Actualités concernant l’exception de copie privée applicable aux services de nPVR
L’article 15 de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 a instauré une nouvelle exception de copie privée désormais prévue à l’article L.311-4 du Code de la propriété intellectuelle.
Cette exception permet au consommateur d’obtenir la reproduction d’un programme radio ou télévisé, avant ou pendant sa diffusion pour la partie restante du programme, dans un espace privé numérique, sans avoir à recueillir le consentement des titulaires de droits d’auteurs sur ledit programme mais moyennant le paiement d’une redevance à ces derniers.
La disposition vise l’ensemble des services de « nPVR » (network personal video recorder) qualifiables de « magnétoscopes numériques » selon une expression doctrinale. En revanche, elle exclut les services de « VOD » (vidéo à la demande) et les services de « TV catch-up » (vidéo de rattrapage) offrant aux consommateurs un accès distant à un catalogue de programmes présélectionnés par l’éditeur, sans leur permettre d’en réaliser une copie dans un espace privé.
Concernant le montant de la redevance pour copie privée, l’article L.311-4 du Code de la propriété intellectuelle prévoit qu’il doit être fonction « du nombre d’utilisateurs du service de stockage proposé par l’éditeur ou le distributeur du service de radio ou de télévision et des capacités de stockage mises à disposition par cet éditeur ou ce distributeur ».
Sur le fondement de ces critères, la commission pour la rémunération de la copie privée a fixé, dans une décision du 19 juin 2017, les barèmes de redevance applicables aux services de nPVR :
En pratique, ces redevances seront versées par les fournisseurs de services de nPVR (éditeurs ou distributeurs des programmes) aux organismes de perception et de répartition des droits d’auteur et des droits des producteurs. In fine, les sommes payées par les fournisseurs seront bien entendu répercutées sur les utilisateurs finaux des services nPVR.
Comme indiqué dans la décision de la commission, les fournisseurs de services de nPVR devront adresser des déclarations aux sociétés de perception mentionnant « de façon distincte le nombre d’utilisateurs ou d’abonnés ayant accès auxdits services par capacité d’enregistrement mise à leur disposition », au plus tard le 20 de chaque mois pour le mois précédent. Ils seront ensuite tenus au paiement de la redevance dans les quarante jours francs à compter de la fin du mois de la date de mise à disposition des services de nPVR à chaque utilisateur ou abonné.
La décision ayant été prise sans étude d’impact, les barèmes susmentionnés ont été fixés de manière provisoire, pour une durée ne pouvant excéder un an, jusqu’à l’entrée en vigueur du barème définitif.
A noter que si l’exception de copie privée concernant les services de nPVR est désormais bien encadrée, il n’est cependant pas exclu qu’elle soit prochainement invalidée par le juge communautaire.
En effet, plusieurs auteurs considèrent que celle nouvelle exception de copie privée ne remplit pas le test dit « des trois étapes » du droit de l’Union dès lors que :
- elle pourrait être regardée comme trop large ;
- elle pourrait porter atteinte à l’exploitation normale de l’oeuvre ; et
- elle pourrait porter atteinte aux intérêts légitimes de l’auteur.
A cet égard, il est intéressant d’observer que le tribunal italien de Turin a récemment interrogé la Cour de justice de l’Union européenne sur le point de savoir si « une disposition nationale qui permet à un entrepreneur commercial de fournir à des particuliers un service d’enregistrement à distance de copies privées d’œuvres protégées par le droit d’auteur au moyen d’un système informatique en nuage, en intervenant activement dans l’enregistrement, sans autorisation du titulaire du droit, en contrepartie d’une compensation forfaitaire rémunérant le titulaire du droit » est conforme au droit de l’Union européenne (affaire C-265/16, VCAST Limited v. R.T.I. SpA).
La Cour de justice de l’Union européenne ne s’est pas encore prononcée dans cette affaire, mais les conclusions de l’avocat général du 7 septembre 2017 tranchent en faveur de l’invalidation du dispositif. La décision de la Cour est donc attendue avec impatience.
Auteurs
Anne-Laure Villedieu, avocat associée en droit de la propriété industrielle, droit de l’informatique, des communications électroniques et protection des données personnelles.
Anaïs Arnal, avocat, droit de la propriété intellectuelle