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Le piège fiscal tendu au conjoint d’un dirigeant qui part à la retraite

L’article 150-0 D ter institue un abattement renforcé sur la plus-value réalisée par un dirigeant qui cède ses titres à l’occasion de son départ à la retraite. Par tolérance administrative, les membres de la famille du dirigeant-cédant partant à la retraite, qui détenaient également une participation au capital de la société cédée, pouvaient bénéficier sous certaines conditions de ce dispositif.

Dans ses commentaires publiés en octobre dernier consécutivement à la réforme du dispositif d’abattement opérée par la loi de finances pour 2014, l’administration a rapporté cette tolérance.

Cette suppression est-elle susceptible d’affecter la situation particulière du conjoint marié au dirigeant-cédant sous le régime de la communauté et dont la participation constitue un bien commun ?

Dans une telle situation, il convient de rappeler que, conformément à l’article 1421 du Code civil, chacun des conjoints est libre de vendre seul l’intégralité de la participation. Dès lors, quelle serait la portée du dispositif d’abattement renforcé selon que (1ère hypothèse) le dirigeant cède seul l’intégralité de la participation, ou (2ème hypothèse) le conjoint cède seul la participation ou (3ème hypothèse) les deux conjoints cèdent conjointement la participation ?

Le Conseil d’Etat vient de se prononcer, sous l’empire de l’ancien dispositif d’abattement, sur cette dernière hypothèse, à savoir celle de la vente conjointe par chacun des époux, étant précisé que dans cette espèce, l’ancienne tolérance administrative ne pouvait être revendiquée par le conjoint du dirigeant-cédant (compte tenu de sa présence au capital de la société cessionnaire, ce qu’interdisait la tolérance).

Le Conseil d’Etat (arrêt du 10 décembre 2014, n°371437) a refusé le bénéfice de l’abattement de l’article 150-0 D ter du CGI au conjoint du dirigeant en indiquant que :

  • les conditions de ce dispositif doivent être interprétées strictement et appréciées, dans le cas d’un couple marié, au niveau de chaque conjoint pris isolément ;
  • les dispositions de l’article 6 du CGI, qui soumettent les personnes mariées à une imposition commune, n’impliquent pas d’apprécier au niveau du foyer fiscal le respect du dispositif ;
  • la circonstance que les époux seraient mariés sous le régime de la communauté légale est sans incidence sur cette appréciation individuelle.

Il conviendra de lire les conclusions du rapporteur public, non encore disponibles, pour apprécier si, dans les deux autres hypothèses, l’applicabilité de l’abattement renforcé à la plus-value réalisée par le couple dépendrait de la personne qui signe l’acte de vente des droits sociaux communs : s’il s’agit du dirigeant, l’abattement renforcé serait-il applicable à l’intégralité de la plus-value ? S’il s’agit du conjoint du dirigeant, faudrait-il conclure à l’absence totale d’abattement renforcé ?

En tout état de cause, un prompt rétablissement de la tolérance administrative serait plus que jamais le bienvenu.

 

Auteur

Matias Labé, avocat en droit fiscal

 

*Le piège fiscal tendu au conjoint d’un dirigeant qui part à la retraite* – L’actualité fiscale en bref parue dans le magazine Option Finance le 9 février 2015