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Rupture conventionnelle : nouvelles précisions jurisprudentielles

Dans trois décisions de novembre 2014, la Cour de cassation est venue apporter des précisions quant au régime de la rupture conventionnelle, aujourd’hui seul mode de rupture amiable du contrat de travail, sauf rares exceptions.

Introduite dans notre Code du travail depuis 2008, la rupture conventionnelle connait aujourd’hui en pratique un franc succès. Mais la Cour de cassation reste vigilante quant aux éventuels vices du consentement comme le démontrent notamment les trois arrêts rendus en novembre dernier ci-après commentés.

Une obligation d’information quant aux droits aux «allocations chômage» ?

Dans un premier arrêt (Cass. soc. 5 novembre 2014, n°13-16372), la Cour de cassation a considéré que la transmission au cours de l’entretien destiné à la conclusion d’une rupture conventionnelle de «renseignements manifestement erronés» peut affecter le consentement du salarié. En l’espèce l’employeur avait effectué des calculs et les avait transmis au salarié qui soutenait que ces informations avaient été déterminantes dans sa prise de décision et que leur caractère erroné (l’allocation chômage telle que déterminée par l’employeur était de un tiers supérieure aux droits dont le salarié disposait réellement) avait vicié son consentement. L’employeur estimait quant à lui qu’il ne pesait sur lui aucune obligation d’information quant à l’allocation chômage car il lui revenait simplement d’informer le salarié qu’il pouvait prendre des contacts avec Pôle Emploi. Ni les juges du fond ni ceux de la Cour de cassation n’ont suivi le raisonnement de l’employeur.

Cet arrêt ne peut être interprété comme faisant peser sur l’employeur une obligation générale d’information sur les droits du salarié à l’allocation chômage car cette décision impose simplement que le consentement du salarié ne soit pas trompé par des calculs erronés qui pourraient l’influencer dans sa prise de décision. Mieux vaut donc pour l’employeur ne transmettre aucune information quant au calcul ou montant éventuel de l’allocation chômage mais renvoyer de manière claire le salarié vers le service public de l’emploi pour qu’il s’engage en connaissance de cause après s’être renseigné.

Signature de la convention le lendemain d’un entretien préalable au licenciement

La Cour de cassation a ensuite eu l’occasion d’affirmer que l’article L. 1237-2 du Code du travail n’impose pas de délai entre l’entretien où les parties conviennent de la rupture du contrat et la signature de la convention de rupture (Cass. soc. 19 novembre 2014, n°13-21979 et Cass. soc. 3 juillet 2013, n°12-19268 déjà en ce sens). En l’espèce la convention de rupture avait été signée le lendemain d’un entretien préalable à un éventuel licenciement faisant suite à la notification de deux sanctions disciplinaires, au cours duquel la voie de la rupture conventionnelle avait été évoquée. Postérieurement à la signature de cette rupture conventionnelle, la salariée avait estimé que la rupture devait finalement être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce que la Cour d’appel avait admis.

La Cour de cassation a censuré cette analyse et estimé qu’aucun vice du consentement n’était caractérisé, la convention pouvait être considérée comme valide. La limite inhérente à la solution semble donc être celle des vices du consentement. En effet, il ne faut pas que la rapidité de la signature de la convention marque une précipitation de nature à laisser penser que l’employeur a fait pression sur le salarié pour qu’il accepte la rupture conventionnelle.

L’absence d’obligation d’information sur la possibilité d’être assisté

Dans un autre arrêt du 19 novembre 2014 (Cass. soc. 19 novembre 2014, n°13-21207), la Cour de cassation a approuvé une Cour d’appel d’avoir jugé que l’employeur n’a pas d’obligation d’informer le salarié de la possibilité de se faire assister au cours du ou des entretiens précédant la signature de la convention de rupture. Si certaines cours d’appel avaient pu estimer que la liberté du consentement du salarié devait être protégée par une obligation d’information à la charge de l’employeur sur la faculté pour le salarié de se faire assister, la solution présentée avait déjà pu être énoncée par la Cour de cassation dans un arrêt du 29 janvier 2014 (Cass. soc. 29 janvier 2014, n°12-27594). La résistance des juges du fond est donc ici contrée mais il reste conseillé à l’employeur, au vu du contentieux qui se développe, d’informer le salarié sur cette faculté afin d’éviter tout litige.

Au cas particulier, le fait que la salariée ait été à l’initiative de la conclusion d’une rupture conventionnelle a été déterminant. En effet, une rupture amiable de son contrat lui permettait de réaliser son projet professionnel en créant son entreprise, ce qui, aux yeux des Hauts magistrats, permettait d’exclure que le consentement de la salariée ait été affecté.

L’importance de la théorie générale des vices du consentement

Il ressort de ces trois arrêts que la question des vices du consentement est centrale en matière de rupture conventionnelle. Ainsi, pour s’assurer de la validité de ce mode conventionnel de rupture, la Cour de cassation réaffirme que tant qu’il ressort de l’appréciation des juges du fond que le consentement du salarié était libre et éclairé, la convention doit être considérée comme valide. En revanche, dans le cas contraire, la convention fondée sur un consentement vicié encourt la nullité…

 

Auteur

Caroline Froger-Michon, avocat en matière de droit social.

 

Article paru dans Les Echos Business le 31 décembre 2014

 

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