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Ordonnance relative au renforcement de la négociation collective

Ordonnance relative au renforcement de la négociation collective

Un an après l’entrée en vigueur de la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels du 8 août 2016, le projet d’ordonnance relative au renforcement de la négociation collective réaffirme la volonté des pouvoirs publics de promouvoir la négociation collective au plus près des entreprises.

Focus sur les principales dispositions de cette ordonnance.

1. En ce qui concerne l’articulation entre l’accord de branche et l’accord d’entreprise, l’ordonnance répartit les domaines de négociation en trois blocs.

Le premier bloc définit les stipulations des accords de branche auxquelles il ne peut être dérogé par accord d’entreprise sauf lorsque l’accord d’entreprise assure des garanties au moins équivalentes. Ces stipulations portent sur :

  • les salaires minima, les classifications, la mutualisation des fonds de financement du paritarisme, les garanties de protection sociale complémentaire ;
  • les mesures relatives au régime d’équivalences, au nombre d’heures entraînant la qualification de travailleur de nuit, la durée minimale de travail à temps partiel inférieure à 24 heures, au taux de majoration des heures complémentaires, à l’augmentation temporaire de travail des salariés à temps partiel ;
  • l’aménagement du temps de travail sur une période de référence supérieure à un an dans la limite de 3 ans ;
  • les mesures relatives aux contrats à durée déterminée, aux contrats de travail temporaire et au contrat à durée indéterminée de chantier, à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, aux périodes d’essai, aux modalités de transfert des contrats de travail prévues par les conventions collectives ;
  • les cas de mise à disposition d’un salarié temporaire auprès d’une entreprise utilisatrice ayant pour objet de favoriser le recrutement de personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières ou d’assurer un complément de formation professionnelle au salarié ;
  • la rémunération minimale du salarié porté ainsi que le montant de l’indemnité d’apport d’affaire.

Le deuxième bloc est constitué des domaines dans lesquels un accord de branche étendu peut prévoir expressément que l’accord d’entreprise conclu postérieurement à l’accord de branche ne peut comporter de stipulations différentes de celles de cet accord sauf lorsque l’accord d’entreprise assure des garanties au moins équivalentes. Il s’agit de la pénibilité, des travailleurs handicapés, du seuil de désignation et du nombre des délégués syndicaux et des primes pour travaux dangereux ou insalubres.

Dans tous les autres domaines, l’accord d’entreprise, conclu antérieurement ou postérieurement à l’accord de branche, prime sur ce dernier.

Rappelons à cet égard que le deuxième alinéa de l’article L. 2253-3 du Code du travail issu de la loi du 4 mai 2004, permettait à l’accord de branche d’interdire expressément à l’accord d’entreprise de déroger à ses dispositions et que l’article 45 de cette même loi limitait la faculté de dérogation par l’entreprise aux accords de branche conclus après son entrée en vigueur. S’agissant du deuxième bloc de négociation, ces dispositions continueront de produire effet si les parties à l’accord de branche confirment leur portée avant le 1er janvier 2019. En revanche, à compter du 1er janvier 2018, dans tous les autres domaines dans lesquels l’ordonnance donne désormais la primauté à l’accord d’entreprise, les clauses des accords de branche, quelle que soit leur date de conclusion, cessent de produire leurs effets vis-à-vis des accords d’entreprise.

2. En ce qui concerne le contenu des accords, l’ordonnance prévoit qu’une négociation peut être engagée dans l’entreprise pour définir le calendrier, la périodicité, les thèmes et les modalités de négociation, y compris sur les thèmes relevant de la négociation obligatoire lorsqu’une demande en ce sens est formulée par une organisation syndicale représentative ou à l’initiative de l’employeur. La durée de l’accord conclu ne peut excéder quatre ans. Les dispositions relatives aux modalités de la négociation obligatoire ne s’appliquent qu’à défaut d’un tel accord.

Toutefois, dans les entreprises dans lesquelles sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives, l’employeur doit engager au moins une fois tous les 4 ans une négociation sur la rémunération, notamment les salaires effectifs, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée ainsi que sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, portant notamment sur la suppression des écarts de rémunération et la qualité de vie au travail. En l’absence d’accord relatif à l’égalité professionnelle, l’employeur établit un plan d’actions annuel relatif à l’égalité ; à défaut il s’expose, lorsque l’effectif de l’entreprise est au moins égal à 50 salariés, au versement d’une pénalité financière. Il en est de même lorsque l’employeur n’a pas rempli son obligation de négociation sur les salaires effectifs.

3. En ce qui concerne l’accès des petites entreprises à la négociation collective, les modalités de négociation dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux sont fixées en fonction de leur effectif :

  • dans les entreprises de moins de 11 salariés, l’employeur peut proposer un projet d’accord aux salariés sur l’ensemble des thèmes ouverts à la négociation, dont la validité est subordonnée à sa ratification à la majorité des deux tiers du personnel. Cette consultation est organisée à l’issue d’un délai de 15 jours à compter de la communication du projet à chaque salarié dans des conditions fixées par décret. Ces dispositions sont également applicables dans les entreprises dont l’effectif est compris entre 11 et 20 salariés en l’absence de membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique ;
  • dans les entreprises dont l’effectif habituel est compris entre 11 et moins de 50 salariés, un accord peut être conclu soit par un salarié mandaté par une organisation syndicale représentative au niveau de la branche soit par un membre de la délégation du personnel du comité social et économique ; la validité de ces accords est subordonnée respectivement à leur approbation par les salariés à la majorité des suffrages exprimés ou à la signature par des membres représentant la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles ;
  • dans les entreprises d’au moins 50 salariés les règles de négociation demeurent, quant à elles, inchangées.

4. S’agissant de la validité des accords collectifs conclus avec des délégués syndicaux, la loi du 8 août 2016 prévoyait que lorsque l’accord était signé par des organisations syndicales représentatives ayant obtenu 30% des suffrages exprimés aux élections professionnelles en faveur des organisations représentatives, la validité de l’accord était subordonnée à son approbation par la majorité des salariés. Cette consultation ne pouvait être demandée que par les organisations syndicales signataires. Le texte de l’ordonnance étend à l’employeur la faculté de demander l’organisation de cette consultation à la condition toutefois que l’ensemble de ces organisations ne s’y opposent pas. Les conditions de validité du protocole fixant les modalités d’organisation de cette consultation sont également modifiées : ainsi, pour être valable, celui-ci doit être signé par l’employeur et par les organisations syndicales représentatives ayant obtenu 30% des suffrages exprimés en faveur des organisations syndicales représentatives aux élections professionnelles et non plus seulement par les organisations syndicales signataires.

Le calendrier prévu pour la généralisation de la condition majoritaire à tous les accords collectifs est également modifié puisque cette règle majoritaire s’appliquera à l’ensemble des accords à compter du 1er mai 2018 et non le 1er septembre 2019.

5. S’agissant de la sécurisation des accords collectifs, les actions en nullité des accords d’entreprise sont enfermées dans un bref délai puisqu’il est prévu que ces contestations doivent être engagées dans un délai de deux mois à compter de la notification de l’accord lorsque l’action est engagée par une organisation syndicale ou à compter de l’accomplissement des formalités de publicité lorsqu’elle est engagée par les salariés. En outre, en cas d’annulation de l’accord par le juge, celui-ci peut, s’il apparait que l’effet rétroactif de l’annulation de l’accord est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives, prévoir que cette annulation ne produira d’effets que pour l’avenir ou moduler les effets de sa décision dans le temps. Ces dispositions s’appliquent aux accords conclus postérieurement à la date de leur entrée en vigueur.

6. S’agissant de l’harmonisation et de la simplification des conditions de recours et du contenu de certains accords collectifs, l’ordonnance fusionne en un dispositif unique les accords de mobilité géographique ou professionnelle, les accords de réduction du temps de travail, les accords de maintien dans l’emploi et les accords de préservation et de développement de l’emploi qui obéissaient chacun à des régimes différents. Il est désormais prévu que l’accord conclu peut aménager la durée du travail, la rémunération ou les conditions de la mobilité interne des salariés et que ses stipulations se substituent de plein droit aux stipulations contraires du contrat de travail. Le licenciement du salarié peut intervenir en cas de refus de la modification de son contrat de travail résultant de l’application de l’accord. Le refus d’une modification du contrat de travail constitue un motif réel et sérieux du licenciement, qui ne constitue pas un licenciement pour motif économique.

Sauf disposition expresse contraire, les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur au lendemain de leur publication au Journal officiel, soit le 24 septembre 2017.

 

Auteurs

Olivier Dutheillet de Lamothe, avocat associé, droit social.

Béatrice Taillardat Pietri, adjoint du Responsable de la doctrine sociale

Louis Paoli, avocat, droit social

 

Mise à jour du de l’article publié le 6 septembre 2017

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