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Prix de transfert : la transparence, c’est maintenant !

Les manipulations des prix de transfert sont régulièrement décrites comme un vecteur de l’évasion fiscale internationale. Alors que l’OCDE se donne deux ans pour apporter des réponses de fond à certaines difficultés liées à la détermination et à la documentation des prix de transfert, le législateur français met en place de nouvelles obligations déclaratives. Résumé de ce qui attend les entreprises dans les mois qui viennent.

1. Au niveau international, l’OCDE présente et entame son plan d’action

L’OCDE a présenté fin juillet 2013, lors de la réunion des ministres des Finances du G20 à Moscou, son « Plan d’action concernant l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices »(1) (2). Ce plan d’action, ambitieux, vise à « apporter des réponses coordonnées et globales au problème de l’érosion de la base d’imposition et du transfert de bénéfices. » Globalement, ce plan se décline en quinze actions à mener d’ici à la fin 2015 :

  • Une action concerne les défis posés par l’économie numérique, tant en matière de fiscalité directe que de TVA.
  • Six actions concernent les mesures à prendre pour éviter certaines pratiques considérées comme abusives : renforcer les règles relatives aux sociétés étrangères contrôlées (de type article 209 B du CGI) ; limiter les déductions d’intérêts et autres frais financiers ; lutter plus efficacement contre les pratiques fiscales dommageables, en prenant en compte la transparence et la substance ; neutraliser les effets des montages hybrides ; empêcher l’utilisation abusive des conventions fiscales ; empêcher les mesures visant à éviter artificiellement la caractérisation d’un établissement stable.
  • Quatre actions concernent les prix de transfert : faire en sorte que les prix de transfert soient conformes à la création de valeur, qui se décline en trois actions (i) sur les actifs incorporels, (ii) sur la prise en compte des risques et du capital des entreprises et (iii) sur les autres transactions dites « à haut risque » ; réexaminer la documentation des prix de transfert.
  • Trois actions concernent la transparence et l’amélioration de la prévisibilité des normes pour les entreprises : mettre au point des méthodes permettant de collecter et d’analyser des données sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices ainsi que les mesures prises pour y remédier ; obliger les contribuables à faire connaître leurs dispositifs de planification fiscale agressive ; accroître l’efficacité des mécanismes de règlement des différends entre les Etats.
  • La dernière action apparaît technique, mais novatrice, et vise à élaborer un instrument multilatéral permettant aux pays de mettre en Å“uvre les mesures arrêtées ci-dessus et de modifier les conventions fiscales bilatérales.

S’agissant des prix de transfert, le plan d’action rappelle l’attachement de l’OCDE au principe de pleine concurrence et écarte, à nouveau, l’utilisation d’un système de répartition des bénéfices fondé sur une formule. Le plan d’action détaille par conséquent comment l’OCDE envisage de remédier aux insuffisances des règles actuelles qu’elle a identifiées :

  • En matière d’actifs incorporels, il s’agirait (i) d’adopter une définition large et clairement délimitée des actifs incorporels ; (ii) de faire en sorte que les bénéfices associés au transfert et à l’utilisation de actifs incorporels soient correctement répartis en fonction de la création de valeur ; (iii) d’élaborer des règles applicables aux transferts d’actifs incorporels difficiles à valoriser ; et (iv) de mettre à jour les recommandations relatives aux accords de répartition des coûts.
  • En matière de risques et capital, il s’agirait d’adopter des règles qui empêchent qu’une entité perçoive des revenus inappropriés du seul fait qu’elle s’est contractuellement engagée à assumer des risques ou à apporter du capital. Les règles à définir devront également imposer que les revenus soient proportionnels à la création de valeur.
  • Concernant enfin les autres transactions dites « à haut risque » – c’est-à-dire, selon l’OCDE, des transactions dans lesquelles des entreprises indépendantes ne s’engageraient pas, ou ne s’engageraient que rarement – il s’agirait d’adopter des règles visant à : (i) préciser les circonstances dans lesquelles des transactions peuvent être requalifiées ; (ii) clarifier l’application des méthodes d’établissement des prix de transfert, notamment celles fondées sur le partage des bénéfices, dans le contexte des chaînes de valeur mondiales ; et (iii) se prémunir contre les types les plus fréquents de paiements ayant pour effet d’éroder la base d’imposition, comme les frais de siège.

En complément des travaux relatifs à la définition d’une déclaration obligatoire des transactions, dispositifs ou structures à caractère agressif ou abusif, l’OCDE envisage aussi de réexaminer la documentation de leur politique de prix de transfert que devraient fournir les entreprises. L’objectif de ces travaux serait d’accroître la transparence pour les administrations fiscales, tout en tenant compte des coûts de mise en œuvre pour les entreprises. L’OCDE indique expressément qu’il pourrait notamment s’agir d’« imposer aux multinationales de communiquer à tous les pouvoirs publics concernés les informations requises sur leur répartition mondiale du revenu, de l’activité économique et des impôts payés dans les différents pays, conformément à un modèle commun. »

Sur certains de ces aspects, les travaux de l’OCDE sont déjà avancés. En effet, le 30 juillet 2013, l’OCDE a publié (i) une version révisée de son rapport sur les aspects prix de transfert des incorporels et (ii) un papier blanc sur la documentation des prix de transfert. L’organisation a appelé le public à les commenter par écrit pour le 1er octobre 2013 ; une consultation publique (notamment) sur ces deux sujets est prévue à Paris les 12 et 13 novembre 2013.

2. En France, un alourdissement des obligations déclaratives en matière de prix de transfert est à anticiper

Dans le cadre du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière qui devrait être voté en septembre 2013, le législateur envisage :

  • De compléter la liste des éléments à fournir dans le cadre de la documentation prix de transfert prévue à l’article L 13 AA du LPF de « la comptabilité analytique des implantations dans chaque Etat ou territoire. » (article 11 bis AA de la version du projet de loi adoptée par le Sénat). L’adoption d’une telle disposition serait une véritable nouveauté et étendrait significativement l’information mise à disposition de l’administration fiscale française : en effet, actuellement, l’administration fiscale française n’a en principe pas accès à la comptabilité analytique des entreprises établies en France et, encore moins, à celle des entreprises établies hors de France(3).
  • D’obliger les entreprises entrant dans le champ d’application de l’article L 13 AA du LPF (i) soit de transmettre la documentation prix de transfert prévue par cet article en même temps que leur liasse fiscale (article 11 bis D de la version du projet de loi adoptée par l’Assemblée Nationale) alors qu’actuellement cette documentation doit être fournie à l’administration fiscale au début de la vérification de comptabilité de l’entreprise, (ii) soit de transmettre une documentation prix de transfert « allégée » dans les six mois de la transmission de leur liasse (article 11 bis D de la version du projet de loi adoptée par le Sénat). Cette documentation « allégée » serait composée des informations suivantes : (i) une description générale de l’activité du groupe, (ii) une liste des principaux actifs incorporels du groupe, (iii) une description générale de la politique de prix de transfert du groupe, (iv) une description générale de l’activité déployée par l’entreprise française, (v) un état récapitulatif des opérations réalisées par l’entreprise française avec d’autres entreprises associées, par nature et par montant, lorsque le montant agrégé par nature de transactions excède 100 000 € ; (vi) une présentation de la ou des méthodes de détermination des prix de transfert utilisées. Cette documentation « allégée », mais annuelle, ne remplacerait pas la documentation à fournir en cas de vérification et les entreprises seraient ainsi soumises à deux obligations documentaires distinctes.

On rappellera enfin que la loi de séparation et de régulation des activités bancaires a, en plus d’obliger les banques à publier en annexe à leurs comptes annuels consolidés des informations sur leurs implantations et leurs activités pays par pays(4), également prévu que cette obligation s’étendra aux grandes entreprises (mais avec, pour elles, une entrée en vigueur reportée à l’adoption par l’Union Européenne d’une disposition similaire).

Notes

1. OCDE (2013), Plan d’action concernant l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, Éditions OCDE.

2. L’OCDE a aussi soumis aux ministres une proposition destinée à renforcer la coopération fiscale internationale et la transparence en encourageant l’échange automatique de renseignements entre Etats.

3. Une telle disposition était notamment suggérée par la note du 15 mars 2013 de l’inspection générale des finances intitulée « Mission de comparaisons internationales sur la lutte contre l’évasion fiscale via les échanges économiques et financiers intra-groupe ».

3. Nom des implantations et nature d’activité ; produit net bancaire et chiffre d’affaires ; effectifs ; bénéfice ou perte avant impôt ; montant des impôts sur les sociétés dont les implantations sont redevables ; subventions publiques reçues (loi n°2013-672 du 26 juillet 2013)

 

A propos de  

Xavier Daluzeau, avocat associé, spécialisé en fiscalité internationale, il intervient plus particulièrement dans le domaine des prix de transfert et des opérations transnationales de restructurations et d’acquisitions.

 

Article paru dans la revue Option Finance du 2 septembre 2013

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