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Obligation pour l’administrateur judiciaire qui consulte le CSE sur un projet de PSE de tenir 2 réunions en cas de désignation d’un expert

Obligation pour l’administrateur judiciaire qui consulte le CSE sur un projet de PSE de tenir 2 réunions en cas de désignation d’un expert

Pour la première fois, le Conseil d’Etat se prononce dans une décision datée du 16 avril 2021 (n° 426287) sur les modalités d’information-consultation d’un comité d’entreprise (CE) mandatant un expert dans le cadre d’un projet de plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) au sein d’une entreprise en redressement judiciaire. Le Conseil d’Etat estime que pour garantir le droit à l’information effective des membres du CE, il est nécessaire que le comité se réunisse deux fois et que la seconde réunion ait lieu, en principe, après présentation du rapport de l’expert.

 

Selon les textes : une seule réunion du CE en cas de PSE au sein d’une entreprise en redressement

Pour les entreprises in bonis d’au moins 50 salariés, qui consultent le CE sur un projet de PSE, le Code du travail prévoit une information/consultation avec un minimum de deux réunions (Article L.1233-30 du Code du travail) espacées d’au moins 15 jours.

Par ailleurs à défaut d’avis exprès du CE, ce dernier est réputé avoir rendu un avis implicite négatif à l’expiration d’un délai déterminé en fonction du nombre de licenciements envisagés (i.e. 2 mois pour moins de 100 licenciements, 3 mois entre 100 et 249, 4 mois si le nombre de licenciements est au moins égal à 250 salariés).

En cas de désignation d’un expert celui-ci doit rendre son rapport dans les 15 jours précédant l’expiration du délai imparti au CE pour rendre son avis.

Le respect de ces délais et de la procédure d’information/consultation fait l’objet des points de vérifications obligatoires de la Dreets (ex Direccte), lors de la validation ou de l’homologation du PSE.

Lorsque l’entreprise qui procède au licenciement et à la mise en place du PSE est en redressement judiciaire, les dispositions ci-dessus citées sont écartées pour tenir compte des impératifs financiers et temporels de l’entreprise en difficulté.

Il en résulte l’application d’une procédure allégée pour laquelle le Code du travail ne prévoit qu’une réunion de CE (Article L.1233-58 du Code du travail).

Il n’en demeure pas moins que même au sein des entreprises en redressement le CE peut se faire assister d’un expert.

 

Tout l’enjeu de la décision commentée était donc de déterminer comment combiner les règles de droit commun avec les différentes règles propres aux entreprises en redressement judiciaire.

 

 

Les faits de l’espèce

Dans l’affaire soumise au conseil d’Etat, une entreprise placée en redressement judiciaire a, par l’intermédiaire de son administrateur, élaboré un document unilatéral portant PSE concernant 49 salariés.

Le CE a, à cet effet, été convoqué lors d’une réunion du 22 février 2018 au cours de laquelle il a été désigné un expert. Une seconde réunion a été fixée au 19 mars 2018, permettant ainsi au CE de rendre son avis tant sur l’opération projetée que sur le projet de licenciement. Au 19 mars 2018, l’expert n’avait pas rendu son rapport. Le document unilatéral qui fixe le PSE a néanmoins été homologué par la Direccte.

Considérant que la procédure d’information/consultation du CE aurait été entachée d’irrégularités, notamment parce que le CE n’avait pas eu connaissance du rapport de l’expert désigné par lui au moment de rendre son avis, un syndicat et le CE ont contesté la décision d’homologation.

Le Tribunal administratif estime que la décision d’homologation est valable et la Cour administrative d’appel annule le jugement du Tribunal administratif ainsi que la décision d’homologation.

Le Conseil d’Etat annule la décision d’appel et déboute les demandeurs dans une décision qui, pour la première fois, répond à la question de savoir si la tenue de deux réunions du CE s’imposait compte tenu de la nomination d’un expert et sur le temps qui devait s’écouler entre ces deux réunions.

 

Selon le Conseil d’Etat : la désignation d’un expert impose la tenue d’une seconde réunion du CE après que le rapport de l’expert ait été communiqué

Le Conseil d’Etat commence par rappeler qu’il appartient à l’administration de s’assurer que l’employeur a adressé au comité tous les éléments utiles pour qu’il formule son avis en connaissance de cause « dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d’avoir faussées sa consultation ». Ce faisant, le Conseil d’Etat reprend une règle déjà posée dans une décision rendue en 2015 (CE, 21 octobre 2015, n° 38633).

Le Conseil d’Etat précise ensuite, malgré la lettre du texte qui ne prévoit qu’une réunion, que « le recours à un expert, destiné à éclairer le comité d’entreprise, justifie [que le comité d’entreprise] soit réuni une seconde fois afin de ne pas priver d’effet le recours à l’expertise ».

Une telle décision apparaît fondée dans la mesure où si le CE peut désigner un expert, il semble logique qu’une deuxième réunion soit programmée afin qu’au cours de celle-ci, le CE dispose de tous les éléments utiles à la prise d’un éventuel avis sur l’opération et le projet de PSE.

En troisième lieu, le Conseil d’Etat a donné des indications sur le délai accordé à l’expert pour restituer son rapport et pour organiser la seconde réunion du CSE.

 

Le respect d’un délai suffisant pour la remise du rapport de l’expert

Le Conseil d’Etat confirme que les dispositions de l’article L.1233-58 du Code du travail portant sur les délais maximums de consultation et l’obligation d’avoir deux réunions minimum applicables en fonction du nombre de licenciements (2 mois au cas particulier) sont écartés en cas de redressement judiciaire.

Le Conseil d’Etat a néanmoins considéré malgré la lettre du texte qu’il y avait lieu, en cas de désignation d’un expert de tenir deux réunions du CE. Il a ainsi précisé qu’il « appartient alors à l’administration de s’assurer que les deux avis ont été recueillis après que [le CE] a été mis à même de prendre connaissance des analyses de l’expert ou, à défaut de remise de rapport de l’expert, à une date à laquelle, eu égard notamment aux délais propres à la procédure ouverte par le tribunal de commerce et aux diligences de l’employeur, l’expert disposait d’un délai suffisant pour réaliser sa mission dans des conditions permettant au comité d’entreprise de formuler ses avis en connaissance de cause ».

Dans cette affaire, le Conseil d’Etat a considéré que l’expert avait disposé d’un délai de 25 jours pour effectuer sa mission ce qui constituait, dans les circonstances de l’espèce et au regard notamment de la procédure de redressement judiciaire un délai suffisant de sorte que le comité avait pu valablement émettre ses avis sans disposer de ce rapport.

Ce faisant, le Conseil d’Etat explique comment rendre effectif le droit pour le CE de disposer du rapport de l’expert désigné par lui et comment combiner ce droit avec l’urgence de mettre en œuvre le licenciement économique dans les entreprises en difficultés.

Il propose une solution pragmatique dans le silence des textes consistant d’une part à affirmer que le CE doit disposer du rapport de l’expert pour sa seconde réunion, d’autre part à indiquer que l’expert doit réaliser ses diligences dans un délai raisonnable et, enfin si l’expert ne rend pas son rapport dans ce délai raisonnable le CE doit néanmoins se réunir.

 

En pratique trois conséquences découlent de cet arrêt :

 

    • les administrateurs judiciaires ne peuvent, en cas de désignation d’expert s’en tenir à la lettre du texte et se limiter à une seule réunion de CE ;
    • les administrateurs judiciaires doivent être diligents dans la fourniture des réponses à l’expert (sous peine de ne pouvoir tirer les conséquences d’un éventuel délai anormalement long pour la restitution du rapport) ;
    • le délai dans lequel l’expert doit rendre son rapport n’est pas clairement défini. Ce délai est donc susceptible de varier pour chaque procédure et dépendra vraisemblablement de la complexité du dossier et des diligences de l’employeur.

 

Les règles ainsi posées concernaient un CE. Toutefois les textes concernant le licenciement économique n’ayant pas évolué lors de la mise en place des CSE, ces règles sont aussi applicables aux CSE.

Compte tenu des coûts et conséquences d’un refus d’homologation/validation des PSE ou de l’annulation ultérieure d’une homologation/validation, il conviendra de veiller à respecter ces règles en cas de consultation sur un PSE avec désignation d’un expert par le CSE dans une entreprise en redressement.

 

Article publié dans Les Echos le 23/09/21

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