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Les difficultés liées au retour d’un salarié longuement absent

A l’issue d’un arrêt de travail, un salarié doit retrouver le poste qu’il occupait auparavant ou un emploi similaire. Si le principe est simple, sa mise en oeuvre peut présenter des difficultés pratiques pour l’employeur, notamment en cas de longue absence.

Un salarié absent doit, à son retour, retrouver son emploi ou, dans l’hypothèse où celui-ci n’existerait plus ou ne serait plus vacant, un emploi similaire. Si le principe est simple, sa mise en œuvre présente parfois de vraies difficultés pratiques, singulièrement lorsque l’absence du salarié a été significativement longue. Le poste occupé par le salarié peut avoir disparu, été transféré sur un autre site géographiquement éloigné de celui au sein duquel l’intéressé exerçait ses fonctions à l’origine, ou avoir substantiellement évolué. Le salarié peut également se retrouver, à son retour, en concurrence professionnelle avec la personne qui l’a remplacé durant son absence, et qui a pu donner entière satisfaction voire, dans certains cas, montrer des qualités et compétences plus prononcées que lui. Le retour d’un salarié longuement absent pose donc quelques difficultés, aussi bien juridiques que pratiques.

Le principe : le salarié absent retrouve son emploi ou un emploi similaire

Le salarié dont le contrat de travail a été suspendu retrouve, à son retour, l’emploi qu’il occupait précédemment, ou un emploi similaire assorti d’une rémunération équivalente. Ce n’est que lorsque l’emploi du salarié n’existe plus ou n’est plus vacant qu’il y a lieu de lui proposer, alternativement, un emploi similaire. En d’autres termes, le salarié doit prioritairement retrouver son emploi.

S’agissant de l’emploi similaire, il ne doit pas entraîner, par rapport au poste antérieur, de modification(s) majeures du contrat de travail, telle(s) que la rémunération, la classification ou la qualification.

De son côté, le salarié adopterait un comportement fautif s’il lui venait à l’idée de refuser d’occuper à nouveau son ancien poste.

La nécessité d’anticiper le retour du salarié

Le retour du salarié à son poste après une longue absence doit être anticipé, aussi bien par le salarié que par l’employeur.

Un salarié absent depuis de nombreuses années (cas par exemple d’un arrêt de travail pour longue maladie ou d’un congé parental d’éducation renouvelé à plusieurs reprises, au fur et à mesure de l’arrivée au foyer de nouveaux enfants) s’est en quelque sorte « fait oublier », voire pour certains de ses collègues de travail ne fait plus partie des effectifs.

Il est donc recommandé au salarié de se manifester régulièrement auprès de son employeur, durant son absence (et a fortiori vers le terme de celle-ci), afin de lui préciser autant que possible la date ou la période prévisible de son retour et marquer ainsi sa volonté de reprendre ses fonctions et de montrer une vraie motivation à la reprise de son activité professionnelle. Le salarié pourra également, lorsqu’il s’est trouvé absent pour des raisons de santé, se rapprocher du médecin du travail aux fins qu’il organise une visite médiale de pré-reprise (à ne pas confondre avec la visite médicale de reprise qui intervient à l’issue de l’arrêt de travail, et qui est organisée par l’employeur).

De son côté l’employeur doit, en amont, avoir organisé l’accueil et les conditions du retour du salarié à son poste. Cela passe par exemple par la disponibilité du bureau ou plus généralement du poste de travail précédemment occupé par le salarié, par la nécessité de faire le point avec celui-ci en matière de formation ou de remise à niveau technique, par sa présentation à ses nouveaux collègues de travail, ses clients, ses fournisseurs, etc.

L’employeur qui n’organise pas le retour du salarié dans les conditions attendues et adéquates, pourrait se voir reprocher un manquement grave à ses obligations, lequel serait susceptible de conduire le salarié à prendre acte de la rupture de son contrat de travail, ou à solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail, dans les deux cas aux torts de l’employeur.

Le salarié pourrait voir également, dans le fait qu’il ne lui soit donné aucun travail à son retour ou qu’il soit isolé ou éloigné de ses collègues de travail ou encore qu’il ne lui soit plus adressé la parole, une forme de harcèlement moral, imputable une nouvelle fois à l’employeur.

Les contraintes juridiques du retour du salarié à l’issue de la suspension de son contrat de travail

Au-delà des contraintes matérielles évoquées plus avant, le retour d’un salarié à son poste après une longue période d’absence impose plusieurs obligations à l’employeur.

La visite médicale de reprise

La première d’entre elles consiste à organiser, pour le salarié absent pour cause de maladie (pendant au moins 30 jours), de maladie professionnelle ou d’accident du travail (pendant au moins 30 jours également), la visite médicale de reprise auprès du médecin du travail.

L’absence d’une telle visite de reprise peut-être très problématique pour l’employeur. En effet, il est tout d’abord de jurisprudence constante que seule la visite médicale de reprise met un terme – au plan juridique – à la suspension du contrat de travail, quand bien même le salarié a effectivement repris ses fonctions. Cela signifie par exemple, lorsque le salarié s’est trouvé en arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle, que l’employeur ne peut entreprendre un licenciement qu’en raison d’une faute grave du salarié ou de l’impossibilité de maintenir son contrat de travail. Dans les autres cas, le licenciement opéré pourrait être considéré comme nul. Il en va de même du licenciement d’un salarié absent pour cause de maladie, dans l’hypothèse où la convention collective prévoirait une garantie contre toute mesure de licenciement durant la période de suspension du contrat de travail. Là encore, le licenciement serait entaché de nullité.

Ensuite, quelles que soient les motifs médicaux de l’arrêt de travail, l’absence de visite médicale de reprise peut conduire le salarié à reprocher à son employeur le non-respect de son obligation de sécurité (qui se présente comme une obligation de résultat).

Le mi-temps thérapeutique

Le mi-temps thérapeutique (qui est prescrit par le médecin conseil de la caisse primaire d’assurance maladie), s’entend de la possibilité pour un salarié, à l’issue de son arrêt de travail, de reprendre son poste d’une manière partielle ou aménagée.

Dans l’hypothèse où le salarié est déclaré apte par le médecin du travail à travailler dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique, il doit recouvrer le poste qu’il occupait précédemment. Lorsque ce poste n’existe plus ou n’est plus vacant, ou lorsqu’il démontre que le poste ne peut être occupé à temps partiel, l’employeur doit proposer au salarié un poste similaire, ce qui peut là encore entraîner des difficultés d’organisation.

Le retour d’un congé maternité

Comme précédemment, la salariée dont le contrat de travail a été suspendu pour cause de maternité est en droit, à son retour de retrouver le poste qu’elle occupait précédemment (ou un poste similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente).

La rémunération de l’intéressée doit en tant que de besoin être réévaluée en fonction des augmentations de rémunération dont ont bénéficié les salariés se situant dans la même catégorie professionnelle qu’elle. De la même manière que pour les salariés absents pour maladie, la salariée de retour d’un congé maternité doit bénéficier d’une visite médicale de reprise. Elle est également en droit de demander un entretien avec son supérieur hiérarchique, ou plus généralement son employeur, aux fins d’évoquer son orientation professionnelle. Elle est aussi légitime à solliciter le bénéfice d’une période de professionnalisation. Elle dispose enfin de la possibilité de solliciter un congé parental d’éducation ou de travailler à temps partiel.

L’employeur peut-il licencier le salarié à son retour ?

L’employeur dispose, au plan des principes, de la possibilité de procéder au licenciement d’un salarié de retour d’une longue absence. Il peut, à titre d’illustration, envisager le licenciement économique du salarié lorsque les conditions d’un tel licenciement sont remplies ou son licenciement pour motif personnel si ce dernier est à l’origine d’un fait fautif.

Cette faculté de licencier trouve cependant des limites importantes.

A titre d’exemple, la salariée de retour d’un congé maternité bénéficie, à l’issue de son congé, d’une protection de 4 semaines contre toute mesure de licenciement, sauf faute grave de cette dernière – non liée à son état de grossesse – ou impossibilité de maintenir son contrat de travail, pour un motif étranger à la grossesse, à l’accouchement ou à l’adoption.

L’employeur n’est par ailleurs pas fondé, à l’issue d’un arrêt de travail consécutif à des problèmes de santé du salarié, qu’ils soient ou non d’origine professionnelle, à procéder au licenciement du salarié au motif que son absence aurait perturbé le bon fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du site sur lequel il était affecté jusqu’alors.

Sur un plan plus général, l’employeur ne peut imaginer de procéder au licenciement du salarié à son retour que s’il dispose de faits objectifs, qu’il est en mesure de démontrer, et qui ne tiennent pas à la maladie du salarié ou à la maternité de la salariée. Un licenciement prononcé en réalité pour de telles raisons serait entaché de nullité, car revêtant un caractère discriminatoire.

A cet égard, le « timing » de la procédure de licenciement sera déterminant. Plus la convocation à l’entretien préalable au licenciement sera proche du terme de la suspension du contrat de travail, et plus le risque de considérer que le licenciement repose sur les raisons de l’absence (maladie, maternité, etc.) et non sur d’autres motifs sera important.

 

A propos de l’auteur

Rodolphe Olivier, avocat associé. Il anime l’équipe contentieuse et intervient plus particulièrement dans les litiges pendants devant le conseil de prud’hommes (tous types de litiges), le tribunal d’instance (contestation de désignations de délégués syndicaux, élections professionnelles, représentativité syndicale, reconnaissance d’unité économique et sociale, référendum des salariés à la suite de la signature d’accords collectifs…), le tribunal de grande instance (dénonciation et mise en cause d’accords collectifs, demande de suspension de la procédure consultative auprès du comité d’entreprise, demande d’annulation de plans de sauvegarde de l’emploi, grèves, contestation d’expertise CHSCT ou CE…), le tribunal des affaires de sécurité sociale (urssaf, affiliation, accident du travail, maladie professionnelles, faute inexcusable,…), le tribunal de police et tribunal correctionnel (discrimination syndicale, délit d’entrave, contraventions à la durée du travail, harcèlement moral…) et le tribunal administratif et cour administrative d’appel (contestation des décisions de l’Inspection du travail ou du Ministre…).

 

Article paru dans Les Echos Business du 24 mars 2014

 

 

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