L’employeur peut-il consulter les SMS de ses salariés ?

25 mars 2015
Oui, l’employeur peut librement consulter les SMS envoyés ou reçus par le salarié au moyen du téléphone mis à sa disposition pour les besoins de son travail, sauf s’ils ont été identifiés comme personnels.
Telle est la solution apportée le 10 février 2015 par la chambre commerciale de la Cour de cassation qui, après avoir recueilli l’avis de la chambre sociale, transpose aux SMS la jurisprudence applicable aux emails et aux fichiers informatiques.
Production de SMS en justice et loyauté de la preuve
Les juges étaient saisis d’un différend opposant deux sociétés concurrentes, l’une reprochant à l’autre d’avoir provoqué la désorganisation de son activité par un débauchage d’un grand nombre de ses salariés. Parmi les preuves communiquées, figuraient des SMS issus des téléphones portables mis à disposition des salariés, obtenus par constat d’huissier ordonné sur requête.
Il était soutenu que la production en justice de SMS provenant des téléphones professionnels de salariés était irrecevable car déloyale, les SMS ayant été enregistrés sur les téléphones à l’insu des salariés, y compris en dehors des lieux et horaires de travail.
La Cour de cassation décide que les SMS envoyés ou reçus par le salarié au moyen du téléphone mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l’employeur est en droit de les consulter en dehors de la présence de l’intéressé, sauf s’ils sont identifiés comme étant personnels.
Les SMS non identifiés comme personnels peuvent dès lors être valablement produits en justice, y compris pour justifier une sanction disciplinaire.
Si l’enregistrement d’une conversation téléphonique privée, effectuée à l’insu de l’auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve obtenue, il n’en est pas de même pour les SMS dont il ne peut être ignoré qu’ils sont automatiquement enregistrés sur les téléphones.
Présomption de caractère professionnel et outils informatiques mis à disposition du salarié
L’arrêt rendu par la chambre commerciale le 10 février 2015 s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence de la Cour de cassation qui dessine progressivement le périmètre de protection des outils informatiques mis à disposition du salarié.
A titre de rappel, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé en 2006 que les dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur sont présumés, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels, avoir un caractère professionnel de sorte que l’employeur peut y avoir accès hors sa présence (Cass. soc. 18 octobre 2006 n°04-48025).
Cette présomption a ensuite été appliquée aux connexions Internet établies par le salarié durant son temps de travail (Cass. soc. 9 juillet 2008, n° 06-45800) puis aux emails adressés par le salarié à l’aide de la messagerie électronique de l’entreprise (Cass. soc. 26 juin 2012, n°11-15310).
En dernier lieu, la présomption de caractère professionnel a été étendue à la clé USB personnelle d’un salarié dès lors qu’elle est connectée à l’ordinateur professionnel (Cass. soc. 12 février 2013, n°11-28649).
Portée des dispositions du règlement intérieur
Dans son avis du 13 novembre 2014, la chambre sociale de la Cour de cassation a apporté une précision sur la portée des dispositions du règlement intérieur de l’entreprise qui interdiraient aux salariés d’utiliser les outils de communication mis à leur disposition à des fins personnelles. Une telle clause ne permet pas à l’employeur de s’affranchir des règles posées par la jurisprudence et d’accéder librement aux messages identifiés comme personnels par le salarié.
Le règlement intérieur peut toutefois restreindre le pouvoir de l’employeur en lui imposant de ne consulter les SMS qu’en présence du salarié et ce même si les SMS n’ont pas été identifiés comme personnels. Une telle solution a déjà été retenue pour le contrôle des messages électroniques (Cass. soc. 26 juin 2012, n°11-15310).
Des modalités pratiques qui restent à déterminer
A la lecture de cette jurisprudence, on ne peut que s’interroger sur la manière d’identifier un SMS comme personnel.
Contrairement aux emails et aux fichiers informatiques, il n’est pas simple d’identifier comme personnels des SMS qui ne comportent pas de champ «objet».
Les salariés devront, pour éviter une consultation à leur insu, identifier les SMS en intégrant le mot «personnel» ou «privé» au début de chaque message. Il est également possible d’imaginer que les salariés identifient dans leur répertoire certains contacts comme personnels. Cela étant, en pratique, l’identification du SMS comme étant personnel paraît presque incompatible avec la vocation de mini message du Short Message Service.
Il existe également des incertitudes liées au fait de savoir si le téléphone qui appartient au salarié mais dont le forfait est réglé par l’employeur a ou non un caractère professionnel permettant à l’employeur de consulter les SMS professionnels du salarié.
Les règlements intérieurs et autres chartes d’entreprise ont ainsi une nouvelle problématique à prendre en compte.
Auteurs
Caroline Froger-Michon, avocat en matière de droit social
Aurélie Parchet, avocat en matière de droit social
Related Posts
L’usage de la langue française est-il toujours obligatoire ?... 3 août 2015 | CMS FL

Courriels professionnels : l’absence de déclaration à la CNIL n’en rend pa... 23 août 2017 | CMS FL

Des salariés au conseil d’administration : un pas vers la cogestion ?... 8 juillet 2013 | CMS FL
Lanceurs d’alerte : la nécessaire mise à jour du règlement intérieur... 21 octobre 2022 | Pascaline Neymond

Convention collective de branche applicable à un salarié plus d’un an après... 16 juillet 2024 | Pascaline Neymond

Gestion sociale du Covid-19 : nos voisins ont-ils été plus créatifs ? Le cas ... 23 juillet 2021 | Pascaline Neymond

Alertes professionnelles : la CNIL étend le champ d’application de l&rsqu... 1 avril 2014 | CMS FL
Contester la validité de son forfait-jours n’est pas sans risque... 14 avril 2022 | Pascaline Neymond

Articles récents
- La difficile contestation du caractère professionnel de l’accident déclaré en situation de télétravail
- La Cour de cassation consacre le droit des télétravailleurs aux titres-restaurant au nom du principe d’égalité de traitement
- DRH de Start-up : comment réussir ses premières élections professionnelles ?
- Annulation en justice du PSE homologué : le Conseil d’Etat précise les règles de révision du PSE unilatéral !
- Le droit de se taire n’a pas à être notifié au salarié
- Procédure disciplinaire et licenciement : le Conseil constitutionnel tranche sur le droit de se taire
- Intelligence artificielle : le forçage de la consultation du CSE
- Les arrêts du 10 septembre 2025 sur les congés payés ou le syndrome du juge légiférant
- Conférence : Introduction de l’IA en entreprise : décrypter et maîtriser les enjeux juridiques
- Congés payés : la Cour de cassation poursuit la mise en conformité du droit français avec le droit de l’Union européenne