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Rabais d’exclusivité et position dominante : quand la CJUE apporte des précisions non dénuées d’effets sur une pratique en principe sanctionnée per se

CJUE/ G. Fessy

Voilà une affaire beaucoup commentée car non seulement la CJUE a annulé une décision de condamnation à une amende très élevée (1,06 milliard d’euros) mais aussi parce qu’elle a ajouté une exigence d’analyse des effets d’éviction d’une pratique de rabais d’exclusivité lorsque l’entité concernée a apporté des éléments de preuve, pendant la procédure administrative, de ce que son comportement n’a pu restreindre la concurrence.

Dans cet arrêt, la Cour vient « préciser » sa jurisprudence sur l’abus de position dominante et les rabais de fidélité en indiquant que, dans la situation précitée, la Commission européenne doit non seulement examiner la position dominante de l’entreprise sur le marché, les modalités d’octroi de tels rabais ou encore le taux de leur couverture sur le marché mais aussi « apprécier l’existence éventuelle d’une stratégie visant à évincer les concurrents au moins aussi efficaces ».

Pour conforter la pertinence de l’analyse de la capacité d’éviction, la Cour souligne que  » l’effet d’éviction qui résulte d’un système de rabais, désavantageux pour la concurrence, peut être contrebalancé, voire surpassé, par des avantages en termes d’efficacité qui profitent au consommateur ».

A ce propos, tout en ayant considéré dans sa décision que de tels rabais étaient par nature restrictifs de concurrence, la Commission avait cependant mis en œuvre de manière complémentaire une analyse de la capacité d’éviction notamment au travers du test AEC dit du « concurrent aussi efficace ». Dès lors, pour la Cour, ce test avait une importance dans l’appréciation de la capacité d’éviction de tels rabais : la vérification réclamée par le demandeur du bon usage du test AEC utilisé par la Commission, pour apprécier la restriction de concurrence avant de conclure au caractère anticoncurrentiel des rabais de fidélité, devait donc être effectuée par le Tribunal contrairement à ce qu’avait considéré ce dernier.

Cette décision apporte ainsi un tempérament à l’interdiction par nature des rabais de fidélité en permettant à l’entreprise qui se voit reprocher de tels rabais d’apporter des éléments tangibles établissant que ces derniers n’ont pas pu dans son cas restreindre la concurrence (le standard de preuve requis semblant bien être de démontrer l’incapacité pour de tels rabais d’affecter la concurrence).

L’arrêt emporte d’autres précisions comme le fait qu’il suffit que la pratique ait des effets probables sur la concurrence pour qu’il soit prévisible qu’elle aura des effets dans l’UE, condition nécessaire à la reconnaissance de la compétence de la Commission.

En outre, la Cour en profite pour revenir sur la règle procédurale (notamment article 19 du règlement n°1/2003 et article 3 du règlement n°773/2004) habilitant la Commission à procéder à un entretien et à enregistrer toute réunion avec un tiers visant à recueillir des informations en lien avec l’objet d’une enquête. A ce sujet, elle dénie notamment une quelconque validité à la distinction avancée par la Commission et le Tribunal entre les entretiens formels et ceux informels qui seraient hors du champ de l’obligation d’enregistrement.

CJUE Arrêt du 6 septembre 2017 Aff. C-413/14P, Intel

 

Auteur

Denis Redon, avocat associé en droit douanier et droit de la concurrence, CMS Bureau Francis Lefebvre Paris

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