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Lock Out est bien une contrefaçon d’un film préexistant

Lock Out est bien une contrefaçon d’un film préexistant

Aux termes d’un arrêt très médiatisé du 10 juin 2016, la cour d’appel de Paris a estimé que le film Lock Out produit par Luc Besson contrefaisait le film New York 1997 réalisé et produit par deux co-auteurs américains (CA Paris, 10 juin 2016, n°15/10188). Cette condamnation confirme la position prise dans cette affaire par le tribunal de grande instance de Paris un an plus tôt (TGI Paris, 7 mai 2015, n°14/01637).

La Cour d’appel rappelle de manière détaillée les éléments à prendre à considération pour caractériser la contrefaçon d’œuvres cinématographiques au regard de l’article L.122-4 du Code de la propriété intellectuelle, tout en apportant des précisions innovantes en la matière.

L’appelant principal, Luc Besson, soutenait que les œuvres cinématographiques en cause étaient « radicalement différentes », compte tenu notamment de leur genre et de leur forme : le film « Lock Out » était une « comédie/thriller de sciences fiction, un film d’action au rythme très rapide », tandis que le film « New York 1997 » constituait une « allégorie, pour l’essentiel une satire politique et sociale fondée sur la trame de l’enquête d’un homme seul, et non d’un couple ».

Ces arguments ont été réfutés avant toute analyse, sur le fondement de l’un des principes fondamentaux du droit d’auteur, à savoir que la contrefaçon s’apprécie non par les différences, mais par les ressemblances. Faisant preuve de pédagogie, la Cour rappelle ainsi que le principal écueil à éviter dans cette démonstration est de ne pas confondre le thème du film avec la forme donnée à celui-ci.

En effet, selon la formule de Dubois, « les idées sont de libre parcours » et ne peuvent donc donner prise au droit d’auteur. Or, dans une œuvre cinématographique, le thème du film est précisément une idée, fondatrice, mais non protégeable. Ainsi, les thèmes des deux films consistaient tous les deux en une prise d’otage dans une prison, ce qui ne pouvait permettre de qualifier la contrefaçon, un tel sujet pouvant être repris librement par tout auteur d’une œuvre cinématographique.

La Cour rappelle donc que seule la reprise par le film Lock Out de la forme originale de l’œuvre cinématographique New York 1997 est susceptible de constituer une contrefaçon. Afin de faciliter la démonstration d’une telle contrefaçon, la Cour innove en proposant une grille d’analyse détaillant successivement la reprise : de l’évolution de la trame du récit, du traitement cinématographique, des personnages principaux, des personnages secondaires, des scènes caractéristiques du film Lock Out, et enfin du message véhiculé par ces œuvres.

Dans cette affaire, la Cour d’appel a admis l’opportunité de se référer aux critiques cinématographiques faisant un rapprochement entre les œuvres en conflit. Selon la Cour, ces critiques « convergent » en indiquant, pour l’une, que « le scénario est complètement pompé », pour une autre, que l’on « évolue plus dans le domaine du plagiat que dans celui de l’hommage ».

Si ces références peuvent être de nature à conforter les allégations de contrefaçon, il faut espérer que leur usage dans la jurisprudence demeurera exceptionnel, du fait du caractère inégal, et parfois peu objectif, de ces critiques.

On évoquera enfin un point de divergence notable entre les appréciations des juges du premier degré et d’appel, relatives à l’évaluation du préjudice subi. Tandis que les premiers juges ont tenu compte du caractère ancien du film New York 1997, la Cour d’appel rappelle que dès lors que le droit moral est imprescriptible, le caractère ancien du film n’a pas à être pris en compte dans l’évaluation du préjudice subi.

In fine, Luc Besson est solidairement condamné avec les trois autres appelants (deux réalisateurs et la société de production Europacorp) à verser la somme de 440 000 euros aux co-auteurs américains John Carpenter et Nick Castle, sur le fondement des articles L.122-4 (sur la contrefaçon) et L.331-1-3 (sur la réparation du préjudice né de la contrefaçon) du Code de la propriété intellectuelle.

Auteur

Anne-Laure Villedieu, avocat associée en droit de la propriété industrielle, droit de l’informatique, des communications électroniques et protection des données personnelles.

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