Loi Hamon : l’information des salariés en cas de cession de fonds de commerce ou de sociétés

28 octobre 2014
La loi n°2014-856 du 31 juillet 2014 sur l’économie sociale et solidaire introduit deux nouvelles obligations d’information à la charge de l’employeur à l’égard des salariés en cas de cession de fonds de commerce et de cession de droits sociaux.
De nombreuses entreprises saines fermeraient chaque année en France faute de repreneur. De ce constat seraient nées les obligations d’informations introduites par la loi dite Hamon du 31 juillet 2014, dont l’objet est de favoriser la reprise des entreprises par les salariés afin d’assurer la pérennité de l’activité et de l’emploi en cas de cession.
Une obligation générale d’information sur le rachat d’entreprise
L’article 18 de la loi introduit une information générale des salariés sur les modalités de reprise par eux-mêmes de leur entreprise.
Cette information porterait notamment sur les conditions juridiques de la reprise d’une entreprise par les salariés, ses avantages et ses difficultés ainsi que sur les dispositifs d’aide existants.
Cette information doit intervenir tous les trois ans dans toutes les sociétés commerciales de moins de 250 salariés.
La loi est muette sur le contenu précis et les modalités de cette information qui seront précisés par décret.
Ce dispositif a vocation à préparer les salariés en amont afin de faciliter et d’accompagner les initiatives de reprise en cas de cession de l’entreprise.
Une obligation d’information spéciale, directe et préalable, en cas de cession
L’information générale décrite ci-dessus est le complément des obligations d’information prévues par les articles 19 et 20 de la loi, lesquels imposent une information préalable et directe des salariés en cas de cession d’une entreprise ou d’un fonds de commerce.
Cette obligation ne s’impose que :
- dans les entreprises/sociétés de moins de 50 salariés et les PME employant entre 50 et 249 salariés(1) ;
- en cas de cession du fonds de commerce ou de la participation d’un propriétaire représentant plus de 50 % des parts sociales d’une SARL ou du capital d’une société par actions.
Sont exclues les cessions intervenant dans le cadre d’une succession, d’une liquidation de régime matrimonial ou d’une cession à un conjoint, ascendant ou descendant ainsi qu’aux entreprises faisant l’objet d’une procédure de conciliation, sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire.
La cession envisagée devra intervenir dans un délai de deux ans à compter de l’information des salariés. A défaut, l’information devra être renouvelée. Ce délai est, le cas échéant, suspendu pendant la consultation du comité d’entreprise sur le projet de cession.
Les modalités d’exercice de l’information
L’obligation s’exerce différemment selon que l’entreprise est tenue, ou pas, de mettre en place un comité d’entreprise :
- dans les entreprises de moins de 50 salariés ou celles de plus de 50 salariés dépourvues de représentants du personnel (DP et CE, constat de carence à l’appui), le chef d’entreprise doit informer les salariés au plus tard deux mois avant la cession envisagée ;
La cession pourra intervenir avant l’issue de ce délai dès lors que l’ensemble des salariés auront informé le chef d’entreprise de leur décision de ne pas présenter d’offre. En pratique, il conviendra donc de s’assurer d’un retour écrit des salariés afin de pouvoir, le cas échéant, anticiper la date de la cession. - dans les entreprises de plus de 50 salariés, pourvues de représentants du personnel, les salariés sont informés au plus tard concomitamment à l’information-consultation des représentants du personnel sur l’opération envisagée.
Un décret à paraître prévoira les conditions de forme de l’information afin que celle-ci ait date certaine.
Les salariés sont tenus, s’agissant des informations communiquées dans le cadre du projet de cession, à une obligation de discrétion identique à celle des membres du comité d’entreprise, sauf à l’égard des personnes dont ils sollicitent le concours pour présenter une offre (représentant de la chambre de commerce ou toute personne requise par le ou les salariés). Un décret devrait définir les contours de cette assistance.
Une sanction dissuasive
La sanction du non-respect de l’obligation en cas de cession est dissuasive : le salarié peut demander la nullité de la cession, l’action devant être exercée dans un délai de deux mois à compter de la publication de la cession ou de la date à laquelle tous les salariés en ont été informés.
On notera qu’aucune sanction n’est prévue en cas de manquement à l’obligation triennale d’information. Il conviendra d’attendre le décret sur ce point.
Ce dispositif aurait vocation à s’appliquer aux cessions conclues à compter du 2 novembre 2014 tandis que l’obligation d’information triennale est entrée en vigueur au lendemain de la publication de la loi, soit le 1er août 2014.
Une certitude mais des obligations aux contours incertains
Ce droit nouveau n’a rien d’un droit de préemption réservé aux salariés et le cédant reste parfaitement libre de choisir son cessionnaire.
Pour autant, l’obligation d’information préalable en cas de cession pourrait conduire à des difficultés pratiques, notamment en ce qui concerne son insertion au calendrier de cession et la nature des informations à délivrer au(x) salarié(s), dont la loi ne dit rien, au regard de l’indiscutable confidentialité qui doit entourer tout processus de cession.
En outre, on constatera que ces deux obligations, nouvelles et originales, réservent encore des zones d’ombre faute de décrets parus.
A cet égard, reste en effet la délicate question, en pratique, de l’information des salariés concernant les cessions intervenant à compter du 2 novembre 2014 en l’absence, à ce jour, de décrets d’application précisant tant la forme que doit prendre l’information que les modalités d’assistance du salarié lui permettant de formaliser une offre.
Note
1. Les PME sont les entreprises de moins de 250 salariés dont le chiffre d’affaire annuel n’excède pas 50 millions d’euros ou le total de bilan n’excède pas 43 millions d’euros.
Auteurs
Vincent Delage, avocat associé en droit social.
Laure Soyer, avocat en droit social.
Article paru dans Les Echos Business le 20 octobre 2014
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