Image Image Image Image Image Image Image Image Image Image
Scroll to top

Haut

La négociation collective obligatoire : ce qui change au 1er janvier 2016

La négociation collective obligatoire : ce qui change au 1er janvier 2016

Regroupement des thèmes de négociation, modification des périodicités, aménagement de la négociation par accord collectif… la loi Rebsamen a modifié les règles de la négociation collective obligatoire. Point sur ce qui attend les entreprises à compter du 1er janvier 2016.

Partant du constat que l’accumulation des obligations de négociation conduit à une « saturation de l’agenda social des entreprises » et que « certains thèmes sont par ailleurs redondants et abordés sans réflexion préalable sur leur articulation« , le législateur a souhaité rationnaliser la négociation collective obligatoire au sein de l’entreprise, sans toutefois revenir sur les règles fondamentales applicables en la matière.

A la veille de l’entrée en vigueur des nouvelles obligations, il convient de faire le point sur ce qui change et ce qui reste.

De 12 à 3 négociations périodiques

La première mesure prise en vue de simplifier la négociation périodique obligatoire consiste dans le regroupement des douze obligations de négociation en trois grands blocs, reprenant l’ensemble des thèmes existant :

  • le premier bloc consiste dans une négociation annuelle sur la rémunération, le temps de travail et la répartition de la valeur ajoutée.Outre les salaires effectifs, la durée et l’organisation du travail et l’épargne salariale, cette négociation devra également porter sur le « suivi de la mise en œuvre des mesures visant à supprimer les écarts de rémunération et les différences de déroulement de carrière entre les femmes et les hommes » ;
  • le deuxième bloc consiste dans une négociation annuelle sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (objectifs et mesures permettant de les atteindre) et la qualité de vie au travail (notamment: articulation vie personnelle / vie professionnelle);Il recouvre également les mesures prises pour lutter contre les discriminations, celles relatives à l’insertion et au maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés, l’exercice du droit d’expression des salariés, la protection sociale complémentaire.Cette négociation pourra également porter sur la prévention de la pénibilité (à défaut, celle-ci peut faire l’objet d’une négociation spécifique, en dehors de ces trois blocs de négociation) ;
  • le troisième bloc consiste dans une négociation triennale, pour les entreprises d’au moins 300 salariés, sur la gestion des emplois et des parcours professionnels, incluant notamment la mise en place d’un accord de GPEC, les grandes orientations à 3 ans de la formation professionnelle et les objectifs du plan de formation, les perspectives de recours aux différents contrats de travail, le déroulement de carrière des salariés exerçant des responsabilités syndicales et l’exercice de leurs fonctions.Le contrat de génération peut également être intégré à ce bloc de négociation (étant rappelé qu’une pénalité financière est encourue à défaut d’accord ou de procès-verbal de désaccord dans les entreprises soumises à cette obligation).

L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au cœur du dispositif de négociation

Le législateur avait déjà prévu que les accords collectifs d’entreprise sur les salaires effectifs ne peuvent être déposés auprès de l’Administration qu’accompagnés d’un procès-verbal d’ouverture des négociations portant sur les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes.

De même, en l’absence d’accord collectif concernant les mesures permettant d’atteindre l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, la négociation annuelle sur les salaires effectifs doit déjà porter sur la programmation de mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération et les différences de déroulement de carrière entre les femmes et les hommes.

La loi Rebsamen vient compléter ce dispositif avec plusieurs mesures qui renforcent encore l’importance de l’égalité professionnelle dans la négociation collective et le dialogue social.
Ainsi, la possibilité d’aménager par accord collectif la périodicité et le regroupement des thèmes de négociation (voir infra) n’est ouverte qu’aux entreprises qui disposent d’un accord ou, à défaut, d’un plan d’action, relatifs à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Par ailleurs, le législateur a créé dans la BDES une nouvelle rubrique « Egalité professionnelle », dont le contenu reprend celui du rapport comparé, destinée à servir de base à la négociation collective.

Enfin, dans les entreprises d’au moins 300 salariés, le comité d’entreprise peut recourir, à compter du 1er janvier 2016, à un expert technique pour la préparation de la négociation sur l’égalité professionnelle.

La possibilité d’aménager les règles de la négociation par accord collectif majoritaire

Autre apport de la loi : un accord d’entreprise majoritaire pourra modifier la périodicité de chacune des négociations (dans la limite de trois ans pour les deux négociations annuelles et de cinq ans pour la négociation triennale), en adapter le nombre ou prévoir un regroupement différent des thèmes, sous réserve de n’en écarter aucun.

Toutefois, si la périodicité de la négociation sur les salaires effectifs est modifiée, toute organisation signataire conservera la possibilité, au cours de la période fixée par l’accord, de demander l’engagement immédiat de la négociation engagée. L’employeur devra y faire droit sans délai.

En outre, cet accord, à majorité renforcée, doit être signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 50% des suffrages exprimés, quel que soit le nombre de votants, en faveur d’organisations syndicales représentatives au 1er tour des élections des titulaires au comité d’entreprise, de la délégation unique du personnel ou à défaut des délégués du personnel.

A quel niveau ont lieu les négociations ?
La réponse est différente pour chacun des blocs de négociation.

En effet, si toutes les négociations peuvent naturellement avoir lieu au niveau de l’entreprise, la négociation sur la rémunération, le temps de travail et la répartition de la valeur ajoutée peut également avoir lieu, sur décision de l’employeur, au niveau des « établissements ou groupes d’établissements distincts« .

Quant à la négociation triennale sur la gestion des emplois et des parcours professionnels, elle peut avoir lieu au niveau du groupe.

Les dispositions générales qui régissaient jusqu’à présent la négociation collective obligatoire demeurent-elles en vigueur ?

Oui. Les grands principes généraux applicables à la négociation collective obligatoire demeurent inchangés.

  • Ainsi, l’initiative de l’engagement de chacune de ces négociations appartient toujours à l’employeur, les organisations syndicales ne pouvant l’imposer qu’en cas de carence de l’employeur depuis plus de douze mois (pour les négociations annuelles) ou de trente-six mois (pour la négociation triennale) suivant la précédente négociation ;
  • De même, lors de la première réunion de chacune des négociations, doivent être précisés le lieu et le calendrier des réunions, les informations que l’employeur remettra aux délégués syndicaux et aux salariés composant la délégation sur les matières concernées par la négociation et la date de cette remise ;
  • En outre, tant que les négociations sont en cours, l’employeur ne peut, sauf urgence, arrêter de mesures unilatérales concernant la collectivité des salariés dans les matières traitées ;
  • Enfin, si aucun accord n’est conclu au terme de la négociation, il est établi un procès-verbal de désaccord dans lequel sont consignées, en leur dernier état, les propositions respectives des parties et les mesures que l’employeur entend appliquer unilatéralement.

Que deviennent les accords actuellement en vigueur sur les thèmes couverts par l’une des négociations collectives ?

Les entreprises couvertes, au 1er janvier 2016, par un accord relatif à la conciliation vie personnelle / vie familiale, à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, aux mesures de lutte contre les discriminations, ou à l’emploi des travailleurs handicapés ne seront soumises à l’obligation de négocier sur ces thèmes, selon les nouvelles modalités, qu’à l’expiration de cet accord, et au plus tard, à compter du 31 décembre 2018.

Chaque négociation doit-elle systématiquement porter sur tous les thèmes énumérés par le Code du travail?

La loi est muette sur ce sujet. Il semble toutefois que la réponse à cette question doit être positive, excepté pour les thèmes pour lesquels le législateur a expressément précisé que la négociation ne devait intervenir qu’à défaut d’accord ou de dispositif existant au niveau de la branche.

Ainsi en est-il notamment de l’épargne salariale (premier « bloc ») ou encore de la protection sociale complémentaire (deuxième « bloc »).

Au regard de ce qui précède, force est de constater que la loi Rebsamen, si elle a vocation à simplifier la négociation périodique obligatoire dans un objectif de dialogue social plus constructif, va dans un premier temps conduire les entreprises à faire d’importants efforts pour se familiariser avec ce nouveau dispositif et revoir leur agenda social pour mener de façon cohérente les trois négociations et les trois consultations annuelles obligatoires du Comité d’entreprise.

 

Auteur

Florence Habrial, avocat en droit du travail et droit de la protection sociale

 

La négociation collective obligatoire : ce qui change au 1er janvier 2016 – Article paru dans Les Echos Business le 16 décembre 2015
Print Friendly, PDF & Email