Réalisation de nantissement de parts de SCI : quelques aspects pratiques
21 juin 2016
L’application de la loi Alur aux sociétés civiles immobilières (SCI) et leur caractère intuitu personae sont de nature à poser des difficultés pratiques, qu’il convient d’anticiper, lors de la réalisation du nantissement de parts sociales.
En garantie du financement d’une acquisition ou d’une opération immobilière, les parts sociales de la SCI qui détient l’actif immobilier sont régulièrement nanties. Toutefois, la réalisation d’un tel nantissement soulève des difficultés pratiques puisque, quel que soit le mode de réalisation du nantissement choisi, cette réalisation emporte transfert desdites parts. Ces difficultés résultent notamment de l’intuitu personae caractérisant les SCI et imposant l’agrément, en cas de transfert de parts, dans les conditions prévues par la loi et les statuts.
La réalisation du nantissement peut s’opérer par vente forcée (C. civ. art. 2346), attribution judiciaire (C. civ. art. 2347) ou attribution automatique au créancier (C. civ. art. 2348).
Afin de faciliter la vente forcée des parts sociales, le bénéficiaire peut être agréé par les associés de la SCI dès la mise en place du nantissement (C. civ. art. 1867 al. 1). Ce consentement emporte agrément du bénéficiaire en cas de réalisation forcée des parts sociales, sous réserve de la notification à la SCI et aux associés de cette réalisation au moins un mois avant la vente. Les associés conservent néanmoins un droit de repentir et pourront se substituer à l’acquéreur dans un délai de cinq jours suivant la vente ; à défaut, la SCI pourra racheter ses propres parts en vue de procéder à une réduction de capital (C. civ. art. 1867 al. 3), mais cette possibilité sera difficilement mise en oeuvre dans un contexte d’exigibilité anticipée d’un financement et de réalisation des sûretés.
L’attribution judiciaire permet au bénéficiaire du nantissement de demander au Tribunal de lui transférer la propriété des parts sociales. L’attribution automatique des parts sociales nanties peut également être prévue dans l’acte de nantissement par un pacte commissoire. Dans ces deux cas, la valeur de réalisation des parts sociales est déterminée par un expert.
L’attribution des parts sociales d’une SCI, qu’elle soit judiciaire ou automatique, peut être contraignante pour le bénéficiaire car elle implique qu’il devienne associé de la SCI ce qui l’expose à la responsabilité indéfinie des dettes de la SCI (C. civ. art. 1857). Lorsque la valeur des parts sociales ainsi attribuées excède celle des obligations garanties par le nantissement, la différence devra être reversée au constituant ou mise sous séquestre au bénéfice d’autres créanciers.
L’application des règles relatives au pacte commissoire peut sembler heurter les règles spécifiques aux SCI. En effet, le délai de notification d’un mois, le droit de repentir des associés et le droit de la SCI de racheter ses parts sont difficilement conciliables avec le caractère automatique de l’attribution en pleine propriété que peut prévoir le pacte commissoire. En dépit de la lettre de l’article 1867 du Code civil, qui vise uniquement l’hypothèse de la «vente», il nous semble que ces règles spécifiques demeurent applicables à la réalisation par voie de pacte commissoire, bien qu’à notre connaissance aucune décision n’ait été prise sur cette articulation. En pratique, cette difficulté nous semble pouvoir être évitée par une renonciation expresse des associés au bénéfice de l’article 1867 du Code civil.
Enfin, la réalisation du nantissement pourrait imposer au bénéficiaire de faire une déclaration d’intention d’aliéner préalable lorsque le transfert des parts sociales entre dans le champ du droit de préemption urbain (voir «Droit de préemption urbain et cessions de parts de SCI», la Lettre de l’Immobilier, 21 septembre 2015, p. 9).
Auteurs
Christophe Lefaillet, avocat associé spécialisé en droit des sociétés
Magali Béraud, avocat en financements structurés et titrisation
Related Posts
La réforme du droits des contrats | Vers un renforcement de l’efficacité des... 11 avril 2016 | CMS FL
La validité des conventions de management fees conclues avec une SAS reconnue !... 19 avril 2016 | CMS FL
Actualité des fusions : bilan de l’année 2015... 22 février 2016 | CMS FL
La confidentialité dans les opérations de haut de bilan des sociétés non cot... 22 juin 2015 | CMS FL
Réévaluation d’immeubles au sein d’une SCI détenue par des particuliers :... 3 janvier 2019 | CMS FL
Le propriétaire d’un immeuble exproprié est-il passible de la TVA?... 16 juin 2016 | CMS FL
L’activité d’agent commercial logiquement coupée de la branche d&r... 28 juillet 2015 | CMS FL
Perception des dividendes en communauté légale : domaine réservé de l’asso... 6 juillet 2016 | CMS FL
Articles récents
- Relèvement du SMIC et du minimum garanti au 1er janvier 2026
- Directive Omnibus : Accord du Conseil et du Parlement européen visant la simplification des directives sur le reporting de durabilité et le devoir de vigilance
- Frais de santé : Mise en conformité des contrats au plus tard fin 2026 pour conserver le régime social et fiscal de faveur
- L’interprétation patronale inexacte d’une convention collective est-elle constitutive d’une exécution déloyale ?
- Une proposition de loi pour relancer l’encadrement de l’esport ?
- Gérant d’une société de l’UES : une fonction incompatible avec tout mandat représentatif au niveau de l’UES
- Sécurisation des différences de traitement par accord collectif, un cap à suivre
- L’obligation de vigilance du maître d’ouvrage ne s’étend pas au sous-traitant du cocontractant
- Prestations du CSE : fin du critère d’ancienneté au 31 décembre 2025
- Cession d’une filiale déficitaire : sauf fraude, l’échec du projet de reprise ne permet pas de rechercher la responsabilité de la société mère
