’accès au prospect plus rapide et permettent l’automatisation des processus de fourniture et de collecte d’informations, l’absence d’interactions humaines doit contraindre les acteurs une vigilance toute particulière sur la forme que doivent adopter les questions posées aux clients ou prospects, particulièrement en termes d’intelligibilité et de clarté.

Comment la réglementation sur le démarchage évoluet-elle grâce à la digitalisation ?

Si la réglementation sur le démarchage contraint les fintechs, elle facilite aussi les nouveaux modes de communication en reconnaissant leur particularité, en particulier le caractère immatériel des supports d’information. L’Ordonnance introduit ainsi, à compter de l’entrée en vigueur de la directive MIF 2, la possibilité de remise d’informations sur support dématérialisé, quand bien même l’entrée en relation aura été faite en « face-à-face » à l’occasion d’une rencontre physique entre le démarcheur et le prospect. Pour autant que le client ait donné son accord, l’information réglementaire, voire le contrat liant les parties, pourra être remis sur support durable défini comme « un instrument offrant au client ou au professionnel la possibilité de stocker des informations qui lui sont  adressées personnellement afin de pouvoir s’y reporter ultérieurement pendant un laps de temps adapté aux fins auxquelles les informations sont destinées, et qui permet la reproduction à l’identique des informations conservées ».

L’Ordonnance organise également la poursuite de la relation au  travers de ces modes dématérialisés post-démarchage. Le professionnel devra ainsi, s’il souhaite poursuivre une relation contractuelle avec un client sur un autre support durable que le papier, s’assurer annuellement du caractère approprié de ce mode de communication, une telle vérification étant d’autant plus importante si, durant la relation, ce professionnel prend l’initiative de présenter de nouveaux produits ou services que le client n’a pas l’habitude d’acquérir ou d’utiliser, chacune de ces initiatives constituant autant d’actes de démarchage.

Les bonnes pratiques à respecter

  • Identifier les phases de l’entrée en relation à l’occasion desquelles doivent être  mises en oeuvre les obligations spécifiques au démarchage.
  • Adopter des chartes graphiques claires et rédiger les informations et les questionnaires destinés aux clients/prospects de manière claire, précise, non trompeuse et dans un langage non biaisé afin d’obtenir des réponses objectives.
  • Renforcer la sécurité des processus de remise des informations aux clients et de recueil de leur consentement, notamment au regard des textes entrant en vigueur au 3 janvier 2018.
Auteurs

Karima Lachgar, Head of Market Intelligence & Regulatory Watch

Jérôme Sutour, avocat associé, responsable Services Financiers

 

Le démarchage à l’heure de la digitalisation et des fintechs – Article paru dans le magazine Option Finance le 16 octobre 2017

 

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